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Le marché de l'horlogerie se rue vers le bronze, cet alliage qui a pour particularité de prendre, avec le temps, une patine différente, 2023 - TGL
Le marché de l'horlogerie se rue vers le bronze, cet alliage qui a pour particularité de prendre, avec le temps, une patine différente.
Marine Mimouni

Lifestyle

Vers un nouvel âge de bronze pour l’horlogerie

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Panerai relance l’airain en horlogerie courant 2011. Et depuis, c’est une vraie ruée vers… le bronze, cet alliage qui a pour particularité de prendre, avec le temps, une patine différente.

« Le bronze est un alliage vieux comme le monde. Il est composé d’une bonne dose de cuivre et d’une pincée d’étain », résume Dominique Costantini, directeur commercial d’Anonimo, une maison horlogère spécialiste de ce matériau. On parle de l’âge du bronze pour la période de la préhistoire qui court de 2 700 à 900 avant Jésus-Christ. Cette ère se caractérise par l’apparition de la métallurgie. L’airain était utilisé à l’époque pour fabriquer outils et armes.


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Ölstein Edition 2020 d’Oris.
Ölstein Edition 2020 d’Oris. DR

« Cet alliage est beaucoup plus malléable que l’acier et donc plus aisé à travailler. Revers de la médaille, il se raye aussi assez facilement », rappelle Vincent Coquet, directeur d’Oris en France. L’airain est ancien également en horlogerie. On trouve ainsi des montres de gousset en bronze dès la fin du xixe siècle. Il tombe en désuétude par la suite. Dans la seconde moitié du xxe siècle, il n’est plus utilisé que sur quelques montres de plongée fabriquées en très petites séries. 

Le retour de l’airain

C’est Panerai qui le relance, en 2011, avec l’émouvante Bronzo. Cette montre spectaculaire et très réussie rencontre alors un grand succès. Dans son sillage, toute l’industrie horlogère redécouvre le bronze. « Panerai, c’est la référence en la matière », reconnaît Alain Marhic, fondateur de March LA.B. « Nos Bronzo se vendent toutes seules, affirme Jean-Marc Pontroué, président de Panerai. Nous limitons à dessein la fabrication à 1 000 pièces par an. Nous pourrions en produire beaucoup plus, mais nous voulons que cette référence reste en tension. »

L’Epurato Bronze signée Anonimo.
L’Epurato Bronze signée Anonimo. DR

Ou comment cultiver le manque pour susciter encore plus le désir. « Cela nous permet de vendre nos modèles autour de 18 000 euros quand la plupart de nos concurrents les proposent rarement au-dessus de 3 000 ou 4 000 euros, ajoute-t-il. Et depuis l’an passé, le bronze habille aussi la Radiomir, l’un des modèles emblématiques de Panerai. »

Cet alliage véhicule un esprit résolument néovintage

En 2011, l’apparition de la première Bronzo fait l’effet d’un électrochoc. S’ensuit un véritable raz-de-marée. L’horlogerie tout entière entre alors dans un nouvel âge du bronze. Ces quinze dernières années, quasiment toutes les manufactures se sont en effet essayées au matériau avec plus ou moins de bonheur. Les grandes maisons – Breguet, IWC, Hublot, Omega, TAG Heuer, Montblanc ou encore Longines – se lancent.

Ⓒ DR.
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Les plus petites aussi : Eterna, Reservoir, Bell & Ross, Ebel, Maurice Lacroix, MeisterSinger, Baltic, Yema, Hamilton, Louis Erard, Rado, Baume & Mercier, Corum… Certains se transforment même en spécialistes du sujet, comme Tudor ou Oris, dont les gammes comptent plusieurs références en airain. « En France, c’est une montre en bronze, la Big Crown Pointer Date, qui est notre meilleure vente », se félicite Vincent Coquet, directeur d’Oris en France.

La marque va plus loin, avec l’Hölstein Edition 2020, qui adopte un boîtier et un bracelet de cet alliage. Bell & Ross s’en empare pour sa collection d’instruments de marine ainsi que pour certaines plongeuses de la collection Diver. Anonimo a, quant à lui, le bronze pour ADN. 


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Du bronze comme un sou neuf

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Le bronze ne rouille pas. En revanche, il se patine. Mais il se nettoie aussi aisément. Il est possible de retrouver la teinte initiale très facilement. Pour ce faire, on peut utiliser un coton-tige enduit de jus de citron. En frottant, on retire la couche de patine. Puis il convient de passer un chiffon humide afin de stopper l’action du citron. Enfin, il faut bien sécher le boîtier à l’aide d’un tissu microfibre pour retirer les dernières traces d’humidité. Autre solution : utiliser un produit de type Miror, un nettoyant de « grand‑mère » qui fonctionne très bien. En revanche, contrairement à l’idée couramment répandue, il ne faut surtout pas opter pour le Coca‑Cola. L’effet abrasif de ce soda peut altérer l’étanchéité du boîtier en attaquant l’efficacité des joints. 

Ⓒ DR.
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Couleur vintage

L’airain s’oxyde, mais ne rouille pas. Il est idéal sur le pont d’un navire. À partir du XVIIIe siècle, il est d’ailleurs souvent utilisé pour la confection des instruments de navigation maritime. « Il est aussi très présent dans les sous-­marins, précise Vincent Coquet d’Oris. Mais il rappelle surtout le scaphandrier des premiers hommes-grenouilles. »

Aujourd’hui, cet alliage véhicule un esprit résolument -néovintage. Une montre en bronze transporte fissa au temps des romans de Jules Vernes. On imagine aisément le capitaine Nemo arpentant le fond des océans à la barre de son Nautilus – le navire, pas la montre. Plus rares sont les pièces d’aviation en bronze. Chez Zenith, ce matériau habille néanmoins certaines références de la gamme Pilot.

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IWC l’utilise aussi pour ses Montres d’Aviateur. Certains garde-temps à tête de mort s’en emparent également, comme les Skull, Burning Skull ou Cyber Skull chez Bell & Ross. Le bronze est un alliage constitué de 54 à 95 % de cuivre, associé à une proportion variable d’étain, mais aussi d’aluminium, de plomb, de béryllium, de manganèse ou de tungstène. Plus la part de cuivre est élevée plus le matériau est rouge ou rose.

« Panerai propose un bronze très rose, constate Alain Marhic, le fondateur de March LA.B. Il est beaucoup plus jaune chez nous. Visuellement, son rendu se rapproche de l’or. Mais sa teinte mate fait moins “bling-bling”. C’est l’or, mais avec un esprit rétro. » Les aventuriers ou militaires l’apprécient parce qu’il est discret. Il ne réfléchit pas la lumière. Il n’attire pas l’attention sur le chasseur à l’affût, le militaire ou l’espion en mission confidentielle. 


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Petite raréfaction ?

Le marché de l'horlogerie se rue vers le bronze, cet alliage qui a pour particularité de prendre, avec le temps, une patine différente, 2023 - TGL

Cette année, à Watches & Wonders, le bronze s’est fait relativement discret. Les dernières nouveautés horlogères sont un peu moins nombreuses à utiliser l’airain actuellement. Le marché aurait-il fait le plein, du fait de « l’overdose » de ces dernières années ? Il semble aussi que le cuivre à base duquel est conçu le bronze s’est très nettement renchéri tout récemment. Il flirte avec les 9 000 $ la tonne, un cours très élevé. Le matériau coûte, par ricochet, plus cher. Il fait perdre à cet alliage qui ressemble un peu à l’or, en beaucoup moins cher, l’un de ses principaux avantages. Le collectionneur de montres n’est, semble-t-il, pas prêt à acheter une montre en bronze au même prix qu’un modèle en or. Et il a raison.

Ⓒ DR.
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Une teinte personnalisée

Le bronze présente une teinte initiale évoquant un peu l’or rose ou l’or rouge. Il acquiert rapidement une patine qui lui confère un incomparable look hors d’âge : du vert-de-gris à l’ardoise, en passant par toutes les tonalités intermédiaires. Une montre en bronze commence à se patiner dès sa sortie du coffret. Puis elle évolue en fonction de l’endroit où l’on vit, du climat, de l’humidité, mais aussi de l’acidité de la peau… L’oxydation est chaque fois différente.

La montre devient donc, après quelque temps, un modèle unique, à la teinte personnalisée. On sait aussi stabiliser ce matériau. Ainsi, Tudor a choisi, pour sa Black Bay Bronze, un alliage cupro-aluminium bien spécifique qui prend sa teinte définitive au bout d’un mois. Il garantit, en outre, une évolution homogène de la patine sur toute la surface du boîtier.

« La patine, c’est ce qui rend le bronze beau et intéressant »

De nombreux fabricants optent, au contraire, pour un composant non stabilisé. « Je pense que le matériau doit se modifier. Il faut le laisser vivre, cela fait partie du charme », assure Vincent Coquet chez Oris.

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Alain Marhic a un avis similaire : « La patine, c’est ce qui rend le bronze beau et intéressant. » Les fabricants appliquent tous un fond en acier (Oris, Tudor) ou titane (Reservoir, Bell & Ross) pour éviter le contact direct avec la peau. En effet, certains épidermes apprécient modérément la contiguïté avec l’airain. Matériau vivant, le bronze se révèle sensible et émouvant. Il est destiné à ceux qui veulent vivre une histoire intense avec leur montre, une relation qui évolue au fil du temps. 


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