The Good Culture
Vins et spiritueux
Les meilleurs sakés offrent une dégustation digne d’un grand vin, avec leur taux d’alcool comparable, mais ne contenant ni soufre ni tanin. De quoi convertir de nouveaux adeptes à cet alcool de riz.
Avec une seconde édition de « Spirit of Japan », cette année, le Salon européen du saké et des boissons japonaises, qui fête ses 10 ans, et des pairings qui se multiplient sur les tables, les indicateurs sont au vert.
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Le saké a le vent en poupe
Pour preuve, MoSuke – le « gastro » du chef Mory Sacko – inaugure un accord mets-sakés en trois temps, tandis que Grains, la cave à manger germanopratine inaugurée en début d’année, lui consacre une partie de sa carte.
Xavier Thuizat, chef sommelier de l’Hôtel de Crillon, meilleur sommelier de France et meilleur ouvrier de France, reconnu « saké samurai » (titre prestigieux donné par les producteurs de saké à ceux qui aident à sa promotion), est formel : « Avec + 20 % d’importations sur ces trois dernières années, cet alcool suscite un intérêt grandissant auprès des sommeliers, notamment, qui ont envie d’élargir leur terrain de jeu. Accessoirement, 2 000 verres vendus à l’année peuvent représenter, pour un restaurateur, jusqu’à 100 000 euros de chiffre d’affaires… Une arme de vente additionnelle redoutable ! »
Le produit d’un vrai savoir-faire
Un signe qui ne trompe pas ? Marussia, l’un des groupes de distribution de spiritueux les plus importants en France, a racheté la petite brasserie artisanale Akashi-Tai, à Akashi. Cette ville portuaire de la préfecture de Hyogo – région réputée pour produire les meilleurs sakés du Japon – est célèbre pour son fameux marché aux poissons vivants, le seul du pays.
Kimio Yonezawa, maître toji (maître de saké), a ressuscité la brasserie familiale de ses grands-parents, qui ont commencé à distiller le shochu (alcool de prune traditionnel) en 1917.
Si, aujourd’hui, le Japon consomme en majorité un saké de soif, le marché à l’exportation est en plein essor… et renvoie une image « chic » et de nouveau sexy dans son pays d’origine. Le réflexe de s’offrir un bon saké de temps en temps prend doucement.
En l’occurrence, ceux d’Akashi-Tai nécessitent une douzaine d’étapes de fabrication artisanale, et Kimio Yonezawa pousse toujours plus loin le niveau d’exigence et d’innovation : la préparation du koji (le champignon microscopique qui transforme l’amidon en sucre) se fait dans la plus grande délicatesse et artisanalement, la cuisson à basse température utilise des cuves de petite taille (15 fois plus petites que leurs équivalents industriels) et le taux de polissage des grains est beaucoup plus élevé.
Le riz, un grand cru, récolté une fois par an, est utilisé uniquement pour le saké. Ce yamadanishiki, très savoureux, provient des meilleures rizières de la région, celles d’Ono Funaki-cho. Car ce qui fait la qualité d’un saké, c’est bien celle du riz !
Pour qu’il soit bon, il faut des conditions climatiques singulières : des amplitudes de températures notables du matin au soir, un certain brouillard et du vent.
On observe une vraie climatologie du grand cru, qui ne représente d’ailleurs que 0,2 % des rizières. L’autre gage de qualité d’un saké, c’est la pureté de l’eau utilisée… qui varie en fonction de la localité de chaque brasserie. À cela s’ajoute la volonté de perpétuer la précision du geste, et un dernier ingrédient, indispensable selon le maître toji : « la passion ».
In fine, le grand cru d’Akashi-Tai – le Junmai Daiginjo Genshu – au brassage extralong, produit à partir de grains de riz polis dont il ne reste pas plus de 38 % du poids d’origine (plus le riz est poli, plus le saké sera aromatique), accompagne le homard bleu rôti au beurre de crustacés servi chez Anne-Sophie Pic, au Beau-Rivage Palace, à Lausanne. Un saké floral, délicat, minéral et riche, que l’on retrouve également au Bar Hemingway, au Ritz Paris.
Un champ des possibles illimité
Moins d’une douzaine de distributeurs se partagent le marché de l’import en France et tous ont choisi de privilégier les plus premium. Les junmai ou junmai daiginjo, par exemple, qu’on appelle les « sakés modernes » et qui comptent parmi les plus délicats et les plus aromatiques, réalisés à partir de grains de riz les plus polis, accompagnent volontiers une cuisine de printemps tournée vers le végétal. Même accord idéal avec l’œuf parfait, les ormeaux, les poissons bleus, les crustacés et les huîtres.
Tandis que les sakés de tradition (encore méconnus des marchés occidentaux), aux grains très peu polis (avec 90 % de matière résiduelle), très céréaliers, soutiennent davantage une cuisine d’automne, terreuse, racinaire, plus rôtie.
Servi tempéré, le saké de tradition apporte fraîcheur et puissance pour soutenir une viande de bœuf cuisinée. Chauffés à 35-37 °C, ces sakés deviennent réconfortants, suaves et enrobent idéalement le foie gras.
« Non seulement les sakés sont des exhausteurs de goût, mais c’est l’alcool le plus pur au monde. Une addition pasteurisée de riz – issu de rizières sur lesquelles le produit chimique n’a aucune efficacité –, d’eau de source extrêmement naturelle, de micro‑organismes (le koji) et de levure – la même qui est utilisée pour le vin – et c’est tout. Dans le vin, il y a en moyenne 32 pesticides et engrais chimiques, une dizaine pour les plus bio », résume Xavier Thuizat. Un argument de poids qui explique sans doute pourquoi certains considèrent déjà le saké
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