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Carlos Gomes
Carlos Gomes, vice-président Amérique latine du groupe PSA.
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The Good Business

Allers simples from Europe to Rio

The Good Business

Ils sont français ou bien travaillent pour de grands groupes français. Et ils ont fait de la Cité Merveilleuse leur nouvelle base d’activités. Portraits de six aventuriers aussi inspirés que stimulants.

Carlos Gomes, vice-président Amérique latine du groupe PSA.
Carlos Gomes, vice-président Amérique latine du groupe PSA. Nicolas Zwickel

Carlos Gomes, vice-président Amérique latine du groupe PSA
Carlos Gomes évolue dans le secteur automobile depuis vingt-huit ans. A peine diplômé d’une école de commerce de Lisbonne, il entre chez Citroën Portugal, avant de partir chez Renault, où il occupe plusieurs postes de management en Europe. Il rejoint ensuite Fiat au Portugal, dont il devient directeur commercial puis président du groupe pour la France et l’Espagne, tout en étant coordinateur de la zone Europe du Sud. Bien qu’attaché à son pays, il regarde avec envie le Brésil, alors en plein boom économique. « Je souhaitais quitter l’Europe pour être confronté à une économie différente et pour me frotter à de nouveaux challenges », précise-t-il. En 2010, il intègre le groupe PSA comme directeur Amérique latine et part s’installer à Rio. La Cité Merveilleuse accueille déjà le siège régional du groupe et l’usine de PSA a été inaugurée en 2001, à 150 kilomètres de la ville. « A Rio, on peut puiser une énergie particulière, se ressourcer très rapidement, ce qui est indispensable pour mener à bien nos activités, qui sont très intenses », affirme cet adepte de sport, qui apprécie les séances de natation, de surf et de course à pied sur la plage d’Ipanema, son quartier de résidence. Car, depuis son arrivée au Brésil, la situation économique du pays a brutalement changé. La récession économique, qui se poursuit pour la deuxième année consécutive, touche violemment le secteur automobile. Le marché a ainsi chuté de 25 % en 2015. « Nous serions un beau cas d’école, admet l’industriel. Nous devons affronter plusieurs goulots d’étranglement, entre les problèmes de logistique, de ressources humaines et la crise politique. Aujourd’hui, le moral des Brésiliens est en berne. Nous avons un immense défi à relever. » Pour autant, Carlos Gomes se veut optimiste. « La situation nous oblige à être plus exigeants et plus rigoureux. Ce n’est pas commode tous les jours, mais, l’année dernière, nous avons enregistré un résultat positif pour l’ensemble de la région. » M. J.

Sébastien Brunet, directeur général de GL Events au Brésil.
Sébastien Brunet, directeur général de GL Events au Brésil. DR

Sébastien Brunet, directeur général de GL Events au Brésil.
Après un début de carrière en Amérique latine, où il travaille pour la chambre de commerce française au Chili, puis en Argentine, Sébastien Brunet revient en France et rejoint GL Events (CA 2015 : 942 millions d’euros), en 2006. La même année, le groupe lyonnais d’événementiel et de gestion d’espaces ouvre une filiale au Brésil, en obtenant pour cinquante ans la concession du Riocentro, qui est, à l’époque, le plus grand centre de congrès d’Amérique latine. Surnommé « le plus latino de l’équipe », Sébastien Brunet est alors chargé de développer l’entreprise en Afrique du Sud, en Algérie, au Qatar, en Inde… Il enchaîne les missions avant de revenir à Lyon pour participer à la création de Live ! by GL Events, consacrée aux métiers de l’événementiel. Lorsque l’entreprise décide de développer cette branche au Brésil, il n’hésite pas une seconde et emmène avec lui femme (chilienne) et enfants. A son arrivée, il élargit le panel d’activités de l’entreprise, qui loue des structures temporaires, notamment dans le cadre de la Coupe du monde de football, et se lance dans l’activité hôtelière et construit le Grand Mercure Riocentro, ouvert en août 2014, à quelques centaines de mètres du village olympique. « Nous arrivons à la fin d’un cycle exceptionnel d’événements qui ont remis Rio au premier rang en termes d’infrastructures », se félicite-t-il. Le quadra discret s’est aussi familiarisé avec les règles locales. « Le Brésil a un fonctionnement bien spécifique. Dans le jargon, on parle du jaboticaba, ce fruit brésilien qui n’existe pas ailleurs. Ici, cela ne sert à rien de vouloir imposer son modèle. » M. J.

François Dossa, président de la 􏰀liale Nissan à Rio de Janeiro.
François Dossa, président de la 􏰀liale Nissan à Rio de Janeiro. DR

François Dossa, président de la filiale Nissan à Rio de Janeiro
Naturalisé brésilien, déclaré citoyen de Rio, François Dossa est sans conteste le plus carioca des Français. Depuis son premier séjour au Brésil, en 1984, à l’occasion d’une coopération suivie d’un contrat chez CGEE Alsthom, il ne rate jamais le carnaval de Rio. Rapatrié au siège français, François Dossa officie plus tard comme directeur des finances chez BNP Paribas pendant douze ans. En 2001, il prend la tête de la Société générale au Brésil et s’installe d’abord à São Paulo, puis à Rio, qu’il ne quittera plus. François Dossa rejoint ensuite Nissan, en 2012, après avoir été appelé par Carlos Ghosn, un autre Franco‑Brésilien qui le sollicite pour ouvrir le nouveau siège du groupe franco-japonais à Rio et pour construire une usine dans la région. François Dossa se lance dans un véritable parcours du combattant pour obtenir les 33 licences obligatoires. « Une telle lourdeur bureaucratique est spécifique au Brésil et exige beaucoup de travail, de temps et d’énergie », précise-t-il. Sa connaissance et sa passion du pays lui permettent aussi de valoriser l’image de la marque, sponsor des Jeux. Le Français a aussi adopté la manière de travailler des locaux : « Dans le reste du monde, le climat est tendu et compétitif. A Rio, les relations sont plus informelles et on conclut des affaires par de grandes accolades. La vie professionnelle est tout aussi intense, mais bien plus agréable, et la ville offre une qualité de vie unique. » Face à la chute de la consommation, François Dossa oppose le faible taux de motorisation des Brésiliens et l’intérêt des investissements à long terme entrepris par le groupe Nissan. Toujours optimiste,
à la brésilienne… M. J.

Claude Troisgros, chef à la tête de six restaurants à Rio.
Claude Troisgros, chef à la tête de six restaurants à Rio. DR

Claude Troisgros, chef à la tête de six restaurants à Rio
Beaucoup ignorent qu’il y a un Troisgros célèbre à Rio. Né et élevé dans les cuisines de Roanne, fils de Pierre et frère de Michel, Claude Troisgros a trouvé au Brésil le succès et la reconnaissance qu’il aurait peut-être eu du mal à obtenir dans l’établissement familial. Il possède six restaurants à Rio, mais c’est chez Olympe, dans le quartier chic du Jardim Botânico, que défilent les stars de la télévision, les familles aisées fêtant un anniversaire, les jeunes couples sur le point de se fiancer… Tous viennent parce qu’il est une vedette. Certainement aussi pour sa cuisine, l’une des plus intéressantes de la ville. « “Qui veut partir à Rio ?” a un jour lancé mon père dans la cuisine de Roanne, raconte Claude Troigros. Dix-huit mains se sont levées. Mais bon, étant le fils, j’ai été un peu favorisé ! Je pars donc pour deux ans avec trois cuisiniers. Nous arrivons à Rio sans parler un mot de portugais. Il y avait tout ce que j’imaginais : les plages, le soleil, mais d’un point de vue culinaire, rien. » C’est en 1979 que Claude Troigros débarque à Rio, recruté par le chef Gaston Lenôtre pour l’ouverture du restaurant Le Pré Catelan. Au même moment, le chef Laurent Suaudeau ouvre Le Saint Honoré, chapeauté par Paul Bocuse. Ces tout premiers restaurants gastronomiques cariocas représentent la cuisine de leur chef, laquelle est qualifiée de « nouvelle ». Mais, rapidement, Claude Troisgros est limité par la médiocrité des produits. En ces temps de régime militaire, c’est le système de la débrouille, du marché noir et des valises pleines à craquer. « Le restaurant fonctionnait bien, mais, au bout de quelques mois, j’appelle Gaston Lenôtre et lui dis que nous faisons fausse route. Il m’a donné carte blanche et j’ai commencé à travailler avec ce que m’offraient le marché et les producteurs brésiliens. » C’est ainsi que le canard à l’orange devient canard au fruit de la passion, que la liqueur de cassis du kir est remplacée par le jaboticaba. Cette fusion fonctionne à merveille, et Claude Troisgros s’impose comme un pionnier dans l’usage des produits brésiliens. Sa route sera toutefois semée d’embûches. Une tentative ratée de kidnapping ainsi que le désastreux plan Collor – des mesures monétaires radicales devant stabiliser l’hyperinflation – le forcent à quitter le pays en 1991. Il décide d’aller à New York, où il monte un restaurant brésilien qui connaît un franc succès. Puis ses partenaires décident de vendre et, après six ans, Claude Troisgros retourne à Rio, auréolé du prestige de sa réussite américaine. Il n’est plus considéré comme le Français de Rio, mais comme un Brésilien qui a su montrer le Brésil aux Américains. Il cuisine pour Bill Clinton et commence, en 2004, une carrière télévisuelle. Aujourd’hui, il passe doucement le relais à son fils Thomas, et les grands classiques du restaurant Olympe – qui étaient à la carte depuis plus de trente ans – viennent de laisser leur place aux créations du jeune chef. « Ce fut une décision difficile à prendre, et j’en ai beaucoup parlé avec mon père. Il m’a dit que j’allais perdre une partie de la clientèle, mais qu’il fallait avancer. Thomas est avec moi depuis cinq ans. Il prend sa place avec intelligence, avec sa personnalité mais dans le respect de ce qu’a accompli toute la famille auparavant. » S. B.

Thomas Jonglez, éditeur et fondateur de la maison d’édition Jonglez.
Thomas Jonglez, éditeur et fondateur de la maison d’édition Jonglez. DR

Thomas Jonglez, éditeur et fondateur de la maison d’édition Jonglez
Établi à Rio depuis 2013, Thomas Jonglez est d’un naturel curieux. De sa curiosité maladive il a fait un métier. Depuis treize ans, il édite des guides qui mènent le lecteur vers les lieux les plus secrets et les plus insolites de chaque ville du monde. Pour le guide sur Rio, comme celui sur Venise, où il a vécu sept ans, Thomas Jonglez a lui-même rédigé une partie des textes. « J’utilise souvent Google Map et des plans aériens de la ville pour dénicher des lieux derrière les façades. Et, surtout, je marche beaucoup et je parle avec les gens. » Polyglotte, il maîtrise le portugais, l’anglais, l’espagnol et l’italien, et avoue des rudiments de japonais et d’indonésien. Ancien de l’Essec, Thomas Jonglez a très tôt contracté le virus du voyage. Juste après l’obtention de son diplôme, il a arpenté l’Amérique du Sud durant sept mois. Après son service militaire, il a repris un aller simple pour Pékin et voyagé dans toute l’Asie. Une fois rentré en France, il a été embauché chez Usinor comme chef de zone export sur l’Amérique du Sud, puis il a créé une société de vente d’acier sur Internet avant de devenir, à 32 ans, directeur  de la stratégie d’Ugine & ALZ. Au bout de quelques années, ne tenant plus en place, il finit par monter sa maison d’édition buissonnière. « Le premier guide de la collection “Insolite et secret”, sorti en 2003, portait sur Bruxelles. Depuis, il y en a eu une quarantaine. Tous véhiculent le même message. Ils disent aux gens “soyez plus attentifs, il y a des merveilles près de chez vous et vous ne les avez pas remarquées”. En ce sens, ils développent un état d’éveil et je les conçois comme des guides spirituels. » N. W.

Arnaud Bughon, cofondateur et directeur général de Rio Exclusive.
Arnaud Bughon, cofondateur et directeur général de Rio Exclusive. DR

Arnaud Bughon, cofondateur et directeur général de Rio Exclusive
Dans une vie antérieure, Arnaud Bughon a travaillé pour l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à Genève, et pour une banque parisienne. Le jour de ses 30 ans, il a donné sa démission, a tout vendu, puis est parti à Rio. Un an et demi de vacances pour commencer, durant lesquelles il rencontre sa future épouse Juliana Guzman, une Colombienne. En 2007, c’est elle qui a l’idée de redécorer un studio situé à Copacabana pour le louer à des étrangers de passage. Un, puis deux, puis trois… Arnaud et Juliana lancent alors Rio Exclusive, avec pour but de proposer tous les services immobiliers aux expatriés, aux touristes habitués des 5-étoiles et aux riches Brésiliens : location saisonnière ou longue durée, achat, vente… « C’était le bon timing, avec, en point de mire, la Coupe du monde de football 2014 et les JO 2016. » En août, Rio Exclusive logera des spectateurs, des sponsors, des équipes de télé et des chefs d’Etat, et se chargera de toute la logistique (télécoms, sécurité, flotte de voitures, hélicoptères, yachts…). Côté ventes immobilières, Arnaud Bughon affirme que 2016 se présente bien, car les étrangers profitent de l’effondrement du réal. Rio Exclusive les accompagne pour toutes les procédures juridiques et financières grâce à ses 40 collaborateurs. Arnaud Bughon a aussi ouvert des bureaux à São Paulo, à Buzios (une station balnéaire), à Bogota et même à Moscou. Aujourd’hui, il se développe au Mexique, en Argentine, au Costa Rica et au Chili. La crise, il la perçoit surtout lorsque certains Brésiliens lui proposent leur Porsche ou leur Bentley presque neuve à 50 % de son prix… P. P.

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