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Les diverses bulles spéculatives, crypto-monnaies et immobilier en tête, se dégonflent avec plus ou moins d’intensité. La bulle horlogère connait un phénomène similaire, avec à la clé des recadrages parfois brutaux.
Qu’on ait investi dans la pierre ou la cryptomonnaie, les bulles spéculatives de tous bords sont en train de dégonfler. Dans l’immobilier, le marché entame une petite correction. Les spécialistes constatent, pour la première fois depuis des lustres, une légère baisse des prix. Paris et la banlieue sont les premiers touchés. Avant cela, les crypto-monnaies, Bitcoin en tête, avaient vertigineusement dévissé, laissant pas mal d’investisseurs en chemise…
Le marché des montres, notamment de seconde main, n’y échappe pas. Après avoir connu une forte spéculation ces dernières années, un vent de panique a gagné les vendeurs de tocantes au premier semestre, comme nous le dit cet amateur dépité :
« Si j’avais su… On me proposait 100 000 euros pour mon Audemars Piguet Royal Oak, il y a deux ans. J’ai refusé à l’époque. Quelle erreur ! Aujourd’hui, si j’en tire 60 000 euros, c’est le bout du monde ».
Mais comment expliquer cette déflagration ?
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Le boom des montres d’occasion
« Ce sont surtout les modèles très récents ou quasi-neufs, sortis entre 2000 et aujourd’hui, qui ont vu leur cote flamber, de manière assez artificielle, explique Nicolas Amsellem, directeur du site Les Rhabilleurs. Le phénomène touche en effet, des modèles surtout récents, ni précisément rares ni spécifiquement exclusifs ». En cause ? La production, limitée, des modèles vedettes des grandes manufactures horlogères. Les amateurs de ces montres sont largement plus nombreux que les pièces disponibles, d’autant plus que la nouvelle génération commence à s’intéresser sérieusement aux montres suisses. Intervient alors, la loi de l’offre et de la demande qui fait grimper les cotes. De nombreuses montres d’occasion se retrouvent donc plus chères que les neuves, devenues introuvables. In fine, un garde-temps vedette vendu neuf 15.000 euros, il y a une poignée d’années, se retrouve allègrement à 50.000 euros sur les sites de vente en ligne.
Quasi-toutes les Rolex sont touchées (et en particulier la Daytona) par le phénomène. Chez Audemars Piguet, les Royal Oak connaissent également une inflation de leurs cotes, tout comme les Patek Philippe Nautilus ou dans une moindre mesure, Aquanaut. Cette hausse des cours incite les possesseurs à placer leurs montres sur les sites de seconde main. In fine, cela donne une situation paradoxale : les pièces les plus séduisantes sont introuvables en boutique mais en revanche, innombrables sur les plateformes de revente en ligne. Cette croissance des cours a aussi poussé de nombreux “investisseurs” à se lancer en horlogerie, avec pour seul objectif de réaliser une belle “culbute”.
Dégringolade horlogère
Les dérèglements récents : inflation, crise en Ukraine, effondrement du Bitcoin, ont fait éclater la bulle. Après avoir grimpé, les cotes des montres récentes ont dévissé très fortement. Depuis le début de 2022, on assiste à une baisse de l’ordre de 30 à 45 % sur les références les plus estimées.« Aujourd’hui, cette baisse se révèle cruelle pour les nombreux investisseurs/spéculateurs qui ont acquis des montres de luxe dans l’espoir de les revendre presqu’aussi-sec en engrangeant plein de sous, au passage, résume Nicolas Amsellem. En gros, ils ont acheté une Rolex Submariner il y a deux ans, qu’ils espéraient revendre trois fois plus cher, peu après. Sauf qu’entretemps, les cours ont lourdement chuté ». Ainsi, la cote de cette plongeuse iconique est-elle en baisse de 25 à 30 %, par rapport à 2022, les Rolex Daytona s’effondrent encore plus, de l’ordre de 30 à 40 %.
Nos avides investisseurs se retrouvent avec des modèles “récents et courants” que plus grand monde ne veut aux tarifs auxquels ils sont proposés. Les rares acheteurs sont devenus frileux.
« Quand les prix baissent tout le monde veut vendre, personne n’achète. Les gens sont persuadés que cela va encore baisser »
Les vraies montres de collection résistent
Reste que tout le marché horloger n’est pas impacté de la même manière. « Les vraies montres de collection, celles d’avant 1990, résistent bien jusque-là, éclaire Nicolas Amsellem. Il s’agit de pièces authentiquement rares, par opposition aux modèles récents, produits en grande quantité ». D’ailleurs, les vrais amateurs se félicitent de ce recadrage qui repositionne les montres de luxe à des niveaux plus accessibles. « On peut à nouveau se faire plaisir, acheter les montres qui nous plaisent », se félicite ce collectionneur. « Ce retournement, finalement assez sain, est cruel pour ceux qui ont acheté des pièces chères. Ils n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Mais c’est le jeu, rappelle Nicolas Amsellem. Dans tout achat spéculatif, il existe un risque de retournement ».
De même, les “petites” montres moins médiatisées, celles qui s’échangent autour de 1 500/2 000 euros, sont très peu impactées. Les cotes des Tudor, Seiko ou Grand Seiko récentes seraient même plutôt en hausse…« Ce réajustement correspond aussi à un phénomène cyclique. En horlogerie comme ailleurs, les modes passent, estime notre expert. Le marché a fait une overdose de montres sportives en acier, à bracelet intégré ». Trop nombreuses, trop vues ? Cette tendance horlogère est en perte de vitesse… « Pour mieux revenir d’ici quelques temps, présage Nicolas Amsellem. Aujourd’hui, les acheteurs se tournent vers des montres moins sportives, plus habillées ». Les garde-temps chics des années 60, 70 et 80 en or ou platine, sont très courus. Les boîtiers de forme, de chez Cartier notamment, connaissent aussi un indéniable retour en grâce. Les modèles à cadran en pierre dure sont également porteurs. C’est le cas des Rolex en malachite, lapis, onyx ou corail.
Quoi qu’il en soit l’éclatement spéculatif horloger actuel donne toute sa saveur et sa valeur à la formule, connue des amateurs d’horlogerie :
“On n’investit pas dans les montres, on les collectionne”.