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Jean-Luc Chetrit
Jean-Luc Chetrit.
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The Good Business

A la tête de Carat France, Jean-Luc Chetrit réinvente les métiers de la communication

The Good Business

Il a reconstruit l’agence Carat France, pionnière du conseil média, en cassant ses cloisons et ses équipes. A 50 ans, ce disciple de Procter & Gamble réinvente le métier de la communication, qui doit d’urgence s’écarter de la pub ronflante pour imposer sa valeur d’expertise. Esprit géométrique, élocution précise à la Fabrice Luchini, il insiste : « La communication, c’est une fonction de direction. »

Carat, pionnière des agences de communication a fêté cette année son demi-siècle. L’occasion pour The Good Life de rencontrer celui qui en a pris les commandes il y a quatre ans, Jean-Luc Chetrit. Open-space, diversité et réseaux sociaux : il a fallu tout repenser, ou presque. Entretien.

The Good Life : Carat vient de fêter ses 50 ans. L’agence traversait une mauvaise passe lors de votre nomination en 2012… 
Jean-Luc Chetrit : L’agence avait un historique extraordinaire puisque c’est elle qui a créé ce métier. Carat ne souffrait pas d’un problème de personnes, c’était la manière de travailler qui était en cause. Pour servir des clients dans un groupe comme le nôtre, j’ai instauré un modèle collaboratif qui permet à une chaîne de gens de travailler ensemble. J’ai supprimé les bureaux individuels en les décloisonnant, à commencer par le mien. Je travaille aujourd’hui en open-space, avec mes équipes.

TGL : Ces équipes, vous les avez entièrement recomposées ?
J.-L. C. : J’ai changé 80 % du comité de direction. Je crois à la diversité des profils. J’ai fait revenir certaines personnes qui avaient quitté l’agence, dont mon actuel directeur général, car son profil hybride se nourrit d’une solide expérience en agences créatives, en entreprise, au sein d’agences médias. J’ai aussi fait venir des profils 100 % numériques, d’autres issus de l’international, du lifestyle marketing…

TGL : Ce grand coup de pied dans la fourmilière a-t-il d’ores et déjà ­produit ses effets ?
J.-L. C. : Carat a retrouvé le chemin de la croissance en termes de revenu : + 20 % sur trois ans. Surtout, nous avons réussi à garder et à fidéliser 90 % de nos plus gros clients, comme la Société générale, Kellogg’s, les chocolats et biscuits Mondelèz, et aussi Beiersdorf et sa marque mythique Nivea. Tous ces géants nous avaient pourtant mis en compétition avec d’autres agences.

TGL : En quoi votre expérience de spécialiste du marketing fortifie-t-elle votre job de patron d’agence ?
J.-L. C. : Je n’avais aucune expérience d’agence à mon arrivée à la direction. C’était là une volonté stratégique de Thierry Jadot, patron de Dentsu Aegis Network, groupe auquel appartient Carat, que de construire son comité de direction en panachant les profils. Ma passion, c’est de construire des marques dans la durée, ce que fait brillamment Procter & Gamble, où je me suis épanoui. Aujourd’hui, mon job consiste à conseiller et à accompagner les médias sur le long terme, tout en les sensibilisant aux exigences du numérique. Une problématique business, et non pas média.

TGL : Comment concilier cette vision stratégique du long terme avec l’instantanéité du numérique ?
J.-L. C. : Nous sommes confrontés à la pression de l’instantanéité de Tweeter, tout en ayant conscience de cette nécessité de nous inscrire dans un temps long. D’où l’urgence de passer d’un monde à 360° à un monde à 365°, celui qui implique la présence intelligente d’une marque dans sa relation avec ses consommateurs potentiels. Il faut mettre fin à ces pubs qui surgissent plein écran et que les internautes sont sommés de regarder pour pouvoir accéder à l’information qu’ils convoitent. Je crois à une publicité choisie, pourvoyeuse d’informations ciblées, ces tutoriels, ces petites vidéos qui expliquent le « how to » : comment préparer un plat, comment utiliser une voiture électrique dans Paris… A nous, agences, d’identifier les bonnes questions pour ensuite y répondre de manière ajustée. Notre enjeu se situe au cœur de cette pertinence-là.

TGL : Vous plaidez pour la revalorisation de votre métier qui, dites-vous, est un métier de direction et non d’exécution ?
J.-L. C. : Rolf Heinz, le patron de Prisma, m’interrogeait récemment sur le devenir de notre métier d’agence média qui s’automatise de plus en plus. Mais ce qui ne peut s’automatiser, c’est la valeur ajoutée de notre réflexion stratégique. Notre responsabilité est de faire en sorte que la valeur du contexte soit reconnue et mesurée. Une marque, dans un certain contexte, dans un magazine avec un certain contenu, va avoir plus d’efficacité que dans un autre contexte. Et cette valeur-là a un prix. Si on n’apporte pas de la valeur à un client, nous serons doublés par des rivaux capables de faire mieux et moins cher. Des grands cabinets de conseil arrivent aujourd’hui sur nos métiers. A nous de nous hisser à ce haut niveau de fournisseur d’expertise mesurable et monnayable. A défaut, nous deviendrons leurs petites mains.

Parcours

  • 1988 : diplôme de l’EM Lyon.
  • 1989 : débuts chez Procter & Gamble.
  • 1994 : développeur de marques chez Nestlé.
  • 2005 : directeur de grands comptes internationaux chez Gillette Europe.
  • 2009 : directeur de marketing communication chez Procter & Gamble France et membre du comité de direction.
  • Depuis 2012 : président de Carat France, filiale du groupe Dentsu Aegis Network (conseil média et achat d’espaces publicitaires).
  • 2014 : coauteur de La Télévision est morte… vive ma télévision ! (éd. Télémaque).
  • Depuis 2015 : président de l’Udecam, organisation professionnelle réunissant 29 agences médias.

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