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Économie : 2022, année record à Maurice

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Avec un PIB en progression de 7,2 % en 2022 et près d’un million de touristes, Maurice a vite repris le cap de la croissance. Mais entre problèmes climatiques et pénurie de personnel, la perle de l’Océan Indien a de nombreux défis à relever. Nathalie Chahine enquête sur place pour The Good Life.

2022 marque une année record, notamment dans le secteur touristique, pour Maurice. Mais c’est aussi l’occasion de faire le point sur les grands défis de l’avenir.
2022 marque une année record, notamment dans le secteur touristique, pour Maurice. Mais c’est aussi l’occasion de faire le point sur les grands défis de l’avenir. sergey-zhesterev-unsplash

En bas de la montagne du Morne, les randonneurs se pressent dès l’aube pour grimper avant la chaleur. Allan Ramalingum, guide chevronné et directeur de l’agence Local Spirits, résume : « L’activité a repris comme avant, on n’arrête pas ! J’ai dû recruter six personnes – mon équipe est passée cette année de 3 à 9 salariés. Et j’ai beaucoup de nouveaux projets d’expériences locales, à pied et à vélo, que je développe avec les hôtels de la région. »

Depuis la réouverture de l’île Maurice au tourisme en octobre 2021, les voyants sont repassés au vert pour le secteur. Avec près d’un million de vacanciers accueillis en 2022, l’objectif fixé par le Ministère du tourisme mauricien, l’ensemble des opérateurs a renoué avec la prospérité pré- Covid.

Un chiffre qui ne trompe pas : celui du PIB, qui a progressé de 7,2% sur 2022 et devrait se maintenir autour de 5% en 2023. Le tourisme pèse pour 20% environ dans ces résultats ; les deux tiers des revenus de ce paradis fiscal proviennent en effet du secteur financier. Grâce à leurs substantielles réserves, les puissantes banques mauriciennes sont sorties rapidement du marasme causé par la pandémie, et voient s’envoler les placements offshore qui dopent l’économie locale.

Golf et cocotiers

Plaque tournante de la finance entre l’Afrique et le reste du monde, l’île Maurice est plus que jamais un haut-lieu de tourisme haut-de-gamme. Les amateurs de golf auraient été parmi les premiers à revenir. « Le tourisme golfique est de plus en plus important, et totalise jusqu’à 35% des visites dans nos établissements. L’île Maurice possède douze golfs de standard international, auxquels s’ajouteront prochainement deux autres adresses. » résume Hector Espitalier-Noël, président du groupe ENL, propriétaire des hôtels Beachcomber qui ont été pionniers sur le secteur.

Plaque tournante de la finance entre l’Afrique et le reste du monde, l’île Maurice est plus que jamais un haut-lieu de tourisme haut-de-gamme.
Plaque tournante de la finance entre l’Afrique et le reste du monde, l’île Maurice est plus que jamais un haut-lieu de tourisme haut-de-gamme. xavier-coiffic-unsplash

Pour chouchouter ces visiteurs à fort pouvoir d’achat, plusieurs compagnies aériennes proposent de transporter gratuitement leur sac de golf et les banques mauriciennes se disputent l’organisation de tournois pros et amateurs. C’est aussi sur ce sport que s’appuient les développements immobiliers haut-de-gamme qui fleurissent dans l’île, comme le colossal projet Harmonie mené par Beachcomber et le groupe Semaris près du Morne, où la construction de deux cent vingt villas et d’un golf dix-huit trous va bon train.

« Revenge travel » à tout prix

Côté tourisme, la reprise succède à de longs mois de confinements et de frustrations. Ce fameux « revenge travel » consiste pour partie en des reports de voyages achetés avant l’épidémie. Pour les réservations récentes, la destination synonyme de cocotiers chics et de sécurité aussi bien sanitaire que politique fonctionne plus que jamais.

Pour les opérateurs, les résultats sont en hausse. Chez SunLife, l’un des leaders hôteliers, l’offre en all inclusive passée de 20 à 30% pour le marché français et à 70% pour le Royaume-Uni, dope les recettes. Une tendance forte se dessine, celle des déplacements en tribu qui viennent plus longtemps et dépensent davantage.

Cet hiver, la villas du Dinarobin, fleuron des resorts Beachcomber, faisaient le plein de familles venues à 6 ou 8 profiter du lagon et du golf.
Cet hiver, la villas du Dinarobin, fleuron des resorts Beachcomber, faisaient le plein de familles venues à 6 ou 8 profiter du lagon et du golf. Dinarobin

Cet hiver, les villas du Dinarobin et du Paradis, fleurons des resorts Beachcomber, faisaient le plein de familles venues à 6 ou 8 profiter du lagon et du golf. Même chose au Shangri-Là Touessrok, où l’atout de l’île privée sécurise les parents et leur progéniture.

Autour des fêtes de fin d’année, période de pointe, le taux d’occupation des hôtels surfait entre 60 et 95%. Les prix à la hausse dopent aussi les résultats. C’est le cas par exemple des compagnies aériennes, qui ont augmenté leurs tarifs de 30% cet hiver. Même constat dans certains hôtels comme le Shangri-Là Touessrok, où le prix des chambres a grimpé de 50%. « Alors que le nombre de nos clients a diminué, cette réévaluation du prix des nuitées et la durée plus longues des séjours a permis d’augmenter d’environ 30% le chiffre d’affaires en saison haute. » se réjouit Grégory Coquet, le General Manager du célèbre palace.

Au Shangri-Là Touessrok, le prix des chambres a grimpé de 50%.
Au Shangri-Là Touessrok, le prix des chambres a grimpé de 50%. Shangri-Là Touessrok

Pour justifier cette montée en gamme, les établissements misent sur une personnalisation toujours plus poussée du service. Restaurant italien semi-éphémère au Touessrok, collaboration de chefs réputés (Cyril Lignac au Royal Palm, Anne-Sophie Pic au Saint-Géran), déjeuners exclusifs chez l’habitant ou check out plus tardifs sont autant de recettes pour justifier les prix et se distinguer de la concurrence.

L’écologie et la bagasse ont le vent en poupe

Le « monde d’après » mauricien prend aussi un tournant plus écologique. « La pandémie a mis en lumière nos faiblesses, et notamment notre dépendance énergétique et alimentaire. Des mesures gouvernementales ont été prises pour que d’ici 2030 le pays élimine le charbon et atteigne 60% d’énergies renouvelables. » résume Vimal Motee, responsable technique des projets Sunref chez Business Mauritius, le MEDEF local.

La transition énergétique passe aussi par le recyclage de la bagasse, la fibre de canne à sucre.
La transition énergétique passe aussi par le recyclage de la bagasse, la fibre de canne à sucre. benjamin-jopen-unsplash

Lancé par l’Agence Française de Développement, le programme Sunref (Sustainable Use of Natural Resources and Energy Finance) encourage les projets d’investissements verts via un système de prêts assorti de primes incitatives. Avec près de six cents réalisations au compteur fin 2022, la transition énergétique fait la part belle aux panneaux solaires et au recyclage de la bagasse, la fibre de canne à sucre.

Cette culture phare de l’île Maurice a aussi trouvé un nouveau débouché pour sa cellulose que deux jeunes ingénieurs mauriciens ont eu l’idée de transformer en bouteilles commercialisées sous le nom de be.eau. Réutilisables, recyclables et même compostables, les be.eau fournissent désormais l’eau potable aux clients des hôtels Beachcomber et du Touessrok. Un pas en avant vers le « zéro plastique », qui progresse chez tous les acteurs hôteliers.

Vers la révolution locavore

Sous l’effet conjugué de la chute des importations et de la hausse des prix, on consomme de plus en plus local. Le marlin fumé a remplacé le saumon fumé norvégien sur certains buffets d’hôtels et la liste des produits made in Maurice s’allonge : cuissot de cerf et saucisses de cochon marron, fleurs comestibles, produits de la pêche comme l’ourite (poulpe) ou la langouste.

Dans les hôtels, la liste des produits made in Maurice s’allonge !
Dans les hôtels, la liste des produits made in Maurice s’allonge ! goran-backman-unsplash

Les fines herbes sont cultivées dans les potagers de Chefs. Le miel des Rûchers de Senneville séduit les hôtels qui installent leurs abeilles à l’arrière des bungalows et en offrent de petits pots à la clientèle. La réduction du gaspillage alimentaire est devenue une priorité ; plusieurs ONG récupèrent les surplus dans les supermarchés et les restaurants pour les redistribuer aux personnes en difficulté et aux écoles. L’une d’elles, Food Wise, récupère aussi les fruits et légumes périmés pour les transformer en jus. Et un peu partout, les buffets pléthoriques cèdent la place au repas « à la carte », plus économe en aliments.

La « grande démission » touche aussi l’île Maurice

Comme ailleurs dans le monde, les problèmes de recrutement pénalisent néanmoins la reprise. Chez Beachcomber, un plan social avait permis aux volontaires de quitter l’entreprise pendant les dix-huit mois de la pandémie, entraînant le départ d’environ 13% du personnel : ils sont aujourd’hui bien regrettés.

A Maurice aussi, les acteurs du secteur touristique se sont pour beaucoup reconvertis suite aux confinements successifs.
A Maurice aussi, les acteurs du secteur touristique se sont pour beaucoup reconvertis suite aux confinements successifs. marco-biasibetti-unsplash

Dans tous les métiers du secteur touristique – chauffeurs, jardiniers, animateurs, etc – beaucoup se sont reconvertis et mis à leur compte pendant les confinements. « Traditionnellement, Maurice recrutait surtout dans les métiers de l’hôtellerie et de la comptabilité. Ces deux filières sont actuellement en grande tension. Les hôtels ne font plus rêver, surtout parce que ce secteur paraît désormais précaire. Les longues heures de travail et les rémunérations assez faibles, jouent aussi. Mais il existe une pénurie tout aussi grande dans les métiers digitaux, qui sont de plus en plus demandés. » analyse Clémence Vidal, Chief Operating Officer chez MeetYourJob, une agence de recrutement locale. « Les professionnels de l’hôtellerie préfèrent travailler pour un call center en horaires classiques, ou partir sur un bateau de croisière, avec un CDD bien payé pour ensuite profiter de la vie pendant six mois. On observe aussi un désintérêt pour le travail ; pendant la pandémie, beaucoup ont réduit leurs dépenses, commencé à cultiver leur lopin de terre, quitte à vivre sur le salaire d’un autre membre de la famille. Il est difficile de les mobiliser. »

Chez Beachcomber, on a innové en développant le temps partiel avec les villageois. Le groupe forme aussi 300 apprentis par an, un renfort devenu précieux après la crise. Un peu partout, pour servir en salle ou ratisser les plages, il a fallu importer de la main-d’œuvre d’Inde et de certains pays africains.

L’impact du réchauffement climatique

Très impactée par les changements climatiques, l’île Maurice subit en nombre croissant des cyclones, des inondations et des sècheresses qui ralentissent l’activité économique. La montée des eaux ronge le littoral et menace le devenir des hôtels balnéaires, comme le souligne Bhavna Rhamborosa, qui dirige deux des jardins du groupe Beachcomber : « Voyez ces cocotiers qui ont le pied dans l’eau à marée haute. Il y a trois ou quatre ans, ils avaient une dizaine de mètres de plage devant eux. Cet hiver, nous mènerons des travaux pour ralentir l’érosion, mais l’effet sera hélas limité. »

Les piscines de du Canonnier Beachcomber. L’approvisionnement en eau est l’un des grands défis de Maurice.
Les piscines de du Canonnier Beachcomber. L’approvisionnement en eau est l’un des grands défis de Maurice. Beachcomber

L’approvisionnement en eau est l’autre grand défi, dans une île aux besoins croissants et aux ressources insuffisantes. Avec peu ou pas de nappes phréatiques, l’île dépend en grande partie des précipitations. Beaucoup d’hôtels recyclent les eaux grises pour arroser les jardins et certains ont investi dans des stations de dessalement.

Mais le coût de l’équipement et de l’exploitation freine les projets. Les citoyens mauriciens sont encouragés à s’équiper en citernes individuelles pour récupérer l’eau de pluie et ainsi pallier l’insuffisance de la Central Water Authority, qui a le monopole de la distribution locale. Alors que les projets immobiliers se multiplient et que la population augmente, l’équation pourrait, à terme, devenir difficile à résoudre.

N.C


En savoir plus sur les établissements du groupe Beachcomber

Consulter le site du Shangri-Là Touessrok

be.eau, à suivre sur instagram

 

 

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