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The Good Guide

La brasserie parisienne est morte, vive la brasserie parisienne !

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Un chef triplement étoilé vient d'inaugurer une brasserie... Au cœur de l'un des plus fameux cinq étoiles parisiens. Au menu ? Pâté en croûte, steak-frites et « nonos » à moëlle. Tandis que Rive gauche, les terrasses du boulevard Saint-Germain ne désemplissent pas, une nouvelle vague de restaurants ouverts en continu a atteint Paris.

Service en tablier, commande servie dans des plats à l’ancienne… Les codes de la brasserie parisienne font toujours fureur.
Service en tablier, commande servie dans des plats à l’ancienne… Les codes de la brasserie parisienne font toujours fureur. Brasserie Dubillot

Exilé en Chine depuis plus d’une décennie, le Top Chef Paul Pairet a ouvert cet hiver une brasserie à l’hôtel de Crillon. En s’éloignant du registre de l’expérimentation qu’il déploie à Ultraviolet, sa table triplement étoilée à Shanghai, le Perpignanais en a surpris certains. Pourtant, lui n’y voit qu’un logique retour aux sources.

La brasserie ferait-elle son come-back ? Après l’éclosion de multiples néo-bistrots concentrés dans les 9e et 10e arrondissements de la capitale qui s’éloignaient de la formule entrée-plat-dessert au profit de cartes modernes, souvent composées de plats à partager, néanmoins servies dans de petits restaurants composés de bar en zinc et des chaises typiques du genre, la brasserie, la vraie, semble entamer un retour en force, s’adaptant aux codes de l’époques — le décor photogénique, le plat bien dressé — sans pour autant avoir à se réinventer.

Avec ses plats simplissimes et régressifs composés de produits locaux, son menu n’a pas à s’ajuster à cette époque où les cuisines expérimentales s’effacent au profit des saveurs brutes et réconfortantes.

Une spécificité française

Qu’en est-il de ces adresses mythiques dont le nom est devenu synonyme du genre ? Lipp, Flore, Deux Magots… Leurs murs ont bien des histoires à conter mais ont-elles embrassé le goût de l’époque ?

L’impérissable terrasse des Deux Magots.
L’impérissable terrasse des Deux Magots. DR

Pour la plupart inaugurées à la fin des années 1800, les brasseries parisiennes qui sont entrées dans la légende jouissent encore d’une certaine aura de prestige. Prisées des touristes qui aiment à y saisir des clichés voués à être postés sur les réseaux sociaux, comme des trophées attestant de la réussite de leurs séjours parisiens, les autochtones semblent s’en détourner.

En témoigne le spectacle auquel on assiste en passant devant l’une de ces terrasses, davantage peuplées de jolies trentenaires trop apprêtées pour répondre aux standards de beauté dite « à la parisienne » plutôt que de jeunes gens en jeans-basket. Après tout, il faut une bonne raison pour venir débourser huit euros pour une orange pressée au Café de Flore (Sempa France, expert en machines à jus pour professionnels, atteste sur son site internet qu’un jus-minute coûte 1,59 euros à produire, ndlr) ou 4,90 euros pour un expresso…

Parfois, une vedette cathodique fait crépiter les flashes. Quelques businessmen et une poignée d’aïeux se mêlent à la foule. Les brasseries du boulevard Saint-Germain, tout comme le Fouquet’s, sur les Champs-Elysées, ne désemplissent pas. Est-ce la nostalgie ou la démonstration de statut qui font que ces tables nappées de blanc trouvent toujours un client à servir ? À 24,50 euros le club-sandwich non-végétarien aux Deux Magots, un crasse-croûte des plus simplistes dont aucun ingrédient ne revendique une paternité ni biologique, ni locale, encore moins artisanale, la question se pose…

Le fief de Sartre et de Beauvoir est depuis plus d’un siècle un repère de célébrités. Ici, le gotha de la mode réuni autour de Karl Lagerfeld.
Le fief de Sartre et de Beauvoir est depuis plus d’un siècle un repère de célébrités. Ici, le gotha de la mode réuni autour de Karl Lagerfeld. DR

Si certaines légendes demeurent intactes, une poignée de nouvelles brasseries redorent l’image du genre, composant avec les pré-requis du titre (carte fixe, souvent servie en continu, nappes blanches et serveurs en tablier pour le folklore…) avec un supplément d’âme et de modernité.

Le renouveau de la brasserie parisienne

Nonos, les souvenirs de Paul Pairet

Top Chef a réveillé sa notoriété en France, mais Paul Pairet est un cuisinier de premier plan depuis plus d’une décennie. Depuis Shanghai où il a propulsé sa table, Ultraviolet, au firmament des meilleurs restaurants du monde, le chef originaire de Perpignan n’a de cesse d’innover en cuisine.

Au menu de Nonos, la brasserie qu’il a imaginé pour l’hôtel de Crillon et qui se faisait attendre depuis plus de trois ans, s’inscrit d’ailleurs une spécialité qu’il a testée et retestée depuis ses cuisines chinoises. Son soufflé au fromage, concocté sans farine, est né dans les cuisines d’Ultraviolet — non sans mal, nous a confié Paul Pairet — mais n’y a jamais été servi.

A ses côtés se pressent des dizaines de mets évocateurs de la tradition française, d’un très réussi œuf Mimosa agrémenté de thon et d’anchois à un savoureux poireau-vinaigrette. Une large partie de la carte est consacrée au grill, un classique de la cuisine traditionnelle française, bien qu’ici imaginé autour de viandes d’exception comme le wagyu.

La viande, chez Nonos, est servie sur un charriot.
La viande, chez Nonos, est servie sur un charriot. Victor Bellot

Madame Brasserie

L’un des premiers jurés de l’émission culinaire de M6 s’est lui aussi frotté à l’exercice. Perché au premier étage de la Tour Eiffel, Thierry Marx exprime, à travers le menu de Madame Brasserie, tout l’amour qu’il porte à la gastronomie française dans tout ce qu’elle a de plus classique. Ce n’est pas un hasard si son projet chauvin et engagé a conquis les opérateurs de la Tour Eiffel au moment du concours, remettant en jeu la cuisine de son premier étage, il y a déjà sept ans…

Le décor de Madame Brasserie est signé Ramy Fischler.
Le décor de Madame Brasserie est signé Ramy Fischler. Madame Brasserie

Magnum 150 cl

Preuve que la brasserie a de beaux jours devant elle, les chefs n’hésitent pas à la remodeler en visant l’excellence. Matthieu Garrel, déjà la tête du Bélisaire, a composé un menu autour de nombreux classiques oubliés. Du vol-au-vent à l’os à moëlle en passant par cette blanquette de veau dont on rêve en hiver sans trouver une restaurant qui la cuisine « comme mamie », le menu de Magnum 150cl table sur les saveurs réconfortantes.

A quelques pas du parc Monceau, dans une atmosphère traditionnelle — murs exhibants les quilles de vin, jambons pendus au-dessus du comptoir —, cette adresse est assurément l’une des nouvelles-venues parmi les plus fidèles au genre de la brasserie.

Le nom du restaurant induit sa passion première…
Le nom du restaurant induit sa passion première… DR

Le Chardonnay

Rejeton des Crus de Bourgogne qu’il jouxte, Le Chardonnay est la preuve qu’une institution peut se réinventer. Et si la formule du bistrot ouvert en 1932 n’a pas bougé — il ne faudrait pas effrayer ses habitués —, celle du comptoir voisin met les pieds en plein dans le plat de l’époque.

Service en continu, sans réservation, enveloppe fidèle aux codes du genre… C’est encore sa carte qui épate, faisant évoluer les classiques grâce à des produits ultra frais, parfois plus adaptés aux recettes, à l’instar de son croque-monsieur revu au pain brioché.

La terrasse, sa carte écrite à la craie et ses chaises Drucker sont un symbole de la brasserie parisienne.
La terrasse, sa carte écrite à la craie et ses chaises Drucker sont un symbole de la brasserie parisienne. Le Chardonnay

Bellanger, Dubillot et Martin : la néo-brasserie

Comment clore le sujet sans évoquer un groupe qui a largement participé à repopulariser le genre ? Nouvelle Garde a, dès 2019, redessiné les contours de la brasserie moderne. Chez Bellanger, d’abord, puis chez Dubillot et Martin, le folklore suranné de la cuisine de grand-mère s’est transformé en décoration ultra chargée en grigris kitchissimes.

Assiettes dépareillées, carafes en forme d’animaux de la basse-cour, tapisseries imprimées… C’est un décor des plus photogéniques qui a séduit en premier lieu un public de jeunes parisiens désireux de s’offrir des plats efficaces et abordables. Deux euros l’œuf-mayo, 13 euros la saucisse-purée : les tarifs pratiqués y sont quasi imbattables pour une qualité assurée — les viandes sont françaises, le jambon blanc élevé dans le sud-ouest…

Les brasseries du groupe Nouvelle Garde se la jouent bonne franquette.
Les brasseries du groupe Nouvelle Garde se la jouent bonne franquette. Brasserie Dubillot

F.L.G.


Brasserie Lipp
151 Bd Saint-Germain, 75006 Paris

Café de Flore
172 Bd Saint-Germain, 75006 Paris

Les Deux Magots
6 Pl. Saint-Germain des Prés, 75006 Paris

Fouquet’s
99 Av. des Champs-Élysées, 75008 Paris

Nonos à l’hôtel de Crillon
10 Pl. de la Concorde, 75008 Paris

Le Chardonnay
3 Rue Bachaumont, 75002 Paris

Brasserie Bellanger
140 Rue du Faubourg Poissonnière, 75010 Paris

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