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Horlogerie

Montre : l’horlogerie à l’heure de l’écologie

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Produit durable par essence, la montre n’est pas pour autant écologiquement responsable. Traçabilité des matières premières ou empreinte carbone globale, l’industrie horlogère doit adapter ses pratiques, portée par des marques pionnières. Le mouvement, irréversible, est enclenché.

Il y a des noms qui résonnent dans l’imaginaire des marques : Lip, un mythe, symbole du savoir-faire de la plus ancienne entreprise horlogère de France. Lip et ses montres iconiques : l’Himalaya, portée par l’alpiniste Maurice Herzog, et la Général de Gaulle – qui porte le nom du chef de l’État à qui elle fut offerte en 1958. Symbole aussi du déclin de toute une industrie, des délocalisations vers la Chine et des luttes sociales dans la vallée du Doubs. Reprise fin 2014 par la Société des montres de Besançon (SMB), Lip n’a pas pris le virage du connecté, la révolution de la dernière décennie. À cause de l’obsolescence rapide de ses technologies. « Nous avons une sensibilité écologique, une montre doit être faite pour survivre à la personne qui la porte », assure pourtant son dirigeant Pierre-Alain Bérard.

En plus de relocaliser l’assemblage en France, une décision écologiquement compatible, la nouvelle saga Lip souligne ce qui reste un pilier de l’activité horlogère : un garde-temps apparaît comme un produit foncièrement durable, il est sobre par nature. Cet acquis a-t-il un peu endormi l’industrie à l’heure du tout green, des bilans carbone généralisés et de la traçabilité des matières premières ? En décembre 2018, le WWF Suisse publiait un rapport qui pouvait sonner comme une alerte pour la filière horlogère locale. Il ciblait son usage de matières précieuses et son absence de transparence.

« Les secteurs de l’horlogerie et de la joaillerie offrent les plus hauts standards en matière d’artisanat. Cependant, ils génèrent également des impacts écologiques et sociaux. (…) Cette industrie consomme plus de 50 % de la production annuelle d’or, par exemple, et, dans la plupart des cas, les entreprises ne sont pas capables de démontrer l’origine des matières premières et l’absence de dégradation environnementale », fustigeaient les auteurs du rapport, qui publiaient même un classement des 15 plus grandes manufactures helvètes en fonction de leur empreinte environnementale.

L’ambition modeste du secteur

Périlleuse, l’évaluation avait été réalisée en collaboration avec une agence spécialisée en développement durable, BHP Brugger and Partner, à partir d’un questionnaire. Seulement 6 des 15 entreprises y avaient répondu, les autres étant finalement examinées sur la base de données publiques, souvent sommaires. « Les résultats montrent qu’aucune des entreprises interrogées n’est classée comme pionnière ou visionnaire, illustrant l’ambition relativement modeste dans ce secteur », poursuit le rapport, épargnant tout juste les marques de la galaxie Richemont.

Ce n’est pas un hasard : la sensibilité à ces problématiques est souvent l’affaire des grands groupes du secteur. Pas seulement par conscience environnementale, mais également par nécessité : plus exposés et cotés en Bourse, ils sont plus souvent questionnés et évalués sur leurs pratiques par les actionnaires ou les fonds ISR d’investissement socialement responsables. Chez IWC, la démarche est ancienne. « Nous avons été les premiers à publier un rapport sur le développement durable, explique Christoph Grainger-Herr, son directeur général. Nous avons fait preuve de transparence, ce qui n’avait jamais été fait auparavant par une manufacture horlogère de luxe suisse. »

Parmi les actions engagées, le nouveau siège est alimenté à 100 % en électricité d’origine renouvelable. La réduction de l’empreinte carbone passe davantage par ce type d’initiative que par le produit lui-même. Après avoir allégé ses emballages, IWC traque les émissions générées par sa chaîne logistique et de transport. Un nouveau plan stratégique de développement durable sera annoncé en juin.

Le nouveau siège social d’IWC, marque du groupe Richemont, est alimenté à 100 % en électricité d’origine renouvelable.
Le nouveau siège social d’IWC, marque du groupe Richemont, est alimenté à 100 % en électricité d’origine renouvelable. IWC

Dès 2012, la marque de Richemont avait adhéré à la charte du Responsible Jewellery Council (RJC), à l’instar de Chopard qui peut ainsi certifier la traçabilité des matériaux précieux utilisés. La manufacture indépendante genevoise peut vanter un or éthique, acquis auprès de fournisseurs responsables certifiés par des labels environnementaux et sociaux.

Concilier business et contribution à l’environnement, l’équation est devenue incontournable aussi pour les marques grand public. Ice Watch a lancé une vaste politique écoresponsable qui passe par des bâtiments autonomes en énergie ou encore une diminution des expéditions par avion, mais aussi par des modèles dont la pile a été remplacée par des capteurs de lumière naturelle ou artificielle, par l’intégration de matières recyclée dans les emballages…

Des thématiques en vogue

Le recyclage est la thématique en vogue : la filière de l’horlogerie est consommatrice d’acier, l’industrie suisse en premier lieu, qui en utilise environ 9 000 tonnes par an. Logiquement, c’est là-bas que la réflexion sur son recyclage a mûri et que les premiers projets se sont développés.

Panatere a fabriqué un lingot en acier recyclé dans le four solaire de Mont‑Louis (Pyrénées‑Orientales).
Panatere a fabriqué un lingot en acier recyclé dans le four solaire de Mont‑Louis (Pyrénées‑Orientales). panatere

Dans le Jura bernois, l’entreprise Precyling s’est ainsi spécialisée dans la récupération, le tri et le recyclage des composants horlogers d’une vingtaine de marques. La start-up française Awake en a fait une partie de son identité et un levier de différenciation. Signe des temps qui changent, les salons horlogers à Genève, de retour après deux ans d’interruption, n’ont pas ignoré ces sujets. Watches and Wonders, ancien Salon international de la haute horlogerie, ou Time to Watches ont organisé des tables rondes autour de l’économie circulaire.

Les montres écoresponsables de la start-up française Awake ont été présentées par Emmanuel Macron durant le sommet du G7, à Biarritz, en août 2019.
Les montres écoresponsables de la start-up française Awake ont été présentées par Emmanuel Macron durant le sommet du G7, à Biarritz, en août 2019. awake

Panerai y a annoncé son ambition, à travers son programme Ecologico, de basculer l’ensemble de sa production à partir d’acier recyclé d’ici à 2025. « Le coût est élevé, mais il faut démocratiser le concept en fédérant des fournisseurs, avance son directeur général, Jean-Marc Pontroué. Partageons nos meilleures pratiques, cela permettra de réaliser des économies d’échelle. L’exception doit devenir la règle. » La ruée vers l’heure verte est lancée !


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