The Good Business
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D'une exposition au Bon Marché jusqu'aux campagnes Louis Vuitton de Pharrell Williams, les chiens et chats se transforment en consommateurs de demain, dans une société qui les hisse au rang de saints. Décryptage d'une tendance au poil.
Des harnais, des laisses en cuir et des muselières : non, il ne s’agit pas du vestiaire de votre prochaine soirée BDSM, mais bien de l’exposition « Je t’aime comme un chien », qui, jusqu’au 20 avril au Bon Marché Rive Gauche, fait la part belle au meilleur ami de l’homme. Escalators en forme d’os géants, décoration pop et niches présentoirs : le célèbre magasin déroule le tapis rouge aux animaux de compagnie en proposant d’innombrables produits alimentaires, tout comme des produits de soin et des accessoires de mode. Fini le temps où l’on se moquait gentiment de la grand-mère affublant son yorkshire d’un K-way, car désormais, on customise notre animal de compagnie à notre image : bienvenue dans l’ère du pet parenting.
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Avoir du flair
À l’occasion de l’exposition, deux marques françaises qui, jusque-là, se réservaient exclusivement aux humains ont créé des produits spécialement dédiés à nos amis canins. Ainsi, la marque de cosmétiques Holidermie propose des gummies peau et pelage baptisés Holidog, tandis que La Bonne Brosse, marque de référence pour nos cheveux, édite quatre brosses canines s’adaptant aux textures de poils de nos chiens.
Une façon, pour Pauline Laurent et Flore des Robert, les créatrices de la marque, de faire une entrée fracassante sur un secteur en plein essor : « Aujourd’hui, nos animaux font partie intégrante de nos vies et de nos familles, et leur confort est devenu une véritable préoccupation. Ce projet s’inscrit donc naturellement dans cette évolution, en proposant un objet à la fois utile et beau. Nous nous adressons autant aux passionnés d’animaux qu’aux amateurs de beaux accessoires. »
Si cette démarche prête à sourire, elle représente pourtant une tendance économique croissante : celle du marché des animaux de compagnie qui, en France, est passé de 4,44 milliards d’euros en 2017 à 6,4 milliards d’euros en 2023. Un secteur qui ne connaît pas la crise, ce qu’ont bien compris les entreprises qui, depuis quelques années, font tout pour attirer les propriétaires d’animaux à grand renfort de collections capsules.
Ainsi, dernièrement, la marque La Coque Française, spécialisée dans la customisation d’appareils téléphoniques, lançait avec fracas une série d’accessoires composée de colliers pour chiens en cuir, en perles et en paracorde tressée : « Il y a dix ans, une telle collection aurait peut-être semblé plus niche, mais aujourd’hui, il est évident que nos animaux occupent une place centrale dans nos vies », explique Joëlle Amsallem, responsable grands comptes de la marque.
« Cela nous permet de toucher une nouvelle audience. Nous ciblons une clientèle sensible au design, à la qualité et aux tendances, qui voit ses animaux comme une extension de son propre style de vie. » Et lorsqu’on sait que la France héberge plus de 7,6 millions de chiens domestiques, on comprend mieux pourquoi les marques de lifestyle franchissent le pas, ce dernier ayant déjà été amorcé depuis quelques années par les grandes maisons de mode.
Toutou You Too
Scrutés au même titre que les collections de prêt-à-porter, les accessoires et vêtements pour animaux font désormais partie intégrante de la communication des enseignes de mode. Ainsi, en octobre dernier, Pharrell Williams imaginait une collection d’accessoires canins accompagnant sa pré-collection printemps-été 2025, dont une niche en cuir baptisée Kennel Trunk et proposée pour la modique somme de 57 000 €.
De son côté, Dolce & Gabbana dévoilait l’été dernier son premier parfum pour chien, Féfé, en hommage à l’adorable caniche marron clair de Domenico Dolce. Dior signe un harnais à 710 €, tandis que votre bichon brillera de mille feux dans un sublime pull Prada en laine et cachemire à 620 € avant de retrouver son confortable panier pour une sieste bien méritée (mais pas n’importe lequel, puisqu’Hermès opte pour un coussin biface rouge et blanc fabriqué en Suisse à 680 €).
« Hermès a toujours intégré les chiens dans son univers en raison de son héritage équestre », analyse Yoann Latouche, fondateur de l’agence de communication au service du monde animal YLG. Mais le profil des consommateurs a évolué et les marques l’ont bien compris. Avant, ce type de luxe était davantage associé aux parents et aux familles. Aujourd’hui, la clientèle est plus jeune. Les Millennials font des enfants de plus en plus tard, mais adoptent un chien ou un chat très tôt.
Au Brésil, il y a désormais plus de chiens que d’enfants, et la tendance se confirme : d’ici 2028, la Chine pourrait connaître la même évolution. Pour les marques, cibler cette génération est une opportunité évidente, car ces jeunes adultes investissent beaucoup dans leurs animaux et leur bien-être. »
Comme chiens et chats
Un lifestyle qui s’affranchit des frontières, n’hésitant pas à empiéter sur la sphère professionnelle. Si le monde de l’entreprise imagine bien souvent les enfants comme des persona non grata, les animaux de compagnie se voient propulsés au rayon portes ouvertes, à l’instar de l’enseigne de mode American Vintage qui, en plus de ses collections, crée des accessoires pour chiens tout en accueillant ces derniers au sein de ses locaux professionnels.
« Lorsque j’ai eu mon premier chien, ce fut un véritable déclic », explique le créateur de la marque, Michael Azoulay. Nous avons vite réalisé à quel point sa présence apportait de la sérénité, et comment cela facilitait le quotidien des employés de pouvoir venir au travail avec leur animal. »
Très attaché à l’idée de créer un environnement de travail apaisant et bienveillant, il met en place un espace de jeu de 800 m² pour ses collaborateurs désirant venir accompagnés de leurs compagnons à quatre pattes. Un phénomène qui n’étonne pas Yoann Latouche, puisqu’il constate l’appétence des marques pour le monde animal, côté coulisses comme face caméra.
« Nous avons, au sein de l’agence, une branche dédiée au casting. Concrètement, cela signifie que nous nous chargeons soit de la production, soit de trouver les bons animaux pour les bonnes campagnes publicitaires. Cela peut être pour des publicités télévisées, digitales, ou encore des shootings pour des magazines. Au départ, nous étions essentiellement sollicités par des marques spécialisées dans l’univers animalier. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. De grandes entreprises comme Air France, Peugeot ou encore Louboutin intègrent de plus en plus d’animaux de compagnie dans leurs pubs. On assiste aussi à un format hybride, celui de marques destinées aux animaux qui collaborent avec des enseignes destinées aux humains. »
À cet égard, la marque d’accessoires pour animaux Bandit fait office de précurseur puisqu’on lui doit une collection capsule avec Lancel. Aujourd’hui, elle signe un partenariat avec le groupe hôtelier Mama Shelter. L’objectif ? Accueillir à bras ouverts les clients désirant séjourner à l’hôtel avec leurs chiens, tout en proposant à ces derniers une série de goodies allant d’un jouet en forme de pizza à un tapis nomade à transporter partout avec soi.
« C’est typiquement une marque qui a su moderniser et dépoussiérer l’univers des animaux de compagnie en proposant des produits très stylés, analyse Yoann Latouche. Ce type d’initiative permet aux grandes marques de tester ce marché et d’évaluer son potentiel. » Autrement dit : il ne faut jamais mettre tous ses œufs dans le même panier.
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