Voyage
Récit d'une croisière sur le Danube où nous avons tenté de déceler le potentiel contemporain de ce mode de vacances souvent attribué aux seniors.
Je me suis laissé tenter par le jeu d’une croisière de plusieurs jours sur le Danube afin de voir si, oui ou non, le genre reste un truc de vieux.
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J’ai testé (pour vous) une croisière sur le Danube
Jamais n’aurais-je pensé mettre les pieds sur un bateau pour une croisière de plusieurs jours. Le genre, bien éloigné de mes vacances de rêve, m’évoque un enfer fait de files d’attente stressantes, de foule continue, de mauvaise cuisine et d’espaces mal décorés.
Pourtant, on le sait, il faut tester pour juger. Voilà pourquoi je me suis laissé convaincre de passer quelques jours à bord d’un des navires de Rivages du Monde, une compagnie française qui, depuis 20 ans, propose toute une série de croisières de luxe dans le monde à bord de petites unités. Dans notre cas, il s’agissait d’une route fluviale à bord de l’Amadeus Silver II qui nous a accueilli sur les rives du Danube, à trois heures de la capitale bulgare, Sofia.
A première vue, l’âge moyen de mes comparses est d’environ soixante-dix ans. Peut-être ai-je joué de malchance, la période choisie (hors vacances) n’ayant pas joué en la faveur d’une enquête non-biaisée. Soulignons néanmoins d’un rapport de la Clia (Cruise Lines International Association) établi en 2022 indique que l’âge moyen des passagers des croisières dans le monde est plutôt d’environ 47 ans.
A bord de l’Amadeus Silver II
Le groupe de passagers que nous rejoignons en est déjà au troisième jour d’un parcours qui prévoyait la remontée du Danube de Bucarest à Munich, en passant par Sofia, Belgrade, Budapest, Bratislava et Vienne, pour un total de 12 jours et onze nuits. Nous vivrons deux étapes du voyage, en Bulgarie et en Serbie.
À notre arrivée sur l’Amadeus Silver II, long 135 mètres et pouvoir héberger jusqu’à 168 passagers, on remarque une offre des espaces communs et privatifs de tout confort et de trois ponts agréables, dont un au dernier étage équipé d’une aire de jeux ainsi que de chaises longues, d’où profiter de la navigation lente sous le soleil. À l’avant du pont du deuxième étage, un salon bar s’étend, doté d’un café à l’entrée qui propose des spécialités viennoises pour une pause gourmande et d’une terrasse extérieure pour se détendre à l’abri du vent.
Une fois l’enregistrement complété, on découvre des cabines capables de rivaliser celles d’un bel d’hôtel : 16 mètres carrés occupés, entre autre, par un énorme dressing et une salle de bain avec une large douche italienne. Dans notre cas, la cerise sur le gâteau, en plus de l’accueil avec un petit panier de gâteaux et de fruits, reste la présence d’une large baie vitrée qui nous a permis de nous réveiller chaque matin avec une vue sur le Danube et ses paysages.
Les clients peuvent aussi choisir une option moins onéreuse en optant pour une des cabines du pont principal, uniquement pourvues d’une petite fenêtre haute, ou, à l’inverse, de s’offrir le luxe de l’une des 12 suites de 26,4 m² avec canapé et balcon privatif.
En fin de journée, direction Belgrade. Si le premier soir, fatigués à cause des nombreuses heures de voyage, nous nous étions laissé chouchouter par le confort de la chambre après un dîner à base de spécialités roumaines et bulgare (comme la ciorba de perisoare, une soupe avec des boulettes de viande, ou encore un donut Papanasi), le lendemain nous a réservé une belle surprise.
Alors, la croisière, c’est vraiment un truc de vieux ?
Nous n’avons presque pas eu le temps de nous isoler pour travailler un peu en terrasse, pris par le rythmes serré des rendez-vous au planning. Un couple (82 et 86 ans), rencontré l’après-midi, a la même impression que nous : « Entre les activités pendant les jours de navigation et les visites (en plus de celles incluses dans le forfait, une série d’excursions alternatives payantes est proposée, ndlr), les journées se remplissent et parfois elles deviennent presque fatigantes. »
Pour rentrer dans les détails, après un petit déjeuner sucré et salé où les gaufres faites minute se firent fureur, nous avons choisi d’oublier la conférence sur l’histoire de la Bulgarie (!) pour tester la petite salle de fitness en accès libre sur le pont principal. A midi, sur le Pont Soleil, nous avons assisté au spectacle de danses balkaniques offert par le staff de Rivages du Monde.
S’en suivit un déjeuner façon pique-nique à base de nourriture locale. Entre un morceau de mici, plat populaire de viande grillée originaire de Roumanie, et une portion de mämäligä, un porridge moldave à base de maïs jaune, en passant pour les saucisses Debrecziner, la charcuterie, les légumes marinés et les crêpes roumaines dites « Clatite ». Il est déjà 14 heures et voilà venu le moment d’admirer l’arrivée et le passage de plus d’une heure du barrage de Djerdap 1, impressionnante double écluse des “Portes de Fer”.
L’ice-cream party à 16 heures et la traversée panoramique, à partir de 18h30, d’un tronçon de la rivière où on peut observer des sculptures et des bâtiments historiques telles que la table de Trajan, la tête sculptée du roi Décébale et un petit monastère, furent les temps forts de notre après-midi.
La soirée disco au bar, juste après un dîner au menu méditerranéen, nous a enfin donné à voir le côté kitsch que peut parfois associer à une croisière. Débarqués à Belgrade le lendemain matin, où nous avons eu le temps de faire une brève visite d’une partie du centre-ville et du Palais Royal avant de se diriger à l’aéroport, voilà que notre opinion sur cette petite escapade en bateau s’était bien formée.
Verdict
Les préjugés personnels influencés par des années de campagnes publicitaires par très attrayantes remisés, le bateau de Rivages du Monde nous a démontré qu’une croisière aussi peut marier luxe et culture. Soulignons le haut niveau de soin apporté à la gastronomie, à la décoration des espaces et l’attention du staff à bord.
Depuis quelques années, les groupes du secteur ont commencé justement à lancer des nouveaux formats plus spécialisés : expédition, musique, gastronomie, randonnée, méditation, et plus encore. À ce propos, Rivages du Monde vient d’initier une nouvelle gamme dénommée Yachting, des croisières à bord de véritables yachts de 32 à 60 passagers, imaginés pour ceux qui veulent conjuguer découverte culturelle et détente, avec des arrêts baignades impromptues ou encore des balades libres lors des escales.
« Ce type de croisière, décontractée dans un cadre qui reste privilégié, attire des personnes qui souhaitent bénéficier du grand confort d’un yacht, dans une ambiance discrète qui peut être aussi festive », explique Alain Souleille, Président de Rivages du Monde. Selon lui, « il faut en finir avec les stéréotypes d’un soi-disant profil de client. Les formules de croisières sont extrêmement variées et finalement s’activent pour répondre le mieux possible aux désirs affinitaires de chacun ».
Côté écologie, n’oublions pas que la croisière demeure être l’une des typologies de vacances les moins durables. Selon l’étude « Environmental and human health impacts of cruise tourism : a review » publiée dans le Marine Pollution bulletin en septembre 2021, une nuit sur un bateau de croisière consomme 12 fois plus d’énergie qu’une nuit à l’hôtel et l’empreinte carbone de ces voyages est encore plus élevée que celle de l’avion.
Et, bien que les croisières ne représentent que 3 % du transport naval, elles produisent à elles seules un quart des déchets. Des efforts sont en revanche mis en œuvre du côté des compagnies afin d’adapter leur proposition vers une transition verte du secteur. « L’enjeu n’est pas d’éliminer les émissions de gaz à effet de serre, mais de limiter au maximum et de compenser volontairement ce qui ne peut pas être complètement éliminé », affirme Alain Souleille.
Pour atteindre ces objectifs, il faudra mettre en place une série de stratégies : le développement de la technologie des moteurs et propulseurs, le branchement des bateaux à quai sur des bornes électriques (lorsqu’il y en a) afin de ne pas utiliser les générateurs ou encore le retraitement systématique des eaux usées. « Chez nous, ces bonnes pratiques sont adoptées, tout comme la compensation de l’impact environnemental à hauteur de 110 % via le financement d’un projet de construction d’éoliennes en Inde, un pays dépendant encore largement du charbon pour la production d’électricité », souligne le président de Rivages du Monde.
L.P.
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