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Marine Mimouni

The Good Business

11 personnalités qui bousculent l’horlogerie

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Passionnés de haute horlogerie, ils contribuent au rayonnement de cette industrie magique. Ils ont des têtes bien faites, des idées originales qui font bouger les lignes et des convictions qui changent la donne.

Comme vous le savez, chez The Good Life, on est des fous d’horlogerie. Et comme on sait qu’on est pas les seuls, on est allé à la rencontre des 11 profils les plus dynamiques de la haute horlogerie actuelle, partout dans le monde.


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Carla Chalouhi, reine parmi les rois de la distribution horlogère

Dans la sphère des boutiques de luxe d’horlogerie-joaillerie, elle est l’une des très rares à pouvoir revendiquer une telle reconnaissance du métier, elle qui siège à l’Académie du grand prix d’horlogerie de Genève (GPHG) et ses Oscar à haute valeur ajoutée. Rare, aussi, à occuper une telle place sur le Triangle d’Or des points de vente multimarques de Paris, Cannes, Courchevel et Monaco où cette archicompétente a patiemment tissé sa toile, gagnant la confiance des grands noms du luxe ; gagnant aussi du terrain sur les lions du secteur, si peu habitués à voir une lionne convoiter leur territoire. 

Carla Chalouhi règne sur son empire indépendant d’origine familiale, Arije (fragrance, en arabe), lequel chapeaute la distribution d’une trentaine de marques horlogères, et dont la  montée en puissance doit tout à son flair incroyable. Arije qui n’était qu’une simple boutique de duty-free rue Pierre-Charon, au décès du père de Carla en 1994, est aujourd’hui devenue ce flagship de 1 600 m2, vitrine-écrin où Rolex, Messika, Hublot ou encore Bulgari et Piaget s’exposent telles des merveilles que la griffe scénarise en les mêlant à des œuvres d’art.


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Guido Terreni, le maestro de la renaissance

Ce n’est jamais la même griffe ni la même stratégie, mais c’est toujours le même effet enchanteur que ces maisons horlogères recueillent après avoir confié leur destinée à ce maître de l’excellence : une montée en puissance qui ne se fait pas attendre.

Après vingt ans dans les plus hautes sphères de Bulgari – une gouvernance qui s’est traduite par une  percée remarquable et remarquée du joaillier romain dans l’univers hyper sélect des tourbillons aux complications vertigineuses –, c’est au tour de Parmigiani Fleurier,  la griffe qui habille le poignet du roi Charles III, de bénéficier d’un réveil quasi féerique sous la gouverne de Guido Terreni, nommé CEO en janvier 2021.

Guido Terreni, qui ne tarda pas à poser son diagnostic sur ce fleuron endommagé par des pertes financières : « La marque a perdu l’intérêt du public, elle n’a plus le sens du marché. » Quatorze mois après l’arrivée du maestro à son chevet, Parmigiani Fleurier signe une remontada propre à séduire des collectionneurs  friands de ce grand nom -revigoré par une esthétique épurée et un style original tout en élégance.


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Jérôme Burgert, un stratège de l’excellence 

Jérôme Burgert est un perfectionniste. Un allergique aux compromis que ses collaborateurs surnomment « le taliban ». Amateur éclairé de montres, dictionnaire vivant d’un monde qu’il a exploré, appris, aimé, au point d’en avoir digéré les codes et d’être aujourd’hui capable d’innover sur une planète où il est souvent difficile de ne pas de se répéter, cet Alsacien est le fondateur et designer de Serica, récente marque horlogère qui doit son nom à un paradis insulaire oublié des Caraïbes.

Son design évoque les grandes icônes ; sa technologie et sa robustesse innovent par une rare connivence entre haute qualité et prix de vente abordable. « J’ai fait mes devoirs, j’ai assimilé des connaissances dont je peux aujourd’hui m’éloigner avec cohérence. » Avant Serica, Burgert fut cet étudiant atypique qui s’essaya un temps à la photographie de mode, et qui trouva son graal à Kyoto, où l’adepte des arts martiaux, admirateur de l’architecte nippon Tadao Andō, s’est résolu à quitter sa cache de traveler érudit pour se mettre à dessiner ses premiers cadrans en 2018. Un an plus tard naissait Serica.


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Michel Navas, le fabricant du temps

Quand on l’interroge sur sa formation, Michel Navas répond qu’il a fréquenté l’une des meilleures : Audemars Piguet. Il est, aux côtés d’Enrico Barbasini, l’un des deux maîtres horlogers cofondateurs de la Fabrique du Temps Louis Vuitton, laquelle surprend par son aptitude à fusionner en harmonie horlogerie d’excellence, prouesse créative et technologie.

Ainsi de son Tourbillon Curve au boîtier en Carbostratum, matériau composite propre à la manufacture ; ainsi de cette montre Spin Time Air Quantum (2022), dont le Poinçon de Genève authentifie la fabrication main des 400 composants au gabarit proche du grain de sable. En rachetant cette perle en 2011, ce n’est pas une machine à cash que LVMH a fait tomber dans son gousset, mais bien la légitimité d’un atelier de haute horlogerie, uniquement accessible aux manufactures créatrices de leurs propres mouvements.

Des années durant, Michel Navas a insisté sur son désir de conserver une taille modeste. Aujourd’hui, La Fabrique du Temps devenue grande poursuit son développement sous l’œil vigilant de ses deux maîtres horlogers.


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Miki Eleta, de la cinétique à l’horlogerie

Les œuvres de cet incomparable artiste cinétique bosniaque établi en Suisse sidèrent par leur singularité extrême où l’heure ne s’invite pas toujours.  Ainsi de Die Sieben, dont les billes d’acier circulent entre cylindres et engrenages, au timbre de 16 sonorités dont chacune ne se répète que… tous les sept ans. Et dire que Miki Eleta, membre, depuis 2005, de l’Académie horlogère des créateurs indépendants, a appris l’horlogerie en autodidacte, en 2001, parce qu’un client lui réclamait une horloge… qu’il n’est jamais venu chercher !

Un mental propre au génie suisse et la modestie chevillée au cerveau, il s’interdit d’avouer que le sien tourne quand même très vite.  « Je suis juste plus persévérant que les autres », dit-il en caressant sa barbe de jeune aventurier septuagénaire. Citons l’immense Hippocampus (2,08 m) programmée pour ne sonner… qu’une seule fois par siècle ! Ou la mystérieuse Svemir astronomique. « Je ne respecte pas l’idée que rien n’est inconnu », assène cet éternel explorateur à l’imaginaire intarissable, dont les commandes et expositions rayonnent de Londres à Shanghai, et de Bâle à Dubaï. 


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Rexhep Rexhepi, l’exilé dans la cour des grands 

Il déteste le profil type « contes de fées » qu’on accole à son parcours – Grand Prix d’horlogerie de Genève en 2018 ; créateur, à 25 ans, d’Akrivia, une nouvelle « très  grande » qui affole les collectionneurs –, tant ce Mozart des tours et des brucelles n’a pu compter que sur lui-même.

« Il n’y a pas de riche investisseur derrière Akrivia », rappelle-t-il, le regard encore habité par l’épopée de sa jeune existence, du Kosovo qu’il a dû fuir pendant la guerre, en 1999, à cet acharnement au travail l’autorisant aujourd’hui à exercer son métier passion dans la cour des très grands. L’investisseur béni, ce fut lui-même, 100 000 francs suisses économisés sur des boulots que ce disciple de l’école Patek Philippe enchaînait : restauration le matin, puis sous–traitance pour des marques et, enfin, travail sur sa future première Akrivia, aujourd’hui développée dans son atelier à Genève.

Il lui aura fallu deux années pour trouver un premier acquéreur, sous le regard admiratif d’un père qui rêvait son fils en robe d’avocat, fils qui travaille en Suisse, le pays aux montres de luxe dont les pubs de rêve hypnotisaient le jeune Rexhep… 


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Serge Maillard, l’éditeur à la tête de la bibliothèque horlogère

Ce devait être lui, et personne d’autre, qui prendrait un jour l’initiative de fonder ce qu’il nomme une « bibliothèque d’Alexandrie horlogère ». Lui, l’éditeur genevois de magazines -spécialisés, dont la famille est propriétaire d’Europa Star, magazine horloger créé à Genève en 1927.

« C’est comme si mes ancêtres revenaient à la vie », -ajoutait-il lors de l’annonce de cette Watch Library en mars 2022, alors qu’il donnait une interview au New York Times. Ému, le directeur du patrimoine d’Audemars Piguet, Sébastien Vivas, saluait là « une initiative propre à sauvegarder des siècles d’héritage horloger », quand Nicholas Manousos, directeur général de l’Horological Society of New York, rappelait que « notre héritage horloger commun est mondial […] et non pas seulement suisse ».

Une vraie chasse au trésor encouragée par l’appui de mécènes – Audemars Piguet, Richard Mille –, pour laquelle Serge Maillard a fait appel à Arkhênum, société bordelaise spécialiste de la numérisation du patrimoine documentaire qui entend se servir de l’intelligence artificielle.


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Stephen McDonnell, le bon génie du calibre

Stephen McDonnell est le créateur d’une prouesse horlogère qui change à jamais la précision des chronographes : un chronographe qui, dorénavant, ne perd ni amplitude ni précision quand on l’enclenche. Cette pièce de 585 composants qu’il a imaginée et développée de A à Z est une révolution majeure qui a permis l’an dernier à Max Büsser, fondateur de MB&F, de se voir décerner la prestigieuse Aiguille d’Or pour sa Legacy Machine Sequetial Evo.

« Présentez-lui une pièce magnifique, et il va tout de suite en déceler les imperfections », dit en substance Max Büsser. Stephen McDonnell vit en Irlande du Nord, installé dans son propre atelier à l’abri du microcosme suisse. La Suisse où il s’est formé au sein de la très réputée fondation WOSTEP de Neuchâtel.

Passionné de courses automobiles, ce discret au perfectionnisme insatiable traite les plus belles pièces comme des bolides qu’il fait rayonner par une technicité pourvoyeuse de vraie valeur.  Ainsi du vingtième calibre de MB&F, mais aussi de son calendrier perpétuel, des « machines » qui lui doivent leur performance et leur originalité. 


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Stijn Busschaert, il réveille les grands classiques

Ce designer et collectionneur de montres a gagné son pari en même temps qu’il réalisait son rêve : créer Méraud, une micromarque qui marie la nostalgie des grands classiques à l’innovation d’aujourd’hui, rare symbiose qui l’autorise à réveiller certains designs horlogers des sixties, en revisitant leur mouvement  et en les agrémentant de certains détails contemporains propres à les affranchir de toute nostalgie compassée.

Le designer originaire de Gand adore ces évocations pour initiés unis par un même état d’esprit, cet alliage entre design d’hier et innovation d’aujourd’hui. Pour lui, beauté et fonctionnalité vont de pair. Stijn Busschaert arrime les marques à un ADN symbolique.

Méraud, anagramme d’Émeraude, pierre précieuse à la beauté limpide. Bonaire, nom de baptême de son premier modèle au design vintage, est aussi celui d’une île des Caraïbes prisée des plongeurs. Ou encore L’Antigua, chrono manuel, qui sonne tel un hymne à la mythique l’Antigua Classic Yacht Regatta, symbole de l’excellence et de l’élégance de beaux voiliers en coque de bois à la technicité d’avant-garde. 


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Wei Koh, influenceur horloger

Les fins connaisseurs de la planète horlogère considèrent Wei Koh comme l’un des plus grands influenceurs d’aujourd’hui, tant il agit sur un monde qu’il décrypte avec pertinence. C’est lui qui a orchestré la dernière collaboration fusionnelle entre Bruno Belamich, designer et cofondateur de Bell & Ross, et l’architecte horloger Alain Silberstein, dont l’audace chromatique a donné naissance à 3 montres délicieusement en marge des codes habituels de la griffe.

Influenceur hermétique aux idées éphémères et fumeuses, il est aussi ce stoïque face au déferlement électronique, lui qui, de son débit oral de mitraillette, loue « les montres mécaniques, véritable oasis ». Fondateur The Rank (mode), et Revolution, bible de l’horlogerie de luxe dont il fut le pionnier des covers stylées et du contenu crédible, Singa-pourien élevé  à New York, où son père était diplomate aux Nations unies, Wei Koh a exaucé ses rêves : « rancher » dans le Montana, essayer d’être lutteur professionnel et aussi… journaliste 2.0. Alors, pourquoi les montres ? « Parce que mes articles sur le sexe et le sport n’étaient pas terribles… »


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Théo Auffret, le surdoué de l’horlogerie française 

Il n’a pas encore 30 ans, et son parcours d’horloger créateur se déroule sur le velours d’une reconnaissance qui fait l’unanimité. « Je suis arrivé dans l’horlogerie comme Obélix est tombé dans la marmite. Après mon bac scientifique, j’ai décidé de m’inscrire en CAP à l’école d’horlogerie de Morteau (Haut-Doubs), plutôt que d’intégrer une prépa ou une école d’ingénieurs », dit-il, un sourire flottant sur son visage fin et grave.

Prix Avenir Métiers d’Art à 20 ans, 2e prix des métiers d’art pour une montre fabriquée uniquement avec des outils anciens, récompensé par la Maison Journe pour son Tourbillon à Paris, alors même que le calibre à montage manuel entièrement assemblé à la main, pièce majeure digne des plus hauts standards de l’horlogerie, n’était encore qu’au stade du prototype.

Originaire de la région parisienne, Théo Auffret a débuté en travaillant pour un spécialiste parisien de la restauration, et a officié comme apprenti chez Jean-Baptiste Viot, expert de l’art traditionnel horloger. Et les chroniqueurs de cet art de l’exigence de comparer le jeune Auffret à un certain Abraham-Louis Breguet. 


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