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The Good Guide

Une soirée à la table de Nhome, le premier restaurant de Matan Zaken

The Good Guide

Une table, un menu, un chef. A Paris, Nhome est un restaurant unique. The Good Life vous explique pourquoi.

Le chef Matan Zaken.
Le chef Matan Zaken. Pierre-Lucet Penato

Ce fou de Matan Zaken

« Je n’ai pas ouvert ce restau’ pour m’enrichir » plaisante, de but en blanc, le jeune chef. Sans filtre, joueur et terriblement radical, Matan Zaken est probablement né dans un signe de feu. Il n’hésite pas à venir servir en salle alors que, fait rare à Paris, celle-ci est richement staffée. Un directeur de salle (Clément Cottet) probablement casté pour sa proximité astrale avec son patron (et son talent), en charge de l’humour et des vins. Deux serveuses, non moins loquaces ni drôles, qui passent les plats en en énonçant le moindre condiment.

En une dizaine de minutes à table, les présentations sont faites et le show a déjà commencé.

Il est clair que Matan Zaken ne compte pas sur son restaurant Nhome pour remplir ses poches. Certes, ses assiettes resteront dans les annales — nous y viendrons. Mais le calcul est vite fait : 16 couverts pour une salle de près de 20 mètres carrés… La rentabilité laisse à désirer. « Grâce à Nhomade, je peux m’amuser ici ! » Nhomade, c’est la société de traiteur qu’il a fondé après une riche carrière chez Frenchie Covent Garden, dans les cuisines de Christian Le Squer à Le Cinq (Four Seasons George V) ou encore chez Saturne. La veille, lui et sa brigade officiaient pour le dîner de Noël d’une grande banque : « La période des fêtes est la plus dingue, on enchaîne les événements tous les deux jours. » 

La brigade du restaurant Nhome.
La brigade du restaurant Nhome. Pierre-Lucet Penato

Pour survivre, Matan a su tisser autour de lui une équipe soudée de passionnés. Pour contrer la routine et le surmenage, il favorise les échanges de lieu de travail (l’ensemble de ses employés travaille pour Nhomade et Nhome en rotation) et les jours de repos (le restaurant n’est ouvert que quatre soirs par semaine, fermé le week-end). Voilà peut-être le secret de la bonne humeur ambiante chez Nhome. Happy staff happy life.

A table !

Le ballet se déroule dans une cave comme on les connaît bien dans le premier arrondissement parisien, sobrement mise en scène par Guillaume Terver, fondateur du studio leLAD. Nous sommes reçus dans un sous-sol tapissé de belles pierres nues, d’abord dans un petit salon où pourront dîner les groupes (jusqu’à six personnes) puis dans la salle du restaurant. Là, on prend place autour d’une imposante table, en fait une imbrication de plateaux asymétriques. Seize personnes, ce soir-là, se regardent timidement en début de soirée mais finiront par apprendre, par le bouche-à-oreille, à l’heure de baisser le rideau, qu’un couple s’est fiancé dans le salon.

La table à laquelle se déroule le service unique du soir, chez Nhome.
La table à laquelle se déroule le service unique du soir, chez Nhome. Pierre-Lucet Penato

Il est en revanche déconseillé de venir à plus de trois personnes au risque de ne pas pouvoir communiquer — l’espace entre chaque convive étant plus que confortable et le face-à-face impossible. Le duo reste encore le format à privilégier, plus intimiste, à l’image de l’expérience.

Dans l’assiette du restaurant Nhome

Timing impeccable, dressage au scalpel et surprise à chaque bouchée : que reprocher à Nhome ? « Dans deux ou trois mois, mes assiettes seront d’autant plus radicales, prévient le chef, sourire aux lèvres. J‘ôterai, par exemple, toutes les fioritures autour de mon pigeon sur lit de riz noir. J’y ai mis de la betterave pour l’agrémenter mais ce riz est tellement dingue qu’il se suffit à lui-même ! » Nul doute que les versions 2, 3, 4… de ses plats, déjà particulièrement aboutis, hisseront le chef même pas trentenaire au firmament de la profession.

Matan Zaken assure également le service.
Matan Zaken assure également le service. Pierre-Lucet Penato

Apatride et relative à aucune tendance, la cuisine de Matan Zaken à rebours des codes de l’époque et des restaurants à thème. Fasciné par la « créativité perchée et rock’n’roll » des chefs anglo-saxons, on retrouve cette énergie davantage dans l’idée de sa carte que dans son exécution. Lisible, poétique, presque douce, chaque bouchée se savoure les yeux fermés. Parce que le menu se déroule à l’aveugle, justement, un conseil : régalez-vous comme si chaque coup de fourchette était le dernier.

Huit temps, une pré-entrée, un « Trou Normand » façon Nhome, un post-dessert… Le temps d’une dégustation est égale à un aller-retour Paris-Marseille en TGV. Mais quel voyage ! Si on ne devait se souvenir que d’une étape, ce serait celle « l’anguille à boire », présentée dans une assiette-bol dont il faudra soi-même trouver le bon angle pour atteindre la dernière goutte. Résumons : il s’agit une anguille Ikegime (une technique d’abattage du poisson consistant à neutraliser le système nerveux de l’animal à l’aide d’une aiguille vivant avant de le saigner, ndlr) grillée et fumée sur un lit de foie gras juste poêlé et purée de navet condiment ail noir, dans un bouillon d’anguille et oignons brûlés coiffé d’huile agastache (plante aromatique de la famille des Lamiacées comme la menthe, la lavande ou la sauge, ndlr). Vous suivez ?

La fameuse anguille de ce soir de décembre.
La fameuse anguille de ce soir de décembre. Fanny Liaux / iPhone 14

Pour les desserts, le chef du restaurant Nhome s’est adjoint l’expertise de Clémence Lafleur (passée par Chiberta et le Copenhague, à Paris). Techniques et régressifs à l’image de la réinterprétation du « bol de lait et céréales » (un dulce de leche au sirop de datte et sucre muscovado, céréales souflées et torréfiées, glace au pollen, chips de lait et dulce de leche, lait cru infusé aux céréales), ils clôturent le bal en beauté avant un jeûne bien mérité.

Le bol de lait et céréales.
Le bol de lait et céréales. Pierre-Lucet Penato

Le futur de la gastronomie s’écrit peut-être chez Nhome

Du trio d’amuse-bouches à « l’anguille à boire », chaque à mets correspond sa coquille. La céramiste Amande Haeghen, pourtant spécialisée dans la décoration, confectionne les plats dans lesquels sont dressés les repas. « Au début de notre collaboration, je lui présentais mes idées et mes besoins et elle y répondait. Désormais, c’est elle qui me propose des supports autour desquels je compose » confesse avec humilité Matan Zaken. 

Aussi délicate qu’une feuille de papier ou qu’un morceau de tissu, cette œuvre d’Amande Haeghen met ponctuellement en scène les amuse-bouche.
Aussi délicate qu’une feuille de papier ou qu’un morceau de tissu, cette œuvre d’Amande Haeghen met ponctuellement en scène les amuse-bouche. Pierre-Lucet Penato

C’est aussi ça, la force de Nhome : la simplicité avec laquelle un homme révolutionne en douceur les codes d’un monde ultra codifié. La présentation sculpturale d’un plat n’est plus, certes, l’apanage des grands. Néanmoins, le souci accordé par le chef Zaken à la silhouette de ses recettes excède le commun. Ajoutez à ça l’affront comptable de n’avoir disposé que seize chaises dans une salle pouvant en contenir le triple et la simplicité d’un service opéré avec un professionnalisme et une gaieté rarement égalés cette année… Sans parler de son menu impeccable. Michelin, si tu nous entends.

F.L.G.


Nhome
41, rue de Montpensier, 75001 Paris
Du mardi au vendredi soir
De 19h à minuit (services de 19h à 21h30)
nhomeparis.com

Menu dégustation « carte blanche », 105 €
Accords mets et vins, 59 €

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