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Henningsvaer, village de pêcheurs typique de l’archipel des Lofoten.
Henningsvaer, village de pêcheurs typique de l’archipel des Lofoten.
veronica

The Good Business

Les îles Lofoten : beauté arctique à couper le souffle

The Good Business

Teintées d’aurores boréales en hiver et du soleil de minuit en été, réputées pour leur pêche au skrei miraculeuse et leurs températures clémentes, les Lofoten concentrent un fort imaginaire collectif empreint de légendes et de mystères au nord du cercle polaire, entre le Vestjord et la mer de Norvège.

Entre une annonce pour s’inscrire au « Sea eagle safari » et autres réclames touristiques, le chef de bord du Midnatsol de la compagnie Hurtigruten (ou Express côtier) finit par signaler l’arrivée dans les Lofoten en quatre langues différentes. Malgré le temps catastrophique, les gens s’amoncellent sur le pont. Des touristes entre deux âges qui voyagent pour la plupart en groupe afin de découvrir l’exotisme du Grand Nord. K-way aux couleurs criardes, chaussures de randonnée neuves et appareils photo à bout de bras. De vrais aventuriers de l’extrême. Le confinement du bateau m’a rendue claustrophobe, les passagers m’ont rendue misanthrope.

Les navires de la compagnie Hurtigruten (ou express côtier) assurent les liaisons maritimes dans toute la Norvège.
Les navires de la compagnie Hurtigruten (ou express côtier) assurent les liaisons maritimes dans toute la Norvège. Albertine Guillaume

J’ai passé ma journée sur le pont à maudire le soleil quand il y en avait trop et le vent et la pluie pour les mêmes raisons. Je ne sais pas ce qu’il y a dans l’air, mais j’ai le cœur lourd et le sommeil mauvais. L’Express côtier effectue un détour par le Trolljord. Le capitaine s’engage doucement dans l’étroit détroit qui sépare l’archipel des Vesteralen de celui des Lofoten. On effleure les flancs des montagnes et la perspective est écrasante. Des reliefs qui obstruent la vue, qui empêchent le passage de la lumière et du soleil, mais qui accrochent et retiennent les nuages bas. De sombres tours gigantesques qu’on imagine s’élever indéfiniment dans le brouillard, infranchissables.

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Le Midnatsol effectue un demi-tour en trois temps et repart. L’attraction est terminée. La pluie s’intensifie, et de grosses averses s’abattent impitoyablement sur nous. Les touristes rentrent immédiatement se mettre à l’abri. Le brouillard s’épaissit en un rien de temps. Le vent se lève et nous hurle dessus. On ne discerne plus rien depuis le pont. Juste avant de pénétrer dans le port de Svolvær, capitale de l’archipel, je réussis à distinguer sur ma droite une silhouette qui se détache sur un rocher noir. La pluie m’aveugle et je la perds de vue. Il me semble que c’était une femme, la robe et les cheveux battus par la tempête, mais droite devant le déchaînement des éléments. Elle se dressait, le bras levé, face à la mer. Geste de courage ou de démence ? Une angoisse sourde m’assaille. Le Midnatsol navigue adroitement parmi les récifs et pénètre enfin dans le port. Le brouillard se lève doucement et je découvre petit à petit l’impressionnante barrière de montagnes sombres et escarpées en arrière-plan. Un mur qui coupe net l’horizon. Il est temps pour nous de quitter le confort millimétré de la croisière, presque à regret. La pluie est devenue fine et glaçante. Le ciel semble vidé de toutes ses couleurs. On ne pouvait pas espérer accueil plus théâtral et fantomatique. Au restaurant, on tergiverse entre le ragoût de baleine et les langues de morue. Je crois qu’il est temps d’aller se jeter dans les bras de Morphée.

Le port de Svolvær, la capitale de l’archipel.
Le port de Svolvær, la capitale de l’archipel. Albertine Guillaume

Des corps s’étreignent et se meuvent en rythme. Un orchestre joue un morceau plein d’entrain. Les gens rient et dansent. Il s’agit d’une fête sur le port. Une fête de départ. Les barques sont remplies de gerbes de leurs. Partout, des hommes et des garçons de tous âges. C’est le moment des adieux. Infinie mélancolie des femmes. A peine le temps d’une étreinte que déjà, les hommes et les garçons n’ont d’yeux que pour elle. Magnifique et pleine de promesses. Elle s’avance vers eux, fond sur moi. Son regard transperce mon âme. Je reconnais sa silhouette pendant qu’une voix venue de nulle part me murmure : « Ce n’est pas un endroit pour les cœurs sensibles. » –

Je me réveille en sursaut. La voix résonne encore dans ma tête. Je finis par me lever et m’approche doucement de la fenêtre. Je ne comprends rien à ce que je vois. Il ne fait ni jour ni nuit. La végétation ressort dans un vert fluorescent. Des volutes de brumes opaques s’élèvent de l’eau noire. Des ténèbres lumineuses donnent à l’ensemble de la scène un caractère surnaturel. La nature est vivante et ensorcelante. Je n’arriverai plus à me rendormir. Quelques heures plus tard, nous prenons la route.

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