Food
The Good Guide
Cette semaine, de passage outre-Manche, The Good Life en a profité pour se percher au comptoir du plus français des chefs brésiliens, Franco Sampogna, dans le quartier de West Village.
LE COMPTOIR DE LA SEMAINE — « Je voulais être avocat mais on m’en a dissuadé car il m’aurait d’abord fallu passer des années à perfectionner mon français. » Franco Sampogna a déménagé en France à ses dix-sept ans, poussé par sa tante niçoise alors que son père vient de décéder. Une année de transition se transformera en chemin de vie. Il ne parle pas un français parfait : on lui recommande une carrière dans les métiers manuels. Il choisit la cuisine ; elle le conduira jusqu’au diplôme et bien plus loin… Jusqu’au restaurant Frevo, à New York, qu’il a inauguré en 2019.
Franco Sampogna : le plus français des chefs brésiliens
Ducasse sous Romain Meder, Guy Savoy… Le chef brésilien enchaîne les grandes et belles maisons françaises avant de s’exiler aux États Unis. Quelques clients privés l’y attendent, une courte aventure à Long Island se dessine et puis, d’un coup de pédale, il tombe sur un panneau « to rent » (à louer) sur la 48e rue après s’être vu refuser, le jour même, la signature du bail d’exploitation d’un restaurant à Soho. « Les Americains jouent cash. Nous, on débarquait avec nos moyens d’Européens. C’était 2019, avant le Covid, les adresses à louer étaient rares et loyers exorbitants. Celui-là a simplement décidé, à la dernière minute, que notre projet ne l’intéressait pas »
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C’est donc un espace « trop » grand que Franco Sampogna et son associé Bernardo Silva se voit adjuger. « Nous n’avions pas la capacité financière d’opérer l’espace. Nous avons donc réfléchi à une idée pour le rétrécir tout en l’exploitant dans sa globalité », explique le chef avant de rappeler qu’un « lieu qui marche est un lieu qui ressemble ceux qui le font ». Amateur d’art, il propose à son ami, l’artiste Toma-L, d’exposer ses toiles dans ce qui prendra la forme d’une galerie quand Frevo ouvrira pour la première fois ses portes 2019. Depuis, si de nombreux artistes se sont succédés à mesure que les murs du restaurant prenaient des couleurs et que son mobilier évoluait pour coller au standing d’un quartier toujours plus exigeant, Toma-L, artiste abstrait aux toiles vitaminées qui s’envolent dès qu’elles sont présentées, reste un régulier des cimaises de Frevo.
Le restaurant a, au même titre, bien évolué depuis son ouverture. « Nous sommes enfin là où nous voulions être en termes de design. Le look, ici, c’est aussi important, voire plus, que la cuisine pour donner à son adresse un standing. » Ayant déjà égrené trois décors, Frevo est désormais un écrin hyper contemporain aux murs vert forêt construit autour du fameux comptoir d’où on observe le chef et sa brigade œuvrer tranquillement à leur tâche, lâchant quelques blagues en français (40 % du staff est francophone) et guettant, en toute discrétion, les réactions de leurs convives entre deux montages de plats.
Onze sont au programme, une séquence dense mais parfaitement équilibrée qui a décroché sa première étoile Michelin en 2022. « Rien n’a changé » depuis l’obtention du Graal assure le chef, déjà fier d’une belle clientèle, surtout new-yorkaise, pointue, qui vient chercher chez Frevo un menu international à la technique française et l’expertise de son chef sommelier Quentin Vauleon, meilleur jeune sommelier de France 2017.
Le restaurant Frevo est une pépite à New York
L’accueil chez Fevro se fait donc dans sa galerie où trois tableaux de Toma-L trônaient en ce mois de mars 2024. Nos manteaux ôtés, nous voilà assis au comptoir au même titre qu’une quinzaine d’autres gourmets (deux tables de quatre convives sont également disponibles à la réservation pour les petits groupes). Trois bouchées viennent accorder les violons des néo attablés, tenus d’arriver pour un même service (17h30 ou 20h30) afin de diner de concert.
D’un faux donut revisité fourre à la purée courge topé d’oursin à un poisson du Maine généreusement coiffé d’une quenelle de caviar américain, en passant par ce (cab or ribeye) unique au monde puisque seul son fournisseur se donne la peine de lever la partie haute de la côte, une partie aussi persillée qu’une entrecôte mais tendre comme un filet (rien que pour ça, allez-y).
Un coup de chiffon sur la table entre chaque plat, le pliage d’une serviette remisée sur la chaise si vous vous absentez, des verres à vin dédiés pour chaque jus, le recul d’une chaise haute dosé à la perfection par rapport au comptoir… Tout de A à Z, au restaurant Frevo, est une performance artistique, portée par un cadre d’un zen absolu alors qu’une équipe de 12 personnes s’active, chacun à sa place mais pas au garde-à-vous, et l’ambiance sonore du lieu qui conjugue quelques chansons brésiliennes à des titres de deep-techno.
Si vous n’aviez pas entendu parlé de Franco Sampogna, il suffira d’un vol Paris-New York à bord d’un avion La Compagnie dont il signe le menu tout au long du mois de mars 2024 pour vous mettre à l’eau à la bouche, une séquence entrée-plat qui donne enfin aux menus d’avion un juste goût. Pour poursuivre l’expérience, c’est donc au restaurant Frevo qu’il faudra se rendre, réservations conseillées voire obligatoires bien en amont de votre venue dans Big Apple, l’excellence obligeant la patience.
Restaurant Frevo
48 W 8th St, New York, NY 10011, États-Unis
Réservations
