Voyage
De très belles maisons, un tramway vintage, des vues incroyables : ce quartier est un eldorado pour qui ne veut pas subir les désagréments de Rio. Mais il faut parfois se méfier des parenthèses, même enchantées…
Avez-vous un passeport français pour entrer à Santa Teresa ? La blague circule dans la communauté des expats à Rio. Et il est vrai qu’on croise pléthore de Français sur cette colline. De nombreux touristes, certes, mais aussi, et surtout, des résidents, qui se retrouvent le dimanche soir sur la place Largo das Neves. Où il y a justement un bistrot… français. L’ambiance est cool, familiale, et il y flotte des restes de l’esprit hippie hérité des artistes et des intellectuels qui se sont regroupés ici dans les années 60 et 70 alors qu’ils étaient menacés par le régime militaire.
Du haut de la colline, trois siècles d’architecture vous contemplent
Mais l’attrait de Santa Teresa est bien plus ancien. Tout a débuté au XVIIIe siècle, avec la construction du couvent des carmélites dont le quartier tire aujourd’hui son nom. Il a ensuite été investi, au début du XIXe siècle, par la cour portugaise chassée de son pays par les invasions napoléoniennes. Beaucoup ont trouvé refuge sur ces hauteurs de Rio, bien plus accueillantes et aérées que le centre, et y ont fait construire des demeures. Tout au long du siècle, petits châteaux, minimanoirs et grandes maisons aux styles variés s’y sont multipliés : néogothique, néoclassique, anglo-normand et, parfois, un peu de tout cela à la fois. Il en résulte une collection tout à fait étonnante de maisons qui se sont dégradées au fil du temps jusqu’à ce qu’elles soient (re)découvertes et rénovées au début des années 2000 par des hôteliers, et en particulier par des Français. S’ajoute à ce décor pittoresque des vues magnifiques et un charmant tramway rétro, le Bonde, qui crapahute le long de la colline depuis le Largo da Carioca situé au centre-ville.
Un charme qui opère
Symbole du quartier depuis 1872, le Bonde revient de loin. En 2011, six personnes y ont perdu la vie dans un accident. Il a été immédiatement stoppé, et ce, jusqu’à la rénovation de son réseau, dont la première phase s’est achevée en juillet 2015. La voiture jaune est donc de retour à Santa Teresa, une attraction touristique qui n’a en réalité aucun intérêt du point de vue pratique. Car malgré son charme, Santa Teresa est un quartier immense, qui ne se parcourt pas facilement à pied. D’un site à l’autre, d’un restaurant à un bar, le chemin peut être (très) long. Les bus y sont nombreux, mais le taxi reste le moyen de transport le plus efficace d’y circuler, de s’y rendre et d’en sortir. De plus, au-delà du fait qu’il est très facile de s’y perdre, certaines routes menant à Santa Teresa ne sont pas complètement sécurisées. On y croise des voitures de l’unité de police pacificatrice (UPP,), voire des barrages de police qui sont en réalité peu rassurants.
Pourtant, le charme opère. Maisons d’hôtes, bed and breakfast plus ou moins luxueux et établissements hôteliers traditionnels n’en finissent pas d’ouvrir. C’est bien entendu ici que Mama Shelter va inaugurer son premier hôtel en Amérique du Sud. Une implantation qui s’accompagne, pour Accor (entré au capital du groupe Mama Shelter), du rachat du très chic hôtel Santa Teresa, l’ajoutant ainsi à sa collection MGallery. Pour les Cariocas, natifs ou non de Rio, Santa Teresa c’est la possibilité de trouver de belles maisons anciennes dans un cadre particulièrement vert ; pour les touristes, c’est l’occasion d’une retraite apaisante après la ville et la plage. Avec le risque, finalement, de ne plus vouloir sortir de son hôtel ou de sa villa.