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Interview rencontre avec Valérie Plante mairesse de Montréal - the good life
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The Good Business

Interview : rencontre avec Valérie Plante, mairesse de Montréal

The Good Business

Au moment de son accession à la mairie de Montréal, en novembre 2017, Valérie Plante n’avait que quatre années de politique et un mandat de conseillère municipale à son actif. Mais sa force, elle la puisait ailleurs : dans ses engagements contre les inégalités sociales et les violences faites aux femmes, sa soif de justice, son parler-vrai et le renouveau qu’elle incarnait. Généreuse, hyperactive, Valérie Plante joue la carte du social et de la transition écologique. À l’échelle de l’Amérique du Nord, elle détonne. Et même si ses positions tranchées la rendent clivante, force est de constater qu’un truc opère : les Montréalais l’ont très largement réélue fin 2021.

« L’homme de la situation. » C’était, en 2017, son premier slogan de campagne. Une pointe d’ironie, un poil de provocation, dans un milieu où l’humour est très rarement convié. Un naturel, une spontanéité que Valérie Plante, la « mairesse » de Montréal, n’a jamais perdus.

Dans un hôtel de ville provisoire, calme et quasi désert, voisin du bâtiment officiel qui, depuis deux ans, est en rénovation, Valérie Plante nous reçoit sans cérémonial autour d’une petite table ronde, délaissant le grand bureau formel qu’elle n’utilise jamais, nous dit-elle.

Une décontraction qui est à son image. Enthousiaste, animée, l’édile de 48 ans a l’éclat de rire facile, un trait de caractère qui est sa marque et aussi une cible pour ses adversaires. Arme ou armure ? Parodiée par les humoristes, critiquée par la presse, raillée par des opposants qui, au sein même de son parti, affirment que la mairesse ne partage pas son pouvoir. Peu lui importe, c’est avec des convictions fortes et des promesses claires qu’elle s’est fait élire et réélire.

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Avec un programme axé sur le logement, la mobilité et l’inclusion, et en affirmant que c’est justement en tapant du poing sur la table et sans plaire à tout le monde que les choses avancent. Une politicienne certes devenue de plus en plus aguerrie, mais d’un nouveau genre, dans cette ville que plus aucune femme n’avait dirigée depuis sa création, il y a près de quatre siècles, par la pionnière française Jeanne Mance.

L’interview The Good Life de Valérie Plante, mairesse de Montréal :

The Good Life : Montréal a été l’épicentre de la crise de Covid‑19 dans le pays. Comment la ville a-t-elle vécu la pandémie et comment s’en relève-t-elle ?
Valérie Plante : Au tout début de la pandémie, Montréal s’est retrouvée avec le titre malheureux de « ville épicentre de la pandémie au pays », et ça nous a beaucoup troublés. Ici comme dans toutes les villes du monde, nous avons suivi les règles sanitaires établies par les gouvernements supérieurs. Mais ce qui a été fabuleux, c’est qu’il y a eu une grande résilience, une grande mobilisation de la population. J’ai beaucoup travaillé avec le milieu économique, si bien qu’au mois de mai 2021, un an plus tard, Montréal était la ville avec la meilleure balance commerciale du pays, et la deuxième en Amérique du Nord avec la meilleure relance économique. Nous nous sommes serré les coudes et je pense que l’écosystème culturel, économique, philanthropique et politique de Montréal est l’une des forces de la ville. Ici, on est tissé serré et ça nous permet de rester en action.

La ville a-t-elle besoin de nouveaux arrivants, d’une nouvelle main-d’œuvre, et si oui comment l’attirer ?
Montréal a besoin de gens qui viennent étudier, travailler, investir. C’est évident pour plein de raisons : enjeux démographiques, population vieillissante et moins de jeunes pour prendre la relève. Montréal est la terre d’accueil de presque 75 % des nouveaux arrivants au Québec. Et là, tout à coup, avec la pandémie, presque plus personne. Même chose pour les étudiants qui suivent maintenant leurs études à distance. Comme ailleurs dans le monde, ici, nous avons vu des habitants de la ville partir en région et, en travaillant à la maison, réorganiser leur vie. On considère cependant que la tendance ne devrait pas se maintenir, même s’il faut en tenir compte. Pour attirer une nouvelle population, Montréal a pour elle sa qualité de vie. C’est une ville à échelle humaine, avec des quartiers forts et vivants, et un sentiment de sécurité. C’est de ce dynamisme, de ce milieu tissé serré que je parlais. Je dirais donc que Montréal possède les qualités d’une grande ville, mais à plus petite échelle.

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Montréal est une place forte en matière d’emplois dans le secteur des hautes technologies. Mais à l’heure du télétravail répandu et d’une concurrence féroce d’autres métropoles nord-américaines, comment comptez-vous conserver votre attractivité ?
Là encore, les chiffres démontrent qu’on n’a pas vraiment perdu d’attractivité, contrairement à d’autres villes en Amérique du Nord. On a un nombre d’investissements étrangers directs à peu près similaire à celui d’avant la crise. Ça veut dire que la formule Montréal marche : qualité de vie, soutien financier provincial pour les entreprises étrangères, mesures fiscales… mais aussi de l’habitation abordable. C’est intéressant pour de grandes entreprises de savoir que leurs employés qui viennent avec leur famille peuvent se loger dans la ville, sans avoir à habiter dans la huitième couronne ! Qu’ils ont accès à du transport collectif à un coût qui, somme toute, est abordable pour une grande ville. Tous ces éléments font que Montréal, encore aujourd’hui, demeure la ville la plus attractive du pays. On le sent parce que la construction ne s’est pas arrêtée. Mais ça ne veut pas dire que nous pouvons nous endormir sur nos lauriers ! Au contraire, c’est pour ça que nous devons travailler sur l’habitation, le transport et l’environnement.

Montréal représente un modèle fort de multiculturalisme propre au Canada. C’est d’ailleurs très prégnant dans votre communication sur Twitter. Quels sont, cependant, les problèmes d’inclusion des nouveaux immigrants, et comment les résoudre ?
Montréal, terre d’accueil, est une ville qui s’est construite au fil du temps avec différents mouvements migratoires. C’est très fort dans notre identité et il faut en prendre soin. Nos communications sont toujours axées sur l’inclusion, la solidarité. Cela étant dit, oui, il existe des problématiques de discrimination au Québec et à Montréal. C’est important d’en parler, de trouver des solutions. J’ai décidé, il y a deux ans, de créer un bureau qui lutte contre le racisme et les discriminations systémiques. Avec à sa tête une commissaire qui travaille, par exemple, avec la police de Montréal, le service de transport collectif de la Ville de Montréal et aussi la Ville. Il s’agit, dans un premier temps, de répertorier les barrières systémiques liées à une personne racisée, à un nouvel arrivant ou encore à une personne qui a une identité de genre différente. On est une société où ça va bien, qui est, je dirais égalitaire, mais où il y a encore des choses à améliorer, et on va mettre en place des outils pour le faire. On s’est rendu compte, par exemple, qu’il y a peu de cadres issus des communautés culturelles ou racisées. Pourquoi ? C’est toute une réflexion qui est en marche à la Ville de Montréal pour être plus accessible et inclusif. Mais je vous dirais que les gens étaient prêts et que cette démarche est très bien reçue. Elle peut mener vers des actions très concrètes, comme la représentation politique dans la fonction publique, comme la question de la sécurité et la façon de concevoir certains aménagements. On a vraiment une réflexion globale.

Le sujet du logement a été un élément clé de votre campagne. Des condos poussent partout dans la ville, mais quels sont les manques et les défis à relever ?
Si on ne fait pas attention, un seul type de personnes aura le droit d’habiter la cité. Nous avons mis en place, et j’en suis très fière, un outil pour qu’il y ait à la fois des logements de luxe, des condos moyenne gamme, mais aussi des logements abordables et sociaux. L’idée est de remettre en question le rapport des promoteurs face aux besoins de logements. Leur objectif est de construire des logements et idéalement de les vendre le plus cher possible. Eh bien, nous avons décidé de changer cette règle. On oblige maintenant, avec un règlement, une loi, qu’un promoteur qui construit une tour de condos y inclue 20 % de logements abordables et 20 % de logements sociaux. De plus, sur l’ensemble des unités, il doit aussi y avoir 20 % de logements de grande taille, avec trois chambres et plus. On a décidé d’inclure les promoteurs dans la réflexion, avec, évidemment, l’aide du gouvernement du Québec. Je ne vous cacherai pas que c’est une petite révolution, parce qu’il n’y avait, avant, aucune obligation. La Ville aussi s’engage davantage. Avec l’argent des contribuables, nous achetons des terrains, nous prêtons à différents organismes qui font du logement social et abordable. Traditionnellement, l’habitation était une compétence du gouvernement du Québec, mais nous nous sommes dit que si nous ne nous impliquions pas, nous n’y arriverions pas. Qu’il ne sera pas possible pour mes enfants, si la bulle spéculative continue, d’habiter à Montréal dans cinq, dix ou vingt ans. Ce qu’on veut, ce sont des quartiers avec des riches et des moins riches, des personnes âgées, des jeunes familles, des artistes… On veut de la mixité.

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« Il faut savoir s’imposer, même si ça dérange. »

Autre sujet central de vos campagnes, la mobilité, avec la volonté de réduire l’usage de la voiture, de développer les transports en commun et d’agrandir le réseau de pistes cyclables. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Je vous dirai comme pour les autres sujets : « s’il n’y avait pas eu le Covid… » Mais quand même, nous avançons depuis le début de notre premier mandat. Au niveau du transport collectif, une nouvelle ligne de métro est sur le point de se concrétiser. Nous avons un premier train électrique, le Réseau express métropolitain (REM) qui s’en vient, et nous travaillons sur son extension vers l’ouest. On a aussi acheté 300 autobus, parce que la stratégie en surface doit être complémentaire du réseau souterrain. Honnêtement, ça bouge bien. Sinon, avec le vélo, nous sommes contents. C’était dans notre première plate-forme électorale de faire le Réseau express vélo, ce qu’on appelle des autoroutes à vélos. C’est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre, parce que nous avons utilisé une grande artère, la rue Saint-Denis. C’était une rue marchande un peu moribonde, qui traverse la ville du nord au sud. Après deux ans de planification, et en pleine pandémie, nous l’avons construite. Les gens hurlaient, disaient que ça allait tuer le commerce. Mais finalement, non. Il y a maintenant des magasins qui ouvrent, d’autres qui veulent s’y installer. Et, très rapidement, cette piste cyclable est devenue la plus achalandée de la ville. Ça démontre que, parfois, il faut savoir s’imposer, même si ça dérange.

En même temps, vous êtes dans un pays où la voiture demeure un objet de mythologie personnelle, dont la valeur de refuge a été renforcée par les risques sanitaires.
Absolument. La voiture est devenue un refuge au détriment du transport en commun. Nous étions sur une lancée incroyable et nous avons dû un peu rétropédaler. Mais nous ne pouvons pas abandonner, et c’est pour ça que je vais continuer de faire des aménagements pour les cyclistes et du transport collectif. Continuer de transformer des stationnements en espaces verts ou encore créer une zone « zéro émission » dans le centre-ville. La planète nous le demande, elle le crie. Il faut faire des efforts, et je pense que c’est souvent au niveau des villes qu’on est capable de montrer qu’avec de l’ambition, avec des exemples très concrets, on arrive à changer les comportements. Comme avec la piste cyclable sur Saint-Denis ! Rappelons qu’à Montréal il fait parfois – 30 °C et qu’il y a beaucoup de neige. Ça ne deviendra jamais le modèle de transport numéro un, mais il n’en demeure pas moins qu’il y a eu une augmentation marquée du transport à vélo l’hiver. Oui, c’est possible, parce que cette piste cyclable est déneigée, déglacée et sécuritaire. Quand on fait de vrais aménagements, on se rend compte que monsieur et madame Tout-le-monde, alors qu’ils avaient peur d’aller à vélo, se sentent maintenant interpellés et en sécurité.

Ces dernières années, Montréal a été touchée par le réchauffement climatique, avec des inondations et des canicules. Quels sont vos autres leviers pour lutter contre ces changements catastrophiques ?
Montréal est une île. Nous n’avons certes pas de menace de tsunami, mais les risques d’inondations et l’érosion des berges sont des problèmes importants. Préserver les espaces verts est donc essentiel. Nous nous sommes engagés dans une stratégie de création de grands parcs avec l’achat de terrains. Ça ne plaît pas aux promoteurs immobiliers qui les convoitent généralement aussi, mais il est de notre devoir de les préserver. C’est un legs pour les générations futures ! Nous avons aussi mis en place des politiques de transports collectifs, de collectes des déchets, de réduction des émissions avec des normes énergétiques strictes, mais la résilience écologique n’est pas un exercice facile. Tout le monde est évidemment d’accord pour réduire son empreinte, mais, dans les faits, il faut parfois y aller un peu avec la carotte et le bâton. Ça demande donc d’être très proactif et, surtout, d’inclure les gens dans la démarche, en les consultant. Nous avons aussi décidé la création de cette zone « zéro émission » dans le centre de Montréal et la plantation de 500 000 arbres d’ici à 2030. Ça existe déjà en Europe, mais à l’échelle du Canada et même de l’Amérique du Nord, c’est inédit, et on espère bien montrer l’exemple.

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Qu’est-ce qui, dans votre parcours, a déclenché cette envie d’une carrière politique ?
Je n’avais jamais rêvé d’être mairesse ou politicienne. Mais j’ai toujours été une femme très engagée dans la société civile, dans différents organismes de défense de droits et pour différentes causes. Et un jour, je me suis dit que, peut-être, je devrais aller dans le ventre du dragon – la politique –, que je pourrais y amener mes valeurs de justice sociale. Je suis une féministe. L’égalité des chances, l’abattement des barrières systémiques, la réflexion critique sur les discriminations sont des questions fondamentales qui m’ont toujours habitée. C’est ce qui m’a poussée à me lancer en politique, mais sans forcer, en trouvant ma place parce que j’avais été élue. Puis je suis devenue cheffe de mon parti et j’ai été élue mairesse. J’ai franchi de grosses marches en peu de temps, mais j’étais juste motivée, avec le sentiment profond que ces valeurs que je défends étaient nécessaires en ce moment.

Parcours

• 14 juin 1974 : naissance à Rouyn‑Noranda, au Québec.
• 1989 : à 15 ans, part seule à North Bay, en Ontario, pour apprendre l’anglais.
• 1994 : arrivée à Montréal pour ses études.
• 2001 : déjà diplômée en anthropologie et titulaire d’un certificat d’intervention en milieu multiethnique, elle décroche une maîtrise en muséologie à la faculté des arts et des sciences de l’université de Montréal.
• 2004 : devient directrice du réseau national de la fondation Filles d’action, qui propose des programmes d’éducation et des ressources aux jeunes femmes.
• Novembre 2013 : première campagne politique. Élue conseillère municipale du district Sainte‑Marie, sous la bannière du parti Projet Montréal.
• Décembre 2016 : élue à la direction de Projet Montréal, elle obtient le ticket pour briguer la mairie de Montréal.
• 5 novembre 2017 : crée la surprise en étant élue mairesse de Montréal face au sortant, Denis Coderre (élu en 2013), en misant sur le transport et le logement.
• 7 novembre 2021 : réélection triomphante pour un second mandat, avec une avance de 14 points sur son rival.

Vos valeurs justement, votre volonté d’inclusion, vous ont d’ailleurs parfois valu de rudes critiques. Comment gérez- vous cela ?
Je crois fondamentalement dans ce que je fais. Je suis aussi la cheffe d’un parti, Projet Montréal, qui existe depuis plus de quinze ans et qui partage des valeurs très similaires. Donc, même si la mission de mairesse est parfois difficile, je sais que je suis soutenue par tout un parti à la réputation solide. Et l’histoire va dans notre sens. Aux dernières élections, beaucoup plus de femmes ont été élues au Québec, et aussi, beaucoup de partis ont commencé à utiliser des vocables qui n’étaient pas présents sur la scène municipale il y a dix ans : « la ville à échelle humaine », « la résilience écologique », « la bienveillance », « l’équité sociale » …

En 2017, pour la campagne de votre premier mandat, vous aviez ce slogan assez provocateur : « Valérie Plante, l’homme de la situation ». Quelle était l’idée de ce pied de nez, vous qui avez trente années de lutte féministe derrière vous ?
Quand je me lance dans l’arène, j’enfile mes gants de boxe, et je suis prête au combat. J’ai un peu ce côté provocateur. Peut-être parce que je suis une féministe assumée, j’adorais cette idée irrévérencieuse de m’emparer de cette expression très sexiste qui veut qu’une personne compétente, à qui l’on fait confiance, soit forcément « l’homme de la situation ». Ça me faisait beaucoup rire, mais lorsque c’est sorti, beaucoup de mes amies féministes m’ont dit : « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Mais voyons donc ! » Et il a fallu un peu expliquer l’idée derrière. Et puis, j’avais envie de brasser les choses en sachant très bien dans quoi je m’embarquais. En entrant en politique, on sent tout de suite qu’on est une femme dans un milieu d’hommes. Et ce n’est pas une histoire d’hommes qui ne seraient pas gentils ou quoi ; c’est un système avec des codes, des règles où, lorsqu’on est une femme, une personne racisée, ou une personne qui ne fait pas dans les critères de base, clairement, il y a un décalage.

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Quelle est votre vision de la place de Montréal au sein des métropoles canadiennes et nord-américaines ?
Quand je suis entrée en poste en 2017, j’ai tout de suite voulu que Montréal se démarque comme la métropole de la résilience et de la transition écologiques au Canada et même en Amérique du Nord. On a pris deux ans pour mettre en place un plan climat hyperambitieux. La force de mon plan – et ça peut avoir l’air anodin –, c’est de l’avoir fait avec des experts de l’environnement, évidemment, mais aussi avec le milieu des affaires, autrement dit des gens qui donnent souvent l’impression de mettre l’environnement et le développement économique en opposition. Nous voulons réduire les gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 et devenir carboneutres d’ici à vingt-cinq ans. C’est un plan ambitieux et audacieux qui a été salué par de nombreuses villes appartenant au C40 Cities Climate Leadership Group, dont Montréal fait partie. Ce réseau repose sur l’idée que les villes sont sur la ligne de front en matière de transition écologique et de changement climatique. Comme notre plan résonne, on nous sollicite beaucoup pour raconter comment nous avons procédé. Et sur l’habitation, là aussi, de nombreuses villes nous appellent pour savoir comment fonctionne notre règlement. Montréal est la seule grande ville du pays qui demeure abordable. Je ne veux surtout pas devenir Toronto ou Vancouver. D’où l’importance d’agir. Et puis, tout ce qui touche à la mobilité douce est vraiment important. Les gens adorent m’associer au vélo, et ça me fait plaisir, car avec le vélo viennent les piétons, et je pense notamment aux aînés. Nous avons, par exemple, mis en place des dispositifs de minutages avec plus de temps de traverse. Ce sont des gestes simples, mais ils changent la vie de ceux qui marchent et qui pédalent.

Montréal en chiffres

• 2 025 928 : le nombre d’habitants en 2021.
• 365 km2 : la superficie de la ville, étalée sur 19 arrondissements.
• 2,25 % : la diminution de la population sur la période 2020‑2021.
• 6,9 % : le taux de chômage.
• 19,4 millions : le nombre de voyageurs annuels à l’aéroport Montréal‑Trudeau, prépandémie.
• 50-50 : Projet Montréal, piloté par Valérie Plante, est le seul parti à présenter une équipe paritaire à tous les postes. • 60 000 : le nombre de logements abordables que Valérie Plante promet de construire dans les prochaines années. Coût de la manœuvre en achat de terrains préemptés : 800 M $ CA sur dix ans.
• 1 milliard : l’investissement en dollars canadiens prévu sur dix ans par Valérie Plante pour permettre à Montréal de réduire ses émissions de gaz à effets de serre de 55 % d’ici à 2030 et de rendre la métropole neutre en émissions carbone d’ici à 2050.

On comprend que ce sont les réalisations qui vous rendent fière. Mais y a-t-il des choses dont vous êtes insatisfaite aussi ?
Ah ! ça, c’est sûr ! Le Covid aura évidemment été la plus grande insatisfaction de mon premier mandat ! Mais, oui, il y a des projets qui n’avancent pas assez rapidement. Je suis très attachée aux grands parcs pour des raisons environnementales, mais aussi parce qu’ils font partie de la qualité de vie des Montréalais. Ils sont un peu comme leur cour arrière. On avait des projets pour ce joyau qu’est le mont Royal, mais on n’a pas encore réussi à les mettre en place. Et je ne vous cacherai pas qu’il y a les transports collectifs. Comme je ne suis pas maître d’œuvre et que je ne contrôle pas les budgets, j’ai l’impression de devoir chaque fois prendre mon bâton de pèlerine pour aller chercher des financements. Il faut savoir qu’il n’y a pas eu d’investissements dans une station de métro sur l’île de Montréal depuis vingt-cinq ans, alors que dans des villes de même taille – je pense à Barcelone, par exemple – ça se fait au fur et à mesure. Je suis allée visiter le chantier du Grand Paris Express et, franchement, je suis verte de jalousie ! C’est difficile pour moi de devoir attendre après les autres pour le transport. Et en l’absence d’options viables, je peux difficilement demander aux gens de laisser leur char [« voiture », NDLR] à la maison.

Cela fait trente ans que vous vivez à Montréal. Qu’est-ce qui a changé depuis votre installation ?
Le prix des loyers ! Quand je suis arrivée, on disait que le bon prix pour un appartement, c’était 100 dollars par pièce [70 euros, NDLR]. Là, trente ans plus tard, on n’est plus du tout dans cette échelle, et ça me fait de la peine. Mais du côté positif, Montréal est tellement plus agréable à pied et à vélo. Il y a plus de verdure, plus de parcs. J’adore comment les gens, désormais, parlent de leurs parcs. Et avec le Covid, les Montréalais ont encore plus réalisé à quel point ces parcs sont précieux pour aller faire du ski, prendre l’air, etc. Et ça, c’est beau. Il y a vingt ans, je ne suis pas franchement sûre qu’on m’aurait laissée utiliser des centaines de millions pour investir dans le grand parc de l’Ouest et acheter des terrains verts. J’étais un peu stressée, mais, en fait, les gens ont été hyperfiers que je préserve ces espaces et heureux de se dire que ça allait rester aux Montréalais pour toujours.

Et le Montréal de 2030-2035, celui que vous laisserez notamment à vos enfants, comment le voyez-vous ?
Encore plus vert. Par de grandes opérations, mais aussi par des petites. À Montréal, les rues étaient très larges, bétonnées, et les véhicules pouvaient stationner jusqu’à la bordure des trottoirs, ce qui créait un sentiment d’insécurité pour les piétons. Avec Projet Montréal, mon parti, nous avons décidé de créer des saillies de trottoirs partout. Non seulement, ça instaure de la sécurité, car les piétons sont protégés et plus visibles, mais en plus, nous les avons végétalisées, de telle sorte qu’en été c’est magnifique. Voilà l’exemple de ces petites opérations qui sont simples, ne coûtent pas très cher – c’est environ 40 000 dollars par saillies [27 500 euros, NDLR] – et qui changent tout ! À Paris, vous avez plus de petites rues, c’est peut-être moins dangereux, mais, voyez-vous, j’étais à Copenhague récemment, c’était plein de grandes rues et ça manquait de saillies et de verdure. Et puis, le Montréal de 2030 devra être plus diversifié au niveau des logements, car si j’ai une offre diversifiée en matière de coûts, cela veut dire que j’aurai des jeunes, des vieux, des enfants, de nouveaux arrivants et plein de classes sociales. Et, c’est le plus important. Enfin, au niveau du transport, j’espère qu’on aura enfin ma ligne rose [ce projet de nouvelle ligne pour le métro de Montréal a été l’un des engagements phares du programme électoral de Valérie Plante en 2017, NDLR]. Je suis redondante avec ce sujet, mais je suis contente, cette ligne est dans le cahier du gouvernement !

Vous sentez-vous écoutée ?
Oui ! Vous savez, il n’y a rien de plus magique pour un politicien, pour une mairesse, pour un élu, que de se sentir au diapason avec sa population. Pendant mon premier mandat, ça a été difficile, j’ai souvent senti que les gens étaient fâchés parce que je les bousculais, mais je crois qu’ils savent qu’on doit poser des gestes qui bousculent vraiment, notamment du point de vue environnemental. Après, il y a aussi la manière de le faire. Et ça, on l’apprend avec l’expérience. Et là, mon baluchon, il en est bien rempli pour ce second mandat.

montreal.ca


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