The Good Business
Bien loin de son image glamour exportée dans le monde entier grâce à ses bulles blondes, la région champenoise souffrait d’un manque de reconnaissance. Une situation ayant atteint son point de bascule grâce aux efforts faits en matière d’accueil, d’expériences et de lieux inédits par les différents acteurs de la filière. The Good Life s’est penché sur la tendance de l’œnotourisme en Champagne.
La Champagne en pleine effervescence
« Pourquoi voulez-vous qu’on ouvre au public ? » Il y a encore une quinzaine d’années en Champagne, la surprise était franche lorsqu’on osait prononcer le terme d’œnotourisme. C’est que juste avant la crise de 2008 la Champagne n’était pas franchement une terre touristiquement accueillante. Et tandis que les flacons traversaient les mers et les airs pour atterrir sur les meilleures tables du monde, les portes des prestigieuses maisons se fermaient à six heures du soir et tous les week-end. Mais ça, c’était avant ! Classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2015, la Champagne a décidé de dévoiler ses atouts au monde. Maisons et hôtels de luxe, expériences inédites, dégustations et musées… Depuis quelques années, la région est en pleine effervescence.
À Reims, Arthur Carpentier, directeur marketing et communication de l’office du tourisme du Grand Reims, confirme cette mutation : « Il y a encore quelques années, il n’y avait pas de politique oenotouristique. Certes, il existait des lieux d’accueil pour les ventes dans les différents domaines, mais c’est tout. L’offre a bien évolué ». Bien sûr, il y avait les fameuses caves ou crayères qui permettaient à chacun de découvrir ces méandres souterrains et spectaculaires de la Champagne. On pouvait même s’y promener en petit train, chez certains. Désormais seul le Champagne Mercier, qui reçoit près de 100 000 visiteurs à l’année, perpétue cette tradition.
L’œnotourisme champenois en chiffres*
- Les vignobles les plus visités sont : Bordeaux (18 %), Champagne (17,2 %), Alsace (16,9 %), Bourgogne (16,2 %), Val de Loire (13 %).
- 7,3 millions de visiteurs en Champagne
- 14,8 millions de nuitées vendues
- 630 M € de retombées économiques
- 11 700 emplois directs
*Source : Livre blanc de l’œnotourisme en Champagne, présenté le 21 mars 2019 à l’occasion des premières Assises de l’œnotourisme en Champagne.
L’histoire d’une prise de conscience
Les visites de caves existent toujours, mais elles ont doucement évolué, devenant plus attractives. Ainsi au domaine Pommery, on peut découvrir à trente mètres sous terre une exposition d’art contemporain renouvelée tous les ans, tout en se promenant au fil des galeries où dorment des milliers de bouteilles de champagne. Pour mieux accueillir ses visiteurs, la maison de champagne a d’ailleurs créé Le Réfectoire, un restaurant installé sur le domaine. Dans leurs crayères ou au jardin, on retrouve l’art contemporain placé sous le signe du développement durable chez Ruinart, qui propose aussi moult brunchs, déjeuners, dégustations et autres goûters en association avec du champagne rosé. De goûter, il est aussi question chez Moët & Chandon, à Épernay.
« Au sein de la filière Champagne, il y a eu une réelle prise de conscience interne, particulièrement avec la proximité de Paris », souligne Arthur Carpentier. De fait, à trois quarts d’heure de la capitale en TGV, la région représente le cadre idéal pour quelques jours de répit…le glamour des bulles en plus. C’est que la Champagne a travaillé, ces dernières années, l’image du produit. Quelques bulles magiques et mondialement connues, mais dont la région productrice souffrait d’un manque de (re)connaissance. Il fallait donc rappeler, montrer le terroir et le savoir-faire champenois. Certaines maisons l’ont compris avant d’autres. Et ce qui pouvait jusqu’alors être considéré comme un argument marketing isolé s’est développé en véritable business model.
Lire aussi
The Good Choice : 11 champagnes parcellaires éclatants
Tout est question d’expérience
Gilles de La Bassetière, Président du Champagne de Venoge, a été parmi les premiers acteurs de la filière à aménager son hôtel particulier du XIXe siècle, bordant la célèbre Avenue de Champagne à Épernay. Une situation géographique de choix, autrement baptisée les Champs-Élysées de la Champagne, où de nombreuses grandes maisons ont pignon sur rue. “En 2015, nous avons réalisé quatre suites dans les dépendances, un appartement, un bar-boutique dans l’ancienne écurie et aménagé notre parc”. C’est en voyageant partout dans le monde que Gilles de La Bassetière a compris que les grands producteurs de vins ouvraient leurs portes au public. “Il nous faut faire vivre une expérience ‘champagne’. Même si à l’époque, reconnaît-il, beaucoup de monde me disait que ce n’était pas utile”. Depuis, la tendance s’est inversée. Et ce sont les mêmes qui le rappellent pour lui demander conseil.
Longeant la même avenue, le visiteur déambule entre le Cellier Perrier-Jouët et sa Belle Époque Society – sans doute l’une des plus belles réalisations oenotouristiques en Champagne -, les dégustations dans les caves du Champagne Boizel ou au bar de la boutique des Champagnes de vignerons… À Châlons-en-Champagne, on apprécie la seule et dernière maison de champagne de la ville, le Champagne Joseph-Perrier, complètement rénovée pour l’accueil du public. Dans la très jolie Côte des Bar, on propose aussi des logements atypiques au Champagne Alexandre Bonnet ou chez Gremillet, installés au sein du vignoble pour mieux s’imprégner de la nature. Sans oublier les séances yoga-champagne chez les uns ou la découverte de coquillages fossilisés chez les autres et bien sûr, les deux grands nouveaux espaces culturels permettant de mieux comprendre la culture du champagne et de la Champagne, Pressoria à Aÿ et le Musée du vin de champagne et d’archéologie champenoise à Épernay, tous deux récompensés par les Rubans du Patrimoine en 2022.
La champagne a dépassé les simples services d’accueil et de visite pour s’orienter ostensiblement vers un concept d’hospitalité
Au-delà de la simple visite
La filière hôtelière, toujours à l’affût, n’est pas en reste. Et puisque l’offre crée la demande, la chaîne Marriott ne s’y est pas trompée en s’installant devant la Cathédrale de Reims, tandis que les travaux du dernier-né de la chaîne hôtelière avancent à Épernay. Impossible de ne pas citer le Royal Champagne et sa vue imprenable sur les vignes de Champillon, ou encore le Loisium à Mutigny. Dans les mois à venir, on annonce une luxueuse péniche Coquelicot signée Humbert & Poyet pour le groupe Belmond en partenariat avec Ruinart, d’ici au printemps 2023, ou encore l’ouverture d’un Blu Radisson dans la cité des Sacres. Sans compter le développement en cours et à venir des offres oenotouristiques dans les maisons Bollinger, Thiénot, Dom Pérignon ou encore Taittinger, chuchote-t-on dans la région.
La Champagne, sa région et sa filière, ont dépassé les simples services d’accueil et de visite pour s’orienter ostensiblement vers un concept d’hospitalité, repris d’ailleurs par différentes structures organisatrices d’expériences, comme l’agence troyenne OenoSphères ou certains spécialistes du voyage de luxe. “J’ai une clientèle très haut de gamme et elle attend un apprentissage approfondi de la Champagne, explique Marie Tesson d’Exclusive France Tours. Bien sûr via les grandes maisons, mais il ne s’agirait pas d’oublier les vignerons, la production champenoise, le terroir, le parcellaire. Et ça, c’est nouveau ! On constate que l’offre a émergé avec des vignerons qui s’organisent depuis peu pour recevoir. Ils ont envie de communiquer. » Kirsten Neubarth, guide en Champagne, rejoint ces propos : « je m’occupe de visiteurs qui n’ont aucun problème de budget. Ils désirent se plonger dans une expérience très ciblée et particulière. Et c’est vrai que depuis quelques années, il y a un bouillonnement de projets. La Champagne s’est réveillée ».
S.C
Lire aussi...
Rencontre : la transmission réussie du Champagne Roger Coulon