The Good Business
À la tête d’entreprises ou de départements clés, quatre acteurs de l'économie de Vancouver participent au dynamisme et à l’essor de la ville.
Hier cantonnée à l’exploitation forestière et minière, Vancouver est devenue un acteur qui compte dans la high-tech, l’entertainment, les biotechnologies… The Good Life a tiré le portrait de trois acteurs de l’économie à Vancouver.
1. Le bienveillant : Ken Sim
« Il y a 135 ans, les premiers Chinois immigrant à Vancouver devaient payer une taxe d’entrée pour avoir le droit d’aider à construire une ligne de chemin de fer. Aujourd’hui, la ville a un maire sino-canadien », a remarqué un Ken Sim ému après son élection, le 15 octobre dernier. Il avait échoué à 957 voix près aux municipales de 2018 ; il en a engrangé 36 000 de plus que le maire sortant, Kennedy Stewart, cette année.
Né à Vancouver dans une famille venue de Hong Kong, Ken Sim, l’un des acteurs de l’économie de Vancouver, aujourd’hui âgé de 52 ans, a étudié la finance à l’université de Colombie-Britannique et est marié à une femme d’origine indienne (les communautés d’origine chinoise et indienne représentent 35 % des électeurs à Vancouver). Il a cofondé deux entreprises au début des années 2000.
L’une a ouvert trois boutiques de bagels « authentiques » à Vancouver. L’autre, Nurse Next Door, un service d’infirmerie qui permet à des personnes âgées de vivre chez elles, s’est implantée grâce à des franchises dans 200 villes au Canada, aux États-Unis et en Australie.
Depuis 2011, Ken Sim, l’un des acteurs de l’économie de Vancouver, ne tient aucun rôle dans ces sociétés, mais en est toujours actionnaire. Il a bénéficié d’un « dégagisme » qui a entraîné l’arrivée de nouveaux maires dans la plupart des villes de Colombie-Britannique. La crise du logement est en effet aiguë, et nulle part plus grave qu’à Vancouver.
Pour la résorber, Ken Sim a promis de raccourcir les délais d’obtention des permis de construire, selon la formule « 3 x 3 x 3 x 1 » : trois jours pour une rénovation, trois semaines pour une maison, trois mois pour un immeuble, un an pour un gratte-ciel.
Autre préoccupation majeure : les problèmes de sécurité liés à la crise des opioïdes, qui cause plus de cinq décès par jour. Ken Sim a promis d’engager 100 policiers et 100 infirmiers spécialisés en psychiatrie, d’ouvrir une salle d’accueil 24h/24 pour les consommateurs et d’organiser un sommet sur la santé mentale.
Côté écologie, il veut multiplier les bornes de recharge pour les véhicules électriques, planter 100 000 arbres et faire passer de 58 % à 75 % la proportion d’habitants pouvant accéder en cinq minutes à pied à des commerces et services. Libéral, mais pragmatique, il a quatre ans pour apaiser les inquiétudes des Vancouvérois en dépensant les 500 millions de dollars canadiens (environ 371,2 millions d’euros) d’emprunts que les électeurs ont aussi approuvé le jour du vote…
2. La puissante : Tamara Vrooman
Cette native de Victoria, sur l’île de Vancouver, est l’une des wonder women du service public canadien. Recalée à l’entrée du ministère des Finances de Colombie-Britannique, pour insuffisance présumée en maths, la diplômée d’histoire ne se décourage pas. Elle retourne à la fac pour étudier la comptabilité, la gestion et l’économétrie.
Dix ans plus tard, elle est vice–ministre des Finances de la province. Elle y élabore le plan financier, supervise les emprunts, met au point le premier projet d’investissements en partenariat public-privé et améliore la cote de crédit de l’institution jusqu’à l’obtention de la note AAA. Puis elle devient CEO de Vancity, la plus grande coopérative de crédit communautaire du Canada, dont elle double les actifs, tout en lui assurant une rentabilité record. Elle en fait aussi le premier établissement financier d’Amérique du Nord à atteindre la neutralité carbone.
En juillet 2020, Tamara Vrooman est nommée CEO de l’aéroport de Vancouver au moment où le trafic s’effondre à cause de l’épidémie de Covid‑19. Elle remotive les équipes, puis restaure des vols supprimés, ouvre de nouvelles destinations (Bangkok, Singapour, Austin, Halifax, Miami…), réorganise la gestion du trafic cargo, planifie une rénovation de l’aérogare principale et promet d’atteindre la neutralité carbone en 2030.
Experte de la transformation économique, sociale et environnementale des entreprises, elle est également chancelière de l’université publique Simon Fraser depuis juin 2020 (elle contribue, notamment, à définir des axes de développement, le président s’occupant de la gestion) et présidente du conseil d’administration de la Canada Infrastructure Bank depuis janvier 2021.
Cette institution fédérale créée en 2017 pour réaliser des investissements publics-privés dans des infrastructures rentables n’avait dépensé que 5 milliards de dollars canadiens sur les 35 qui lui avaient été alloués. Tamara Vrooman propose donc des projets dans cinq domaines stratégiques : l’énergie propre, les bus à zéro émission, l’isolation des immeubles, les télécoms à haut débit et les infrastructures agricoles. Son objectif : propulser l’économie canadienne sur une trajectoire qui permet de répondre au défi climatique.
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3. L’ambitieux : Roham Gharegozlou
C’est une superstar parmi les créatifs de Vancouver. Né en Iran, Roham Gharegozlou vit, très jeune, à Dubaï, où son père a émigré, puis à Paris. Il crée sa première start-up à 14 ans, découvre le Canada avec un visa d’étudiant et rejoint la Californie, où il décroche une licence d’économie et un master de biologie à Stanford, dans la Silicon Valley. Il s’installe peu après à Vancouver, où le secteur high-tech est en ébullition.
Avec son frère Sam, l’un des acteurs de l’économie de Vancouver fonde, en 2012, Axiom Zen, qui crée des applications et des whatnot (marchés en ligne ciblés) pour des entreprises. « Axiom Zen compte parmi les firmes les plus innovantes du pays », affirme le magazine Canadian Business. Suivra, en 2017, Cryptokitties, un jeu qui permet de créer, d’acheter et de vendre de jolis chats numériques sous forme de NFT (jetons non fongibles). Le chiffre d’affaires atteint vite 40 millions de dollars. Roham et son frère Sam ont alors une illumination.
Ils créent Dapper Labs, passent un accord avec la National Basketball Association américaine et lancent, en 2019, NBA Top Shot, une sorte d’album Panini numérique qui s’adresse aux fans de basket. La plate-forme est un lieu de vente et d’échange de NFT qui sont de courtes vidéos d’actions remarquables de joueurs. Elle cartonne dès sa mise en ligne et compte aujourd’hui 1,5 million d’utilisateurs. Les NFT de shoots et dunks sont répartis en quatre catégories, d’actions « ordinaires » (à moins de 100 dollars) à « légendaires » (de 500 à 15 000 dollars, le record étant un dunk de Lebron James vendu 200 000 dollars).
En mars 2021, une levée de fonds de 350 millions de dollars permet de capitaliser sur le succès de NBA Top Shot. Un accord est passé avec la National Footbal League (NFL) pour créer la plate-forme All Day, qui s’adresse aux 300 millions de fans de football américain. Puis avec l’Ultimate Fighting Championship (UFC), qui organise les combats de Mixed Martial Arts. En octobre 2022, Dapper Labs signe avec la Liga, le championnat de football espagnol, pour créer des NFT de buts, passes et arrêts de gardiens réalisés depuis 2005. Si la firme de Roham Gharegozlou, désormais citoyen canadien, a été valorisée à 7,5 milliards de dollars fin 2021, elle en vaut probablement le double aujourd’hui.
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