The Good Culture
Vins et spiritueux
De George Clooney à Kendall Jenner, en passant par The Rock, nombre de célébrités ont pris d’assaut le secteur désormais très concurrentiel de la tequila, ce breuvage mexicain particulièrement prospère en Amérique du Nord et, depuis peu, à la conquête de l’Europe.
Des shooters agrémentés de sel et de citron aux verres à dégustation, il n’y a qu’un pas franchi par le Mexique au tournant du 21ème siècle. Alors de piètre qualité car majoritairement vendue sous la forme de « mixto » (des assemblages d’agave et de sucres divers) et destinée à être noyée dans des Margaritas, la tequila se voit progressivement basculer dans la catégorie des spiritueux premium, à la faveur des Etats-Unis qui perçoivent en elle une tendance en devenir. Naissent alors des tequilas 100% agave bleu, cette succulente principalement originaire de Jalisco, un état mexicain situé en bordure d’océan. De quoi faire trembler les alcools traditionnels et titiller la curiosité des célébrités.
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Aux Etats-Unis, l’âge d’or de la tequila premium
Si sa part dans le marché mondial des spiritueux reste relativement anecdotique (environ 6,5 % des volumes en 2023 contre 2,5% en 2021), il ne faut pas s’y tromper : l’eau-de-vie d’agave a pignon sur rue. Preuve en est l’engouement des célébrités pour cet or blanc en bouteille. L’une des dernières en date ? Kendall Jenner, cinquième sœur du très prolifique clan Kardashian. Mannequin et star de télé-réalité, la vingtenaire est aussi la fondatrice de 818, une marque de tequila haut de gamme lancée en 2021 et déclinée en quatre flacons dont Eight Reserve, un assemblage de tequilas vieillies de trois à huit ans, contenu dans une voluptueuse bouteille prenant la forme d’un « huit » et conçue artisanalement à Pachuca au Mexique à partir de céramique locale.
Autre prouesse marketing : avant même le lancement de sa marque, Kendall Jenner a soumis ses breuvages à des concours de spiritueux sous la candidature K & Soda. Résultat : sa cuvée « Reposado » (vieillie de deux mois à un an) a été élue meilleure du monde lors des World Tequila Awards 2020 et sa cuvée « Añejo » a remporté la médaille de bronze. Autant de coups de com’ – y compris le partenariat récent autour de l’espresso martini entre 818 et Chamberlain Coffee, la marque de café lancée par la créatrice de contenus éponyme – valant à la marque d’être déjà suivie par plus d’un million d’abonnés sur Instagram, sans compter les quelque 300 millions que cumule le compte personnel de l’entrepreneuse-influenceuse.
Kendall Jenner n’est pas la seule à avoir capitalisé sur sa célébrité pour mettre à l’honneur l’eau de vie mexicaine. Comme elle, la chanteuse Rita Ora (Próspero Tequila), l’acteur Dwayne Johnson aka The Rock (Teremana Tequila) et le groupe de rock AC/DC (Thunderstruck) se sont lancés autour des années 2020. Près de dix ans avant eux, l’acteur George Clooney et ses partenaires Rande Gerber et Mike Meldman mirent déjà sur pied Casamigos, une marque de tequila premium plus que prospère puisqu’elle ne pesait pas moins d’un milliard de dollars en 2017, année de son rachat par le géant britannique des boissons alcoolisées Diageo.
Des breuvages conçus comme des œuvres d’art
Parmi les maisons se consacrant à la tequila haut de gamme, Clase Azul Mexico est l’une des plus iconiques. Et pour cause : cette marque mexicaine vieille de plus de 25 ans s’est brillamment appuyée sur l’artisanat local pour fonder ce qui est aujourd’hui la première maison de luxe établie au Mexique – signe des liens étroits qu’entretiennent le monde des spiritueux et celui de l’art. Chantal Serrano, brand manager de cette empire, le sait mieux que personne : le contenant est au moins aussi important que le contenu. D’où l’absolue beauté des carafes en porcelaine ornées de motifs peints à la main qui ont fait la renommée de la maison.
Aussi coûteuses soient-elles (265 € les 70 cl pour une tequila Reposado Clase Azul Mexico, 289 € les 70 cl pour une tequila Eight Reserve 818 pour n’en citer que deux), les eaux de vie mexicaines premium trouvent chaque année leur public. Si les Etats-Unis, le Mexique et le Canada en constituent les trois plus grands marchés, le reste du monde n’est pas en reste. Preuve en est la distribution des boissons Clase Azul Mexico dans 70 pays du monde, y compris en Europe où les arômes fumés, exotiques et puissants de la tequila sont en passe de détrôner les alcools plus conventionnels.
Une place à prendre sur le marché européen
Carlos Carvallo et Elsa Fuger ont quitté leur Mexique natal pour s’installer en Suisse mais ont toujours songé à populariser l’alcool d’agave en Europe, un marché encore peu familier avec la tequila. Le premier raconte : « nous avons commencé par importer du vin mexicain en Europe. Après avoir travaillé comme cuisinier-pâtissier (l’homme a notamment été le pâtissier d’Emmanuel Macron à l’Elysée, ndlr), j’ai voulu tenter l’expérience de la tequila. » En 2022, le tandem crée Lady, une tequila évidemment made in Mexique (à Guanajuato précisément) mais, fait rare, liquoreuse car infusée en Suisse, aux herbes et aux fleurs bio des Alpes. « C’est une tequila pour les palais délicats ! », renchérit celui qui, comme les autres créateurs de tequilas haut de gamme, soigne particulièrement l’embouteillage de son or blanc.
« Le marketing est essentiel pour trouver sa place sur ce genre de marché de niche. Pour nous démarquer, nous avons opté pour un flacon fait à base de verre recyclé en Suisse, aux allures de bouteille de champagne. La seule différence réside dans l’opacité du contenant que nous avons voulu noir pour assurer le maintien de toutes les qualités organoleptiques de l’eau de vie d’agave », détaille l’intéressé. Et de poursuivre s’agissant du logo fin et doré ornant lesdits flacons : « je le dois à ma mère à qui j’ai demandé de le tracer sur une serviette en papier ».
L’eau de vie d’agave déjà victime de son succès ?
Deux ans après le lancement de Lady, cette version suisso-mexicaine de la tequila conquiert bon nombre de bars à cocktails suisses et français. Pourtant, à mesure que ce marché mûrit, le business de Carlos Carvallo et Elsa Fuger comme celui de Kendall Jenner se voient menacés par la pénurie d’agaves. Très rigoureux, le cahier des charges de la tequila suppose en effet que l’agave utilisé soit cultivé dans cinq états mexicains seulement. Or, récemment, le cabinet de conseil britannique IWSR rappelait que la production d’un litre de tequila impliquait l’utilisation de sept à huit kilos d’agave…
Face à la flambée des prix qu’une telle rareté implique, d’autres boissons à base d’agaves cultivés n’importe où dans le monde commencent à se faire une petite place sur le marché des spiritueux premium. Ainsi du mezcal mexicain, mais aussi de la version marseillaise, née suite à l’arrachage d’agaves indésirables sur l’archipel du Frioul (à partir de 100 € la bouteille de 35 cl).
