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Interview 3 questions à Carlos Moedas maire de Lisbonne - the good life
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The Good Business

Interview : 3 questions à Carlos Moedas, maire de Lisbonne

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En septembre dernier, Carlos Moedas a été élu maire de Lisbonne à la surprise générale. Auparavant ingénieur, économiste, financier, commissaire européen, député, entrepreneur et secrétaire d’État, ce nouvel édile, fier d’être un « modéré », a multiplié les initiatives pour soutenir l’économie durant la pandémie. Ses grandes ambitions : rétablir la mixité sociale dans tous les quartiers de la capitale portugaise, et faire de Lisbonne un centre d’innovation qui compte en Europe. Pour réussir, il mise sur la participation des citoyens à ses projets… qu’il détaille à The Good Life dans un entretien exclusif.

Depuis le début du millénaire, malgré sa position excentrée, Lisbonne est l’une des capitales européennes les plus visitées, et elle attire des dizaines de milliers d’étrangers qui s’y sont installés. La ville s’est métamorphosée, remplaçant ses gîtes traditionnels par des boutique-hôtels, s’ouvrant à la mode et au design, créant une myriade de start-up qui emploient des milliers de Lisboètes. Mais la dépendance au tourisme y a aggravé les conséquences de la pandémie. Élu en septembre dernier, le maire Carlos Moedas trouve là son premier gros chantier.

Cet ancien financier de Goldman Sachs et ancien commissaire européen à la Recherche, à l’Innovation et à la Science, qui a vécu à Paris (où il a rencontré sa femme, française), Boston, Londres et Bruxelles avant de revenir à Lisbonne, s’efforce avant tout d’atténuer le choc subi par les entrepreneurs et les salariés.

Mais il veut aussi projeter sa ville vers le futur, en transformant les transports, en construisant un nouvel aéroport, en réalisant un incubateur géant pour les start-up et en recréant des quartiers où la mixité sociale est la norme. Sa méthode : consulter les habitants, et les entraîner à prendre avec lui les décisions qui les concernent. Posé et confiant, il a reçu The Good Life dans la grande salle d’apparat de la mairie – au balcon de laquelle fut proclamée la République portugaise, le 5 octobre 1910 –, pour un entretien (dans un français impeccable) en forme de manifeste pour Lisbonne.

Interview 3 questions à Carlos Moedas maire de Lisbonne - the good life

L’interview The Good Life de Carlos Moedas, maire de Lisbonne :

The Good Life : La gestion de la pandémie de Covid-19 a été plutôt réussie au Portugal. Quelle est aujourd’hui la situation à Lisbonne, sur le plan sanitaire et sur le front de l’économie ?
Carlos Moedas :
Les Portugais sont un peuple massivement provaccin, et les Lisboètes encore plus, ce qui fait de nous un exemple unique en Europe. Mon mot d’ordre reste « tester et vacciner », pour éviter une nouvelle fermeture de l’économie. J’ai ouvert un grand centre qui vaccine entre 5 000 et 6 000 personnes par jour contre le Covid‑19 et la grippe. Même si la pandémie se transforme actuellement en endémie – c’est-à-dire que nous allons vivre en permanence avec le virus –, je suis optimiste : on pourra maintenir l’activité des commerces et restaurants, ce qui est essentiel pour Lisbonne. Par ailleurs, avec les maires d’arrondissements, nous avons soutenu les gens qui ont perdu leur emploi – souvent précaire ou informel – en leur fournissant de l’alimentation et de l’argent. Et je vais lancer un programme pour aider les petites entreprises qui ont fait faillite à se réinventer. Il reste beaucoup à faire pour remonter la pente après cet énorme trou d’air économique…

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Le tourisme est un secteur crucial pour la santé économique de Lisbonne. Comment le redresser et le faire évoluer ?
Le tourisme représente 27 % de la richesse de Lisbonne, et sa croissance atteignait 10 % par an de 2013 à 2019. Alors que le nombre de visiteurs a diminué depuis la pandémie, je souhaite faire évoluer l’offre : notre succès comme destination de week-end ou de très court « break » doit être conforté par des investissements visant à rallonger le temps de séjour des visiteurs. Aujourd’hui, ils vont tous dans les mêmes endroits : la Baixa, le Chiado, Belém… Il nous faut trouver d’autres centres d’intérêt, tel que le quartier de Marvila, déjà fréquenté par les touristes français à la recherche d’authenticité, ou le Parque Mayer, dont les jardins et attractions seraient revitalisés. D’autres quartiers pourraient développer des thématiques artistiques ou musicales. J’ai aussi l’intention de construire un centre de congrès plus vaste, pour développer le tourisme d’affaires. Je fais l’hypothèse que la pandémie n’arrêtera pas le besoin de contacts physiques. En novembre dernier, l’édition 2021 du Web Summit, qui se tient chaque année à Lisbonne, a ainsi rassemblé 20 000 personnes qui avaient envie de se voir pour échanger sur l’avenir de la high-tech.

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Un nouvel aéroport

En mars dernier, le régulateur de l’aviation portugaise a rejeté le projet soumis par ANA (une filiale de Vinci) pour la construction du nouvel aéroport de Lisbonne-Montijo, en citant l’opposition de certaines communes et des préoccupations concernant l’environnement. Cet aéroport, depuis longtemps dans les cartons, reste-t-il nécessaire ? Et sera-t-il un jour inauguré ?
Oui et oui, absolument oui ! C’est une infrastructure cruciale, car 95 % des touristes arrivent à Lisbonne en avion. J’ai promis aux électeurs de faire le forcing pour réaliser ce nouvel aéroport, et dit au Premier ministre qu’il fallait avancer très vite. L’étude d’impact sur l’environnement est en cours, et elle va envisager deux solutions, l’une à Montijo, l’autre à Alcochete. Ensuite, il faudra décider, car cela fait plus de vingt ans que l’on parle en vain. Durant l’été 2019, l’aéroport Humberto Delgado était totalement saturé, sans aucun créneau libre. Des vols de nuit ont alors considérablement gêné la population. Une fois le nouvel aéroport inauguré, j’espère qu’on transformera Humberto Delgado en un petit « city airport » pour hommes d’affaires, comme à Londres.

Retrouvez la suite de l’interview de Carlos Moedas, dans le N°52 de The Good Life, disponible ici.


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