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Du sud au nord, les hommes s’ingénient à essayer de vivre dans des espaces hostiles aussi arides que reculés comme le désert, 2024 - TGL
Du sud au nord, les hommes s’ingénient à essayer de vivre dans des espaces hostiles aussi arides que reculés comme le désert, 2024 - TGL
Marine Mimouni

The Good City // Architecture

Le désert, nouvel espace de vie ?

Architecture

The Good City

Du sud au nord, les hommes s’ingénient à essayer de vivre dans des espaces hostiles aussi arides que reculés. De zones désertiques à semi-arides, les projets d’habitation sont variés, spectaculaires ou, au contraire, discrets. Alors que sort en kiosque ce jeudi 21 mars le nouveau numéro de The Good Life spécial désert, petit tour d’horizon aux confins de l’infini.

Il y a le désert au froid polaire et l’autre aussi brûlant que l’enfer. De glace, de sable ou de rocailles, ils couvrent un cinquième de la planète et reçoivent moins de 250 millimètres de précipitations par an – entre 250 et 500 millimètres dans les zones semi-arides comme les steppes.


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Images de synthèse présentant le projet The Line dans son environnement : une ville miroir de 170 km de long et 500 m de haut au cœur du désert, en Arabie saoudite.
Images de synthèse présentant le projet The Line dans son environnement : une ville miroir de 170 km de long et 500 m de haut au cœur du désert, en Arabie saoudite. DR

Aux confins des mondes, ces paysages infinis, où le silence est parfois étourdissant, emplissent notre imaginaire. Mais il faut être un peu fou ou inconscient pour vivre dans ces lieux où les températures grimpent au-dessus de 50 °C ou chutent à moins 40 °C. Sauf, bien sûr, à y être né.

Ainsi en va-t-il, par exemple, des Touaregs du Sahara ou des aborigènes du Centre rouge, en Australie. Eux seuls détiennent les clés du désert. Tels des sourciers, ils trouvent la moindre oasis, l’unique point d’eau à des kilomètres à la ronde, savent récupérer la rosée et l’humidité. Car ici plus qu’ailleurs, l’eau vaut tout l’or du monde.

Mais « il est de plus en plus difficile de rencontrer aujourd’hui le désert, rapportait déjà Alexis de Tocqueville dans Quinze jours au désert, où il relatait son voyage aux États-Unis en 1831. Chaque année, les déserts deviennent des villages, des villages deviennent des villes ». Cela est plus que jamais vrai alors même que le désert, dit-on, avance.

Aux confins des mondes, ces paysages infinis, où le silence est parfois étourdissant, emplissent notre imaginaire.
Aux confins des mondes, ces paysages infinis, où le silence est parfois étourdissant, emplissent notre imaginaire. Andrzej Kryszpiniuk / Unsplash

Prenons les Émirats arabes unis, septième producteur mondial de pétrole. Après la découverte de l’or noir dans les années 60, les voilà richissimes du jour au lendemain et catapultés comme acteurs majeurs de la scène internationale. Visionnaire, Dubaï prévoit très vite l’ère posthydrocarbure et mise sur le tourisme. La suite, on la connaît.

De bourg, l’émirat s’est transformé en ville de tous les superlatifs à la sueur et au sang des travailleurs migrants. Du bling en veux-tu en voilà ! De l’air conditionné à tout-va et des SUV, des Lamborghini et des Porsche au milieu de forêts vertigineuses de gratteciel !

L’émirat de 3, 6millions d’habitants (dont 92 % d’étrangers) est devenu une destination prisée des touristes, avec 17,15 millions de visiteurs en 2023. Il vise à doubler sa population dans moins de vingt ans.

Vue d’un touareg dans le désert.
Vue d’un touareg dans le désert. Tatiana Zanon

Avec les pétrodollars, rien d’impossible. Les problèmes d’eau sont évacués d’un claquement de doigts grâce aux usines de désalinisation, lesquelles carburent, pour la plupart, aux combustibles fossiles et rejettent la saumure dans la mer.

Et s’il ne pleut pas assez, des avions ensemencent les nuages à l’aide, notamment, de cristaux de sel. Le luxe, sans doute, des châteaux de sable… dont la destinée est de s’écrouler.

NEOM sweet home ?

Images de synthèse présentant le projet The Line dans son environnement : une ville miroir de 170 km de long et 500 m de haut au cœur du désert, en Arabie saoudite.
Images de synthèse présentant le projet The Line dans son environnement : une ville miroir de 170 km de long et 500 m de haut au cœur du désert, en Arabie saoudite. DR

Non loin de là, en Arabie saoudite, des tractopelles prennent le relais. « NEOM est la destination qui changera notre vie sur cette planète », annonce une vidéo du site Internet. Vaste programme !

En attendant, les quatre premiers projets ont annoncé leurs objectifs : Trojena, une station de ski ouverte toute l’année (oui, oui !) ; Sindalah, une île de luxe dans la mer Rouge ; Oxagon, une « référence pour les industries propres et de pointes » ; et enfin The Line.

Cette ville futuriste s’étire sur une ligne de 170 kilomètres de long, 200 mètres de large et 500 mètres de haut. Elle devrait accueillir 9 millions d’habitants sur 34 kilomètres carrés. Une comparaison ? Paris en compte plus de deux millions sur 105 kilomètres carrés.

De bourg, l’émirat s’est transformé en ville de tous les superlatifs à la sueur et au sang des travailleurs migrants.
De bourg, l’émirat s’est transformé en ville de tous les superlatifs à la sueur et au sang des travailleurs migrants. Emma van Sant / Unsplash

Pas besoin d’être un génie des mathématiques pour imaginer la densité. Le coût estimé ? 500 milliards de dollars. C’est à ce prix que la ville sera un merveilleux laboratoire des possibles. Une réflexion ouverte sur le futur. Quel architecte ne rêverait pas, un jour, d’envisager sa « cité Blade Runner » en 3D ? Pour l’instant, aucun n’a été présenté officiellement.

Reste la question écologique. Si l’énergie est annoncée 100 % renouvelable, créer ex nihilo une ville dans le désert aura un énorme coût environnemental. Construire une ligne de miroir de 170 kilomètres aussi. Tout comme faire venir une population des quatre coins du monde.

Alors, on peut croire à TheLine ou non. Après tout, le désert est plein de mirages. Lesquels font oublier le régime autoritaire de l’Arabie saoudite. NEOM a d’autres petits frères des sables, dont certains n’ont pas toujours bien tourné. Las Vegas a joué (presque) toute son eau aux casinos. En Égypte, « Sissi-City », la nouvelle capitale, s’érige difficilement pour, officiellement, désengorger Le Caire à 50 kilomètres de là.

Dans cette oasis, l’hospitalité devient plus que jamais un outil au service du développement social et environnemental.
Dans cette oasis, l’hospitalité devient plus que jamais un outil au service du développement social et environnemental. Elektra Klimi / Unsplash

Qui habitera ces appartements aux prix prohibitifs pour la plupart des Cairotes ? À Abou Dabi, Masdar City devait être une ville vitrine 100 % énergies renouvelables, zéro émission de gaz à effet de serre, zéro déchet. Las, depuis sa première pierre en 2008, elle peine à attirer du monde.

Heureusement, il y a aussi de belles idées qui germent dans les sols les plus arides. La Grande Muraille verte de 7 600 kilomètres de long doit reverdir la bande sahélienne, du Sénégal à Djibouti, en traversant onze pays. On regrette seulement que de nombreux fonds aient mystérieusement disparu, ralentissant l’effet de rempart végétal escompté.

Du sud au nord, les hommes s’ingénient à essayer de vivre dans des espaces hostiles aussi arides que reculés comme le désert, 2024 – TGL
Du sud au nord, les hommes s’ingénient à essayer de vivre dans des espaces hostiles aussi arides que reculés comme le désert, 2024 – TGL Unsplash

Il y a en outre Sustainable City (Dubaï, encore), un quartier durable où tout est pensé pour limiter la chaleur – à l’aide de verdure, mais aussi par l’orientation de bâtiments articulés autour de fermes urbaines. Les fermes, justement.

Elles fleurissent dans les endroits les plus arides, comme à Dakhla, destination marocaine de kitesurfeurs, bordée par l’Atlantique et le Sahara. ProTerra utilise le soleil, la constance du vent, l’eau de mer et le sol du désert pour produire des plantes halophytes et des poissons à haute teneur en protéines, le tout dans un cercle vertueux.

L’implication des communautés

Vue du désert.
Vue du désert. Ash Hayes / Unsplash

L’avenir se jouera donc peut-être en marge de ces projets XXL. Certains restaurent et valorisent le patrimoine architectural et culturel existant plutôt que d’en créer un nouveau. C’est le cas de Thierry Teyssier, hôtelier aux semelles de vent, qui, depuis 2002, réinvente la magie des voyages.

Avec 1 700 000 heures (le temps moyen passé sur terre), premier hôtel itinérant au monde, il posait ses malles dans des lieux extraordinaires durant six mois.

Il impliquait déjà les communautés : « On créait des émotions très fortes pour nos clients, mais quand nous repartions, les projets mis en place pour durer localement vrillaient totalement. Il faut rester plus longtemps et accompagner les communautés locales dans leur développement. »

Désormais associé à Diane Binder, il défend une hospitalité régénérative avec 700 000 heures Impact. Leur projet pilote, né à Tiskmoudine, aux confins du désert marocain, s’est ancré sur du long terme.

De glace, de sable ou de rocailles, les déserts couvrent un cinquième de la planète et reçoivent moins de 250 millimètres de précipitations par an – entre 250 et 500 millimètres dans les zones semi-arides comme les steppes.
De glace, de sable ou de rocailles, les déserts couvrent un cinquième de la planète et reçoivent moins de 250 millimètres de précipitations par an – entre 250 et 500 millimètres dans les zones semi-arides comme les steppes. Wolfgang Hasselmann / Unsplash

Dans cette oasis, l’hospitalité devient plus que jamais un outil au service du développement social et environnemental. Le financement est rendu possible grâce aux revenus de l’hôtel, mais aussi par un modèle participatif public-privé et philanthropique. « Seize projets ont déjà vu le jour et sont générateurs d’emplois et de revenus. Des jeunes, qui avaient quitté le village, reviennent pour y travailler. »

Si l’hôtel devait partir, la menuiserie, l’élevage de poules, la culture de pois chiche et toutes les autres initiatives poursuivraient leur vie. Depuis les terres marocaines, Thierry Teyssier a semé ses graines au Pérou et en sèmera bientôt ailleurs. Comme un Petit Prince qui adoucirait le monde.


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