×
portrait chef romain par nathalie carnet
fanny

Horlogerie

Chef Romain Meder, artisan de la Naturalité

Horlogerie

Après avoir aidé à concrétiser le concept de « naturalité » en cuisine, il poursuit son chemin vers une gastronomie brute où le végétal est roi. Voila six mois que Romain Meder, disciple d'Alain Ducasse, écrit sa propre histoire au Domaine de Primard, près de Paris. De quoi intriguer The Good Life et s'adonner à notre exercice du 5 à 7.

La demeure principale du Domaine de Primard.
La demeure principale du Domaine de Primard. Brunot Suet

Personne ne vous le dira mais, au Domaine de Primard, vous marchez dans les pas de Catherine Deneuve. Si l’anecdote n’apporte aucune clé de compréhension à ce séjour bucolique, elle entérine le caractère exceptionnel de cette adresse sise à moins d’une heure de train de Paris. Depuis son rachat par Frédéric Biousse et Guillaume Foucher (groupe Fontenille), le château enchanteur s’est mué en une résidence tout confort dotée d’un spa Susanne Kaufmann — le seul en France — et d’un restaurant, jusqu’alors tenu par Eric Fréchon. C’est désormais le chef Romain Meder qui y officie, remettant la nature au centre de tout.

Rencontre avec Romain Meder, chef du restaurant gastronomique Les Chemins au Domaine de Primard

La Naturalité est née de ses dix doigts. En son temps, ce concept avant-gardiste pensé et édicté par le Chef Ducasse dès 2014 a fait du Plaza Athénée une adresse incontournable de la gastronomie contemporaine. Depuis, le mercato des grandes maisons a voulu que le duo laisse sa place à Jean Imbert et à sa cuisine de la France bourgeoise. Et si le chef le plus étoilé du monde n’a pas tardé à embrayer sur de nouveaux projets, il n’a pas non plus lâché son poulain, avec qui il a créé Sapid quelques mois à peine après leur éviction du Plaza. Romain Meder, quant à lui, a quitté Paris.

N’allez pas croire que c’est un ras-le-bol de la capitale qui a poussé le chef bourguignon à s’exiler. Plutôt l’opportunité d’ancrer la Naturalité dans… la nature. Alors que le chef Frechon, démissionnaire, empruntait le chemin inverse, Meder, quant à lui, prenait ses quartiers à Guainville. De là, il a profité de l’été pour opérer une mue complète du potager du domaine et de ses espaces de restauration, dès lors transformés en deux tables distinctes : la brasserie Octave et Les Chemins, le restaurant gastronomique de l’hôtel.

Le chef Romain Meder prend la pose au Domaine de Primard.
Le chef Romain Meder prend la pose au Domaine de Primard. Philippe Vaures Santamaria

The Good Life : Romain Meder, vous avez déménagé à Guainville en avril 2021. Comment vivez-vous ce changement de vie ?

Romain Meder : Mon déménagement à Primard n’est pas réellement un changement de vie. C’est la juste continuité du travail de la Naturalité que j’avais amorcé au Plaza Athénée. La différence réside dans le fait que je me trouve désormais au cœur de la nature, alors qu’en centre-ville c’est la nature qui venait à nous. Ma réflexion et ma façon de travailler, elles, n’ont pas changé.

TGL. Revenons un instant sur le concept de Naturalité…

R.M. Alain Ducasse en est l’inventeur. Grand voyageur, il s’est souvent trouvé en première ligne pour témoigner des problèmes environnementaux dans le monde. Il a donc souhaité faire évoluer les choses et changer le braquet de sa cuisine pour amener ses clients à consommer de façon différente. De mon côté, j’opérais déjà sous ses ordres un gros travail sur la céréale dans son restaurant au Qatar. Il a partagé avec moi toutes ses réflexions — j’ai été son bras-droit pendant 17 années — et nous nous sommes mis à élaborer conjointement ce que l’on appelle aujourd’hui la Naturalité : une cuisine avec moins de gras, moins de sucre, moins de sel. Surtout moins de protéines animales, en l’occurence carnées, puisque nous avons fait disparaître la viande de la carte du Plaza. Le travail s’est a contrario axé sur les protéines végétales mais aussi sur celles des produits marins, toujours issus de la pêche durable et responsable.

J’aime la définir la Naturalité comme une approche culinaire radicale basée sur un triptyque légume-céréale-fruit, dans lequel sont parfois ajoutées des protéines issues de la pêche durable. – Romain Meder

TGL. Le Chef Ducasse vous manque-t-il ?

R.M. Je travaille toujours avec lui ! Je suis son associé pour notre restaurant Sapid, dans le 10e arrondissement de Paris. C’est un restaurant dans lequel nous proposons une cuisine à 98 % composée de végétal. Les 2 % restants comprennent par exemple un œuf mollet ou une tranche de poisson fumé qui viendraient servir de condiment dans un plat. Tous les producteurs avec qui nous travaillons sont des personnes que nous connaissons depuis une bonne dizaine d’années, exactement dans la veine de ce que j’ai mis en place au Domaine de Primard. En quittant le Plaza Athénée, nous tenions à poursuivre notre relation avec ces artisans du bien-manger, et c’est entre autres pour cela que nous avons créé Sapid. Il était hors de question de laisser tomber ces paysans. Nous avions une responsabilité. Les chefs, en général, ont une responsabilité, celle de soutenir les filières agricoles françaises.

Octave, la brasserie du Domaine de Primard.
Octave, la brasserie du Domaine de Primard. Philippe Vaures Santamaria

TGL. Faisons un bilan de ces six premiers mois à Primard. Qu’est-ce qui a évolué ?

R.M. Je pense avoir apporté une identité culinaire qui n’existait pas — Monsieur Fréchon avait inauguré les cuisines du Domaine en 2021, pendant quelques mois seulement. Nos deux cuisines sont radicalement opposées. La mienne est davantage proche de la nature, donc, du maréchage, du sauvage… J’ai voulu entreprendre une vraie réflexion avec les propriétaires de Primard, notamment autour de la nature des produits cuisinés et de l’accompagnement des clients sur le bien-manger, leur (ré)apprendre qu’une tomate ne pousse pas en hiver par exemple… La formation de nos équipes, que ce soit en salle ou en cuisine, a aussi été très enrichissante : leur apprendre comment élaborer de merveilleux plats à partir des trésors qui poussent sur le domaine est un privilège.

Le potager a lui aussi pris de l’ampleur. Une petite partie existait déjà du temps de la précédente propriétaire, à peu près un quart des 300 mètres carrés que nous exploitons aujourd’hui. Avec l’aide de Gérard, qui fut aussi le jardinier de Madame, nous avons développé le terrain, structuré le jardin en construisant notamment des bacs. Nous souhaitions le rendre élégant, pour le plaisir de nos clients, mais aussi et surtout adapté à l’usage que nous en ferions, en tirant par exemple profit des zones d’ombres et des recoins rendus plus chauds grâce à la présence d’un mur qui reflète le soleil. Mon objectif est de passer la cuisine du restaurant gastronomique en autosuffisance dès cet été.

Une gaufre de sarrasin au miel récolté à Primard, agrémentée de pousses du jardin.
Une gaufre de sarrasin au miel récolté à Primard, agrémentée de pousses du jardin. Philippe Vaures Santamaria

TGL. Vous dirigez deux tables au Domaine de Primard : Les Chemins et Octave. Quelle différence de traitement leur réservez-vous ?

R.M. Je ne saurais pas comment mieux traiter un morceau de viande aux Chemins que je ne le fais chez Octave. Les pièces carnées y sont d’une qualité incroyable, on a juste à en découper un morceau et à le cuire sur le grill pour en révéler le meilleur ! A l’inverse, à travers Les Chemins, notre table gastronomique, je cherche à faire vivre une expérience inédite. J’y affirme mes goûts, j’ose les aspérités, j’accentue les saveurs — l’amertume, l’acidité, l’astringence… — dans la pure lignée de la Naturalité. L’accompagnement du client est aussi une notion-clé d’un diner attablé au restaurant gastronomique : on emprunte des chemins culinaires pour raconter une « vraie » histoire.

Le bien-manger est primordial au Domaine de Primard – Romain Meder

Encore une fois, la qualité de chacun de nos produits est également primordial pour nos deux tables. Nous connaissons chaque producteur, mareyeur, primeur, paysan… puisque ce sont les mêmes avec qui je travaille depuis dix ans. J’ai néanmoins tenu à me créer un réseau autour de la résidence afin d’ancrer notre cuisine dans un circuit local. Finalement, la majeure différence entre nos deux tables est comparable à celles qui séparent le prêt-à-porter et la haute couture.

Les Chemins, où s’écrit la suite de l’histoire de la Naturalité…
Les Chemins, où s’écrit la suite de l’histoire de la Naturalité… Philippe Vaures Santamaria

TGL. Le service est impeccable aux Chemins. Est-ce une exigence de votre part ?

R.M. J’ai toujours pensé que la meilleure cuisine du monde ne serait rien sans un accompagnement digne de ce nom. Vous pouvez mettre en œuvre tous les efforts du monde en cuisine, sans les hommes et les femmes de salle, ils sont vains, ils resteront incompris. Certains des plats que je concocte sont clivants, c’est vrai : qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, les explications et éclaircissements du service permettent un réel échange qui éveille souvent la curiosité. Finalement, ce sont sont eux qui font d’un dîner un réel moment hors du temps. Et n’oublions pas la sommellerie ! Notre sommelier, Louis, est tout à fait incroyable. Il arrive à trouver des accords parfaitement improbables qui marchent merveilleusement bien sans lesquels l’expérience proposée aux Chemins ne serait pas la même.

F.L.G.


Domaine de Primard
D16, 28260 Guainville
Tél. : 02 36 58 10 08

Les Chemins
Ouvert du jeudi soir au dimanche midi
Menu 5 séquences : 145 €
Réservations

Octave
Du lundi au vendredi (hors jours feriés)
Menu déjeuner : entrée, plat ou plat, dessert (28 €) ou entrée, plat, dessert (38 €)
Réservations

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture