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Après avoir connu une grave crise économique et politique en 2022, le Sri Lanka est entré en convalescence avec l’aide du FMI. Visite, 2023 - TGL
Après avoir connu une grave crise économique et politique en 2022, le Sri Lanka est entré en convalescence avec l’aide du FMI. Visite, 2023 - TGL
Marine Mimouni

Voyage

Sri Lanka : une destination à (re)découvrir absolument en 2024

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Après avoir connu une grave crise économique et politique en 2022, le Sri Lanka est entré en convalescence avec l’aide du FMI. Pour recouvrer la santé, il mise sur la reprise du tourisme et, surtout, sur le numérique, deux secteurs où l’enthousiasme et les projets ne manquent pas.

À l’arrêt dans les embouteillages de Colombo, au Sri Lanka, le jeune conducteur du tuktuk qui me conduit à un rendez-vous me désigne un camion qui décharge des matériaux de construction sur le bord de la route.


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3 700 $, c’est le PIB par habitant en 2022 ; selon différentes estimations, il se rapprocherait de 4 000 $ en 2023. Il est supérieur de 48 % au PIB par habitant de l’Inde (2 500 $).
3 700 $, c’est le PIB par habitant en 2022 ; selon différentes estimations, il se rapprocherait de 4 000 $ en 2023. Il est supérieur de 48 % au PIB par habitant de l’Inde (2 500 $). Jalitha Hewage / Unsplash

Devant mon air interrogateur, il m’explique en hurlant pardessus son épaule pour couvrir le bruit ambiant : « Avec les milliards du FMI, ils reprennent les travaux ! » Tout sourire, il ajoute : « C’est reparti, ça va aller maintenant. » Cet optimisme semble avoir gagné une grande partie de la population du Sri Lanka. Pourtant, la situation tant politique qu’économique est loin d’être assainie, mais le plan d’aide accordé en mars dernier par le Fonds monétaire international (FMI) a redonné de l’espoir et apporté une bouffée d’oxygène salutaire au pays, de quoi enclencher à nouveau un cercle vertueux de projets et de développements pour – enfin – relancer la croissance.

Il faut dire que les dernières années n’ont pas épargné les Sri‑Lankais. Les attaques terroristes islamistes menées contre des églises et des hôtels en avril 2019 ont fait 260 morts et plus de 500 blessés, donnant un sérieux coup de frein au tourisme, l’une des principales sources de revenus du pays. Le SriLanka pansait tout juste ses plaies que la pandémie de Covid‑19 mettait à l’arrêt toutes les activités et accélérait l’arrivée de la crise économique, latente depuis de nombreuses ann.es.

La reprise n’en est qu’à ses prémices, mais le Sri Lanka a quelques atouts dans son jeu pour relancer sa croissance, à commencer par le tourisme.
La reprise n’en est qu’à ses prémices, mais le Sri Lanka a quelques atouts dans son jeu pour relancer sa croissance, à commencer par le tourisme. Jalitha Hewage / Unsplash

Le cercle vicieux de l’endettement et du déficit budgétaire du pays, dont les dirigeants consacraient les réserves au remboursement de la dette plutôt qu’à l’investissement, était enclenché et faisait grimper l’inflation, laquelle, à son tour, faisait augmentait la pauvret.. Cette crise a atteint son paroxysme au début de 2022. Les pénuries en tout genre ont bloqué les activités. Il fallait plusieurs jours d’attente pour espérer faire le plein d’essence, sans certitude d’y parvenir.

Sans transport, les marchandises ne circulaient plus, les hôpitaux ne recevaient plus de médicaments. Les coupures d’électricité se multipliaient et s’allongeaient. L’inflation galopante a atteint 80 % pour certaines denrées alimentaires. Tout cela a conduit le peuple à manifester. En avril 2022, le pays a fait défaut sur le paiement de sa dette et a demandé l’aide du FMI ; en mai, des .meutes ont causé plusieurs morts ; les frères Rajapaksa, Premier ministre et président, ont fini par démissionner et quitter le pays, qu’ils ont laissé exsangue.

2,3 M de touristes ont visité le pays en 2018, avant les crises successives, apportant 4,4 Mds $ de recettes (environ 5 % du PIB de 2018). Ils n’étaient plus que 700 000 en 2022 pour des recettes de 1,136 Md $.
2,3 M de touristes ont visité le pays en 2018, avant les crises successives, apportant 4,4 Mds $ de recettes (environ 5 % du PIB de 2018). Ils n’étaient plus que 700 000 en 2022 pour des recettes de 1,136 Md $. Farhath Firows / Unsplash

Après les négociations bilatérales de ses dettes avec la Chine, l’Inde, le Japon ou la France – quatrième créancier du Sri Lanka –, le pays a obtenu un plan d’aide du FMI de 2,9milliards de dollars sur quatre ans pour soutenir sa sortie de crise. Tout le monde a repris espoir et les conducteurs de tuk‑tuk ont retrouvé le sourire… En attendant les prochaines élections, qui se tiendront en 2024.

La reprise n’en est qu’à ses prémices, mais le Sri Lanka a quelques atouts dans son jeu pour relancer sa croissance, à commencer par le tourisme. Un an après les émeutes et le défaut de paiement, les visiteurs étrangers sont de retour. Ils ne sont pas encore aussi nombreux qu’en 2018, certes, mais leur nombre augmente suffisamment pour rassurer les 15 % de la population qui dépendent directement ou indirectement des activités touristiques.


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Générer 200 000 emplois directs

Un an après les émeutes et le défaut de paiement, les visiteurs étrangers sont de retour.
Un an après les émeutes et le défaut de paiement, les visiteurs étrangers sont de retour. Jalitha Hewage / Unsplash

Mais c’est surtout sur les transformations en cours que le pays entend miser pour sortir de la crise, à commencer par celle du numérique. Selon Slasscom, l’organisation professionnelle du secteur, en 2022, le numérique sri‑lankais comptait environ 500 entreprises, qui représentaient 106 000 emplois et un chiffre d’affaires de 1,6 milliard de dollars. Soit de 2 à 3 % du PIB selon les années.

L’ambition du secteur est de porter le chiffre d’affaires à 5 milliards de dollars et de créer un millier de nouvelles entreprises ou start‑up et 200 000 emplois directs d’ici à 2025. Il bénéficie pour cela du soutien du gouvernement, qui a identifié cette industrie comme une source stratégique de revenus pour les dix prochaines années et a instauré des incitations fiscales, notamment l’exonération de taxes pour toute exportation de produits ou de services informatiques.

Sri Lanka
Sri Lanka Kanishka Ranasinghe / Pexels

Les grands du numérique et des services, qui peinent à recruter, recherchent constamment de nouveaux viviers capables de concilier professionnels bien formés et coût du travail favorable. Longtemps, ils ont recruté en Inde, où d’importants centres de développement et de support ont été créés. À cause de la taille de sa population – 22 millions d’habitants –, le Sri Lanka n’a, lui, pas été concerné par cette tendance dans les mêmes proportions que son grand voisin ou que le Vietnam ou les Philippines.

C’est là toute l’originalité d’IFS, éditeur suédois de logiciels d’entreprise, qui a choisi de s’implanter au Sri Lanka il y a un peu plus de vingt‑cinq ans en y créant un premier centre d’innovation. « Au début, en novembre 1997, il s’agissait surtout de renforcer la présence d’IFS en Asie, de compléter les effectifs en Europe et aux États-Unis en recrutant des personnels qualifiés, formés dans les bonnes universités du pays », raconte Ranil Rajapakse, vice-président de l’éditeur suédois de logiciels IFS et directeur général des opérations au Sri Lanka, président de Slasscom jusqu’en 2020.

22,2 M d’habitants, dont 25 % de classes moyennes, 40 % de population rurale et semi‑urbaine et 10 % de tr.s riches.
22,2 M d’habitants, dont 25 % de classes moyennes, 40 % de population rurale et semi‑urbaine et 10 % de tr.s riches. Kevin Olson / Pexels

Lui-même faisait partie des tout premiers embauchés, qui étaient à l’époque moins d’une trentaine d’informaticiens séduits par le projet d’implantation de la firme suédoise. « Aujourd’hui, avec 2 200 salariés, dont la moitié ont été recrutés au cours des trois dernières années, IFS est le deuxième employeur du secteur informatique dans le pays », ajoute-t-il.

Loin d’être confinée au support des clients en Asie, l’entité sri-lankaise est devenue une composante essentielle de l’éditeur à l’échelle mondiale, dont elle représente 40 % de l’effectif global. Outre les prestations pour les clients locaux, elle mène des travaux de R&D, une activité qui emploie pas moins de 900 personnes, mais aussi du support, du développement, de la formation, etc., pour toutes les entités de l’éditeur.


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Des salaires en hausse au Sri Lanka

Vue d’un temple au Sri Lanka.
Vue d’un temple au Sri Lanka. Sandra Mack / Pexels

La moyenne d’âge, chez IFS Sri Lanka, ne dépasse pas 30 ans et les femmes représentent 39 % de l’effectif global et 29 % du management ; c’est mieux que dans beaucoup d’entreprises occidentales du secteur… Au fil du temps, la société a noué des liens étroits avec toutes les universités publiques et privées du pays, où beaucoup de cadres de l’entreprise ont fait leurs études. Sa marque employeur est bien connue sur tous les campus.

« En 2022, nous avons recruté 800 personnes, dont 140 jeunes diplômés. Nous avons également accueilli de nombreux  stagiaires, que nous rémunérons pendant une période de six à douze mois, ce qui est assez rare ici, et que nous recrutons ensuite dans 70 % des cas », précise Thilanka Jayathilaka, directrice des ressources humaines d’IFS Sri Lanka.

Si la guerre des talents n’a pas encore atteint le Sri Lanka, l’engouement pour le numérique est patent. Le secteur offre des perspectives de carrière intéressantes et la rémunération y est meilleure que dans d’autres activités. Dans son dernier rapport, Slasscom note ainsi que les salaires du numérique ont progressé de 22 % en moyenne en 2022.


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Un pays émergent et mature

75,3 Mds $, c’est le produit intérieur brut (PIB) du pays en 2022, en baisse de 15,4 % par rapport à 2021.
75,3 Mds $, c’est le produit intérieur brut (PIB) du pays en 2022, en baisse de 15,4 % par rapport à 2021. Eddy Billard / Pexels

La transformation numérique en cours incite également les plus entreprenants à créer leur start-up. « L’innovation est le catalyseur de la croissance économique », affirme Jeevan Gnanam, expert en mégadonnées, multientrepreneur, business angel (investisseur providentiel) et cofondateur de l’accélérateur Hatch, qui héberge plus de 120 start-up au coeur de Colombo, dans un ancien immeuble du ministère des Affaires étrangères entièrement restauré.

« Ici, nous voulons tous faire avancer le pays, le faire émerger, montrer qu’il existe et qu’il est mature. Les jeunes ont envie de changer les choses, d’en finir avec les vieux discours. Ils veulent créer. Nous avons tellement de problèmes à résoudre que nous devons trouver des solutions ! »

Sans transport, les marchandises ne circulaient plus, les hôpitaux ne recevaient plus de médicaments.
Sans transport, les marchandises ne circulaient plus, les hôpitaux ne recevaient plus de médicaments. Genine Alyssa / Pexels

En témoigne le programme d’incubation ChallengerX, organisé avec IFS : six équipes de quatre personnes planchent pendant six mois pour développer une solution de modélisation et de réponse à une catastrophe naturelle à l’aide d’outils d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique (IA/AA). Reste que pour Jeevan Gnanam, il manque encore des ingrédients pour que le Sri Lanka passe du statut de pays en difficulté à celui de start-up nation prospère.

« Dans les autres pays, l’investissement dans les start-up représente en moyenne 0,5 % du PIB. Or, au Sri Lanka, il est de 0,014 %… » précise-t-il. Et de plaider pour des incitations fiscales et un engagement clair du gouvernement. En attendant, il multiplie les projets dans deux domaines qu’il juge extrêmement prometteurs : l’agritech et les fintech. À suivre.


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Site internet de l’office de tourisme du Sri Lanka.

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