×
Redécouvrir Tokyo sous l’angle cinématographique peut construire un véritable voyage dans le voyage. TGL vous en dit plus sur son périple, Japon, 2023 - The Good Life
Redécouvrir Tokyo sous l’angle cinématographique peut construire un véritable voyage dans le voyage. TGL vous en dit plus sur son périple.
Marine Mimouni

Voyage

Voyage : Tokyo, la capitale cinématographique

Voyage

Si la capitale du Japon nous frappe par ses images, celles-ci peuvent se mettre à bouger, créer un film imaginaire empruntant sans vergogne dans nos souvenirs. Faut‑il encore se déplacer, rejoindre l’Orient dans son extrême et faire de soi‑même vibrer la ville…

Ⓒ Hal Kuzuya.
Ⓒ Hal Kuzuya.

Ce film est logé quelque part. Mais nous sommes devenus amnésiques tant le déluge d’images, de sons, de séries bouleverse notre champ mémoriel. Nous y parvenons cependant dans nos récits personnels : là où j’ai appris la mort de Prince, là où je t’ai rencontré(e). Ainsi, redécouvrir Tokyo sous l’angle cinématographique peut construire un véritable voyage dans le voyage. Et s’il en est des plus beaux, ce pourrait bien être celui-ci… 


À lire aussi : 7 restaurants à ne pas rater à Tokyo


Le fameux carrefour de Shibuya, au cœur du quartier bouillonnant du même nom, a servi de lieu de tournage à un grand nombre de films emblématiques.
Le fameux carrefour de Shibuya, au cœur du quartier bouillonnant du même nom, a servi de lieu de tournage à un grand nombre de films emblématiques. Hal Kuzuya

Ne bougez surtout pas. Devant la façade de l’Imperial Hotel, attendez quelques secondes avant de vous y engouffrer. C’est ici qu’Alain Resnais s’installa, le 14 août 1958. Il y prépara l’admirable Hiroshima mon amour, témoignage fascinant d’un Japon s’inscrivant pour l’une des premières fois sur la pellicule depuis le ravage nucléaire.

« Ici, le temps est une rivière qui ne coule que la nuit »

C’est ici aussi que Samuel Fuller tourne quelques séquences de La Maison de bambou (1968). C’est le Tokyo encore brinquebalant, celui-là presque du Chien enragé, d’Akira -Kurosawa (1949). Le noir et blanc nous brouille le regard. Il nous ralentit dans nos mouvements comme pour mieux entrer dans le Voyage à Tokyo, de Yasujirô Ozu (1953) où un vieux couple est ballotté dans un Tokyo renaissant. « Ma chérie, lâche placidement le vieil homme, ce n’est tout de même pas mal, Tokyo. » 

Vue plongeante sur la vie nocturne et incessante du quartier des affaires depuis le bar de l’hôtel Park Hyatt Tokyo, devenu lieu culte grâce à son rôle quasiment principal dans Lost in Translation. Sofia Coppola y maîtrise l’art d’observer d’en haut la mégapole japonaise.
Vue plongeante sur la vie nocturne et incessante du quartier des affaires depuis le bar de l’hôtel Park Hyatt Tokyo, devenu lieu culte grâce à son rôle quasiment principal dans Lost in Translation. Sofia Coppola y maîtrise l’art d’observer d’en haut la mégapole japonaise. Hal Kuzuya

Ne résistez pas, cependant, à l’envie de pousser plus loin en rejoignant le quartier de Golden Gai, celui des plaisirs, des petits bars de nuit. Ils sont si étroits qu’on en grimpe les escaliers de biais. Cette femme devant vous ou cet homme au bar pourraient être ceux de Quand une femme monte l’escalier, de Mikio Naruse (1960).

Où séjourner à Tokyo ?

Imperial Hotel

Avant sa reconstruction annoncée pour 2025, il faut profiter de toute une époque qui va nous être soustraite. Climat presque provincial à l’ancienne, sans aucune épate, mais avec une élégance et une hospitalité inimitable. Grande table dirigée par Thierry Voisin, ex‑3‑étoiles aux Crayères de Gérard Boyer, à Reims.

> imperialhotel.co.jp

Ritz Carlton

Dominant la ville du haut de ses 45 étages, et donnant, par temps clair, sur le mont Fuji, c’est l’une des hôtelleries de luxe les plus réussies, galvanisant une clientèle constituée des grands de ce monde. Nombreux restaurants ayant pour chef Sandro Gamba.

> ritzcarlton.com

Hoshinoya

Dans l’univers de l’hôtellerie, voici l’un des fleurons les plus discrets (62 hôtels, 4 000 employés) et pour cause, cet hôtel délivre de l’hospitalité japonaise, dans sa définition des plus raffinées, humbles et bienveillantes. Parfois, dans le hall, une joueuse de shamisen étire et pince le temps. Il va chercher très loin dans la gamme de ce que nous ne parvenons pas à exprimer. Les chambres participent du même esprit, délivrant une atmosphère rare, élégante. Ne surtout pas oublier de profiter des onsens perchés sur les toits, avec le ciel en direct, ni de la cuisine épurée, diablement bonne.

> hoshinoya.com

All Day Place

Pratique, idéalement situé dans le quartier de Shibuya, ce 4‑étoiles dispose de chambres efficaces, fonctionnelles, petites à l’occasion, mais abordables.

> uds-hotels.com/en/all-day-place


À lire aussi : Hôtel K5, un nouveau cocon design au cœur de Tokyo


Ⓒ Hal Kuzuya.
Ⓒ Hal Kuzuya.

Cet escalier clandestin sera donc le vôtre pendant un séjour qui pourrait presque tourner à la défenestration de soi en son propre intérieur. Golden Gai, c’est aussi le mythique Sans soleil, de Chris Marker (1983), et sa Valse triste, de Sibelius, traitée par le compositeur Isao Tomita. Dès les premières images, ces vers de T. S. Eliot : « Parce que je sais que le temps est toujours le temps et le lieu est toujours le seul lieu. »

Il y a donc ici, en hommage au cinéaste, ce bar nommé La Jetée. S’y pressent des noms que vous avez pu voir s’inscrire sur les écrans : Quentin Tarentino, Wim Wenders, Francis Ford Coppola, sa fille Sofia… Cette dernière fit un peu comme nous le ferons immanquablement. Se perdre non seulement dans la traduction, mais aussi dans la ville. Car on n’y marche pas ni ne flâne. On y erre, sans repères. Pas de plans intelligibles, pas de numérotation logique, même les applications perdent la boussole.

Ⓒ Hal Kuzuya.
Ⓒ Hal Kuzuya.

Vous pensiez être arrivé à votre destination ? No way ! La recherche ne fait que commencer. Du reste, Tokyo fera tout pour vous brouiller la mémoire. Elle n’a de cesse de démolir, détruire, pour mieux reconstruire. Ainsi vola en éclat l’admirable hôtel Okura. L’Imperial Hotel fit de même avec le chef-d’œuvre architectural de Frank Lloyd Wright.


À lire aussi : Ces trois spécialités japonaises méconnues débarquent à Paris


Celui-ci, un dingue du Japon, imagina sa structure sur pilotis en voyant un livreur de sushis à bicyclette tenant son plateau en l’air du bout des doigts. Le bâtiment fut l’un des seuls à résister au terrible tremblement de terre de 1923. Sans état d’âme, il fut rasé en 1968, comme le sera l’actuel avec une « renaissance » (nous y voilà) prévue en 2025. 

Ⓒ Hal Kuzuya.
Ⓒ Hal Kuzuya.

Essayez donc de bien fixer ces lieux. Car une lame de béton viendra les ensevelir ou les soustraire. Cette passerelle piétonnière de Shibuya semble ainsi innocente dans son enjambement de l’avenue. Pensez donc ! On se bat pour la supprimer. D’un côté, les architectes et les commerces de luxe estiment que le petit pont, un peu pataud pour tout dire, masque la perspective. D’un autre, la police qui loge en son pied, dans un petit koban (édicule où l’on se renseigne), et les écoles voisines le défendent ; il en irait de la sauvegarde de l’enfance. 

S’inscrire, donc,  este une dimension singulière. La mémoire japonaise nous déroute dans ses dénis, mais nous interroge parfois dans sa façon de procéder. Takeshi Kitano, réalisateur et présentateur vedette à la télé, le fit à sa façon, le 2 août 1994, en percutant une glissière d’autoroute à scooter. Son visage cabossé nous raconte son étourderie. « Ma tête, raconte-t-il à Michel Temman, dans son autobiographie, a fini encastrée dans l’acier de Tokyo. » Il nous renvoie aussi à son quartier d’Akasaka, avec ses bandes, ses tripots, sa faconde bravache… 

Une ruelle pittoresque de Golden Gai, avec ses bâtisses à un étage.
Une ruelle pittoresque de Golden Gai, avec ses bâtisses à un étage. Hal Kuzuya

Où se restaurer à Tokyo ?

Narukiyo

L’une des meilleures expressions de la gastronomie locale reste l’usage des izakayas, établissements entre le bar à tapas et le bistrot, où l’on module les plats en fonction de votre appétit ; on peut même, parfois, y fumer, comme ici, en ce demi‑sous sol du quartier de Shibuya : bonnes têtes, atmosphère incandescente et plats exquis.

> 2-7-14 Shibuya, Shibuya‑ku, Tokyo 107-0062. 

Choron

Autre izakaya, cette fois‑ci dans Akasaka, Choron est perdu dans le coude d’une ruelle, mais, ensuite, c’est un enchantement cordial, simple, sans façon.

> Tokyo, Minato City, Akasaka, 7 Chome‑11‑2. 

Kidoguchi

Sans aucun doute l’un des meilleurs rapport qualité‑prix de la ville, avec, de surcroît, un accueil adorable, chaleureux, pédagogique même. Tout à côté : shopping de rêve et, surtout, le Nezu Museum pour ses chefs‑d’œuvre d’art ancien et son salon de thé niché dans un jardin divin.

> 5 Chrome-6-3 Minamiaoyama, Minato City.

Ununitokakitonihonshutounisei

Dans le quartier de Roppongi, un restaurant kappo (c’est‑à‑dire un peu plus sérieux qu’un izakaya, plus formel) avec, en grand spectacle, des huîtres, des oursins et
un chef en pleine forme : Tomoaki Nagai.

> Seulement 12 places. Tel.+81 50 5589 2342.

Sobadokoro Minatoya

Si vous cherchez une bonne adresse de soba, vous la tenez, et ce dans un cadre arty, inspiré et efficace.

> 3-1-10 Nishi-Shinbashi, Minato-ku.

Motomura

Dans Shibuya, un escalier descendant vers nowhere, une file d’attente à toute heure, des couloirs noirâtres… On patiente donc une bonne demi‑heure, voire plus. La commande est prise dans le colimaçon de l’escalier. Enfin, la porte s’ouvre. Juste un restaurant en longueur, large comme un futon, six tabourets et c’est tout. Pourquoi tant de ferveur ? Tout simplement, l’un des meilleurs gyukatsu de la ville. Du bœuf pané, comme l’escalope de porc du tonkatsu, un petit réchaud pour faire griller ces viandes tranchées et voilà tout. C’est franchement bon. Hautement recommandé.

> Quatre adresses à Tokyo, dont Shibuya, 3 Chome-18-10.

Torikizoku

Dans le quartier d’Akasaka, une petite adresse bien cachée. Pourtant, dès l’extérieur, les lumières blondes, les odeurs de bois de chêne vert, tout y est ! Clientèle bienheureuse, brochettes exquises, raffinées et sincères.

> Trois adresses à Tokyo, dont 4 Chrome 2-3, Akasaka.


À lire aussi : Train à grande vitesse : Chine vs Japon, l’élève dépassera-t-il le maître ?


Vous voyez, la manivelle reprend ses tours. Elle nous égare dans le vrai, le faux. Il est vingt-deux heures en cet hiver. Dans les quartiers chauds, la ville se maquille. Les hôtesses regagnent les bars. Les lumières rougeoient, les néons cillent, Tokyo bascule, les rires se précipitent, les salarymen retardent le retour à la maison, honnissent cette vie de merde.

L’arrondissement de Shinjuku est un véritable terrain de jeu urbain établi autour de la gare la plus fréquentée du monde. Immeubles de bureaux, grands magasins haut de gamme, restaurants, bars, lieux de divertissement y attirent Tokyoïtes et touristes à toute heure du jour et de la nuit.
L’arrondissement de Shinjuku est un véritable terrain de jeu urbain établi autour de la gare la plus fréquentée du monde. Immeubles de bureaux, grands magasins haut de gamme, restaurants, bars, lieux de divertissement y attirent Tokyoïtes et touristes à toute heure du jour et de la nuit. Hal Kuzuya

Le bar, comme du reste tout ce qui est rattaché aux liquides (les fontaines, le fleuve Sumida…), avive la mémoire. Malgré leur fluidité, ils fixent l’instant puis l’étirent. « Ici, dit le cinéaste Chris Marker, le temps est une rivière qui ne coule que la nuit. » Le trouble peut alors s’inviter, vous hanter même : Kill Bill, Godzilla… Allez-y, la toupie reprend ses déhanchements en spirale. Elle verse d’un côté, bascule de l’autre, enclenche le ralentissement.

En fait, vous venez de déclencher votre propre film. Celui de votre vie. Vous tardiez à vous y inscrire… c’est sans doute le moment. Vous n’avez pas appris le rôle ? Ce n’est pas grave, nous vous écoutons. Vous  entrez « dans un processus extraordinaire, [vous devenez] alors la personne que [vous auriez] dû toujours être ».

La tête géante de Godzilla, monstre sacré du cinéma japonais, trône sur le Tôhô Building, en plein cœur du quartier de Shinjuku. Une place stratégique d’où la foule peut tressaillir devant les réveils réguliers de la bête, qui crache de la fumée, rugit et lance des éclairs lumineux…
La tête géante de Godzilla, monstre sacré du cinéma japonais, trône sur le Tôhô Building, en plein cœur du quartier de Shinjuku. Une place stratégique d’où la foule peut tressaillir devant les réveils réguliers de la bête, qui crache de la fumée, rugit et lance des éclairs lumineux… Hal Kuzuya

C’est ainsi que David Bowie parlait du vieillissement. Transposez, vous ferez le reste. Si, à un moment donné, le disque de votre verre de saké se trouble sans même que vous l’ayez touché, ce n’est pas grave non plus : faites comme tous les Tokyoïtes, admettez que la terre tremble (ce soir, ce sera même un 6,5). L’image bougeotte, vous avez les chocottes.

C’est bon signe, vous êtes encore en vie pour quelques secondes ; le générique de fin, sachez-le, est déjà prêt au fond de votre poche. Ne le sortez pas, s’il vous plaît. 

Ⓒ Hal Kuzuya.
Ⓒ Hal Kuzuya.

Japan Experience, suivez le guide

Rien n’est plus délicat qu’un voyage au Japon. On y part la chamade au cœur, mais une fois sur place, les choses peuvent devenir très compliquées. Si le voyage n’est pas hyper bien bichonné, il peut tourner à la déroute. Pour ceux dont la vie ne laisse guère de place à ce travail indispensable, il existe des organismes comme Japan Experience, le parfait essuie‑glace qui peut commencer par la carte SIM (super utile), le JR Pass, la traduction du permis de conduire, le pocket wi‑fi, jusqu’à la location d’une maison traditionnelle à Kyoto. « Premier voyagiste européen spécialisé uniquement sur le Japon depuis quarante ans, nous avons une équipe sur place, explique Thierry Maincent, président de Japan Experience. Cela fait une vraie différence, c’est rassurant pour les voyageurs et ça permet de supprimer les intermédiaires. Pour nous, l’essence même du voyage est la découverte de l’autre, de l’ailleurs et la découverte de soi. On fait aussi le pari qu’un voyage au Japon peut changer notre vision du monde. Notre approche, c’est vivre plutôt que visiter : nous cherchons à privilégier une expérience vivante et authentique, à amener les voyageurs à plonger en immersion dans la vie quotidienne japonaise et à expérimenter sa culture. » Leurs maisons sont situées dans quatre grandes villes – Tokyo, Kyoto, Kanazawa et Takayama –, sélectionnées pour leur ambiance et leur charme. Ce sont, pour la plupart, des maisons traditionnelles, équipées à la japonaise et décorées avec soin. Fort de cette implantation locale, Japan Experience lance sa maison d’édition Komon, pour parler du Japon de manière renouvelée. Le récent Va au Japon, de Vahram Muratyan, en est le premier livre illustré. Deux guides viennent aussi de sortir : Tokyo Guide Idéal et Japon Guide Idéal, écrits par un grand connaisseur du Japon : Jérôme Schmidt.

> japan-experience.com 


Comment aller à Tokyo ?

Air France, JAL et ANA desservent Tokyo avec des vols qui ont pris de la longueur : de 15 à 16 heures ! Office national du tourisme japonais, 4, rue de Ventadour, Paris 1er.

> www.japan.travel/fr


À lire aussi : 10 choses à ne pas faire au Japon

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture