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Rotterdam : BlueCity, une pépinière en devenir
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Rotterdam : BlueCity, une pépinière en devenir

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Economie circulaire, développement durable, mutation énergétique… Rotterdam mise sur de nombreux incubateurs de start‑up pour développer des alternatives aux secteurs marchands traditionnels.

Dôme vitré, toboggans asséchés, plantes vertes à foison sous les douches… drôle d’endroit pour une rencontre. Bienvenue à ­BlueCity, qui loue ses espaces à la journée. A l’origine du projet, deux étudiants, Mark Slegers et Siemen Cox, ont décidé d’investir une vaste piscine fermée depuis 2010. Le duo avait lu un livre fondateur, qui a articulé tout leur projet. The Blue Economy, du Belge Gunter Pauli, un ancien industriel de 63 ans qui professe s’inspirer des écosystèmes naturels pour mieux diriger une entreprise. Recyclage et réutilisation des déchets sont à la base de cette économie circulaire dont ­BlueCity, soutenu par la ville de Rotterdam. Diana Van Ewijk est responsable du storytelling de l’organisation, ainsi que sa carte de visite le mentionne.

Economie circulaire

« L’objectif des Pays-Bas est de devenir un pays avec 50 % d’économie circulaire d’ici à 2050, et notre ville veut être à la pointe de cette transformation, avance Diana Van Ewijk. La prise de conscience citoyenne est de plus en plus grande, mais le gros travail viendra des entreprises. » En face de BlueCity et de son projet holistique, se trouve l’un des deux sièges mondiaux ­d’Unilever (l’autre est à Londres), dans un bâtiment d’acier posé sur pilotis. La multinationale d’agro­alimentaire, de produits d’hygiène et d’entretien consomme 700 000 tonnes de plastique par an pour conditionner ses produits…

Les locaux de la start-up Skoon.
Les locaux de la start-up Skoon. DR

« Pour des entreprises comme Unilever, nous pouvons être un laboratoire de bonnes pratiques, qui leur permet d’aller plus vite », veut croire la responsable de BlueCity. Better Future Factory cherche le meilleur moyen de recycler le plastique. « From trash to treasure » (valorisation des déchets). La start-up Spireaux fabrique de la spiruline fraîche à partir de micro­-organismes. « Cela évite de l’importer, d’autant que ce complément alimentaire perd, en plus, une grande part de ses propriétés avec le temps », explique son promoteur Tim Van Koolwijk. Implanté depuis trois ans à BlueCity – la durée maximale que l’incubateur autorise –, Spireaux va bientôt le quitter.

« Nous sommes dans la phase d’industrialisation, puis nous chercherons des partenaires pour commercialiser le produit », prévoit Tim qui pourrait aller voir du côté du Rotterdam Business ­District (RBD) pour trouver des financements. Un quartier situé autour de la gare centrale, où des institutions financières côtoient les scale-up. Ces start-up arrivées en phase de croissance active sont en quête de levées de fonds encore plus importantes.

Peter Paul Van Voorst, fondateur de Skoon, propose de louer des batteries pour propulser les navires marchands.
Peter Paul Van Voorst, fondateur de Skoon, propose de louer des batteries pour propulser les navires marchands. DR

3 questions à Barbara Kathmann Conseillère municipale, responsable de l’Economie.

A 41 ans, cette diplômée en relations internationales de l’université d’Utrecht est la figure politique montante de la région. Passée par des ONG et par différentes fondations, elle s’est impliquée à Rotterdam pour incarner l’innovation dans les choix stratégiques de l’économique de la ville.

The Good Life : Pourquoi avez‑vous décidé d’accélérer la mutation économique de Rotterdam ?
Barbara Kathmann : L’ADN économique de la ville – et de toute la région – est incarné par le port, mais c’est en train de changer. Nous passons d’une économie centralisée et organisée verticalement à une économie plus collaborative et circulaire. Cela nécessite de bâtir une toute nouvelle infrastructure autour du numérique et de la connaissance. D’une certaine façon, on assiste à un phénomène comparable à celui de la révolution industrielle au xixe siècle. Cette transformation, nous ne la menons pas seuls. Sa vision est inscrite dans le plan stratégique établi fin 2016 par la métropole Rotterdam – Den Haag [Rotterdam – La Haye, NDLR], qui comprend 23 municipalités. La coopération entre les collectivités publiques, les institutions éducatives et les entreprises est cruciale pour réussir cette transformation.

TGL : Pouvez-vous nous donner un exemple de concrétisation de ce plan ?
B. K. : Nous avons lancé récemment le programme Up!Rotterdam qui soutient les entrepreneurs innovants contribuant à rendre le développement de la ville plus durable, son économie plus circulaire, plus numérique. Grâce à l’appui de grandes entreprises et d’investisseurs, nous avons défini un certain nombre de critères pour les aider à obtenir des financements et accéder aux marchés internationaux. De même, nous avons conclu des accords d’apprentissage avec des instituts de formation et des entreprises, qui apportent une réponse concrète aux problèmes de recrutement dans certains secteurs. Nous voulons un marché du travail inclusif, où il y a de la place pour chacun, afin que tous les habitants de Rotterdam bénéficient de la nouvelle économie.

TGL : Quelle est votre ambition pour les prochaines années, particulièrement en matière de développement durable ?
B. K. : D’ici à 2030, la population de Rotterdam va encore augmenter et atteindre près de 700 000 habitants. Tous ces gens doivent pouvoir vivre et travailler. L’université Erasme prévoit que 70 000 nouveaux emplois devront être créés. C’est pourquoi nous avons besoin de proposer de bonnes conditions d’installation pour attirer des entreprises sur notre territoire. Avec une attention particulière aux petites et moyennes entreprises, qui sont les plus créatrices d’emplois. Nous sommes leaders en matière d’innovation, nous avons été nommés iCapital par la Commission européenne. Nous avons d’autres atouts comme notre forte tradition entrepreunariale ou notre exposition internationale évidente. Mais il ne s’agit pas seulement d’innover, il faut aussi contrôler l’impact que l’innovation peut avoir sur la vie des citoyens.

Innover pour le développement durable

Hébergée dans l’espace de coworking du Cambridge Innovation Center (CIC), comme 250 autres jeunes pousses, Skoon, par exemple, a atteint ce stade. Son fondateur, Peter Paul Van Voorst, est fier de montrer le modeste bureau qu’il a d’abord occupé avec son associé, Daan Geldermans, à la création de la start-up, en 2017. Aujourd’hui, cet espace est vide, et l’équipe d’une vingtaine de personnes a emménagé dans des locaux plus vastes. « Skoon vient du néerlandais “schoon”, qui signifie “propre”. On l’a internationalisé, parce que c’est notre ambition », proclame l’ingénieur de 26 ans qui exhibe le trophée de l’innovation reçu cette année de la ville de Rotterdam : « “Ketel­binkieprijs”, cela veut dire “le prix du mousse”. On espère devenir le capitaine du bateau ! »

Cambridge Innovation Center, incubateur de start-up.
Cambridge Innovation Center, incubateur de start-up. DR

Skoon s’est spécialisée dans l’énergie verte à destination des navires marchands, arguant que l’électrification du transport maritime sera aussi inéluctable que celle de l’automobile. « Le poids n’est pas un problème sur un navire, et il est d’ailleurs rarement plein. On peut donc embarquer beaucoup de batteries », affirme Peter Paul.

Skoon a lancé sa plate-forme en octobre pour mettre en relation fournisseurs d’énergie et armateurs. Une stratégie maligne, sans investissements lourds : « Nous proposons des batteries à nos clients de la même façon que vous réservez une chambre d’hôtel sur Booking ! D’ailleurs, son fondateur, Kees Koolen, a investi 1 million d’euros dans Skoon », sourit le jeune entrepreneur.

Cambridge Innovation Center.
Cambridge Innovation Center. DR

Le port le plus durable du monde

Comme d’autres entreprises, Skoon réconcilie la vieille industrie portuaire et la nouvelle économie durable. Une aubaine pour Rotterdam, qui veut multiplier ce genre d’initiatives. La Commission européenne l’a d’ailleurs distinguée en septembre dernier en la nommant parmi les six « iCapital » de l’innovation, un prix remporté par Nantes.

« Connue pour son port, Rotterdam est consciente de la pression écologique de la société aujourd’hui, a justifié la Commission en détaillant son choix. La ville a lancé de nombreuses actions pour s’engager dans le développement durable et soutenu les industries créatives. Avec l’ambition de faire de son port le plus durable du monde. »

Tim Van Koolwijk est en mesure de fabriquer de la spiruline à partir de micro‑organismes.
Tim Van Koolwijk est en mesure de fabriquer de la spiruline à partir de micro‑organismes. DR

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