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The Good News
À tout allure, The Good Life vous fait un tour de la Nouvelle-Zélande au volant du Purosangue. Émerveillement garantit.
Au volant du Purosangue, nous traversons l’île du Nord, en Nouvelle-Zélande. L’intrigant SUV italien, première Ferrari à quatre portes, se montrera-t-il paisible ou volcanique dans les spectaculaires paysages des antipodes ? La réponse ici.
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Au galop
Le programme était peut-être ambitieux : rejoindre à pied le grand Auckland War Memorial Museum, qui domine la ville, pour découvrir les trésors maoris qu’il renferme, monter au sommet de la Sky Tower, le plus haut édifice de l’hémisphère Sud (328 m), et achever la journée par un tour à l’Auckland Art Gallery et au Musée maritime – soit visiter la plupart des lieux de culture que la plus grande ville de Nouvelle-Zélande offre à un visiteur.
Oui, trop ambitieux… Car sitôt arrivé dans ma chambre du Park Hyatt, les 27 heures de voyage, dont 22 passées à bord d’une paire d’Airbus A380, se font brutalement sentir. À moins que ce ne soient les 11 heures de décalage horaire qui réclament leur dû à mon corps épuisé. En plein Viaduct Harbour, la vue sur la base portuaire de la dernière America’s Cup est imprenable, mais le sommeil est le plus fort.
Tant pis pour l’escapade urbaine ; ce voyage de 20 000kilomètres n’avait pas pour but de déambuler dans les avenues modernes d’Auckland, mais de participer au « Grand Tour » de la Nouvelle-Zélande, l’un des événements du lancement international du Purosangue (prononcez « purosangoué ») de Ferrari.
Au programme : un périple de 3 000 kilomètres (en cinq étapes de deux jours chacune) réunissant cinq exemplaires du nouveau SUV Ferrari. The Good Life a été convié à la première étape, la plus septentrionale. Le trajet ? Relier Auckland au lac Taupo, en passant par la ville balnéaire de Tauranga, soit quelque 470 kilomètres de route au cœur de la grande île du Nord, le long de l’océan Pacifique.
N’appelez pas le Purosangue « SUV »
Qualifier le Purosangue de SUV est un raccourci que Ferrari n’apprécie guère –mais ne voyez là aucune solidarité avec la cabale de certaines municipalités souhaitant chasser ces néo-4×4 de leurs rues. Pour le constructeur de Maranello, qui s’est fait une réputation de commercialiser des autos à la sportivité superlative, il y avait là un conflit de philosophie.
Avec leur poids élevé et leur centre de gravité haut placé, ces encombrants véhicules offrent un comportement dynamique compromis, aux antipodes des valeurs de la marque. Une décennie plus tôt, l’ex-patron de Ferrari Sergio Marchionne (décédé soudainement en 2018) clamait que jamais Ferrari ne produirait de SUV.
Cette espèce automobile est née au tournant du millénaire en combinant le confort routier des berlines haut de gamme avec la position de conduite surélevée et l’habitabilité des 4×4 – ainsi que quelques aptitudes, plus ou moins grandes, à la promenade sur les chemins. L’effet de mode fut immédiat et nombre de constructeurs de voitures de sport lui doivent leur survie.
Le cas de Porsche a même fait école, la marque allemande ayant été sauvée d’une faillite probable par son Cayenne lancé en 2002 – deux décennies plus tard, les SUV représentent 55 % de ses ventes, contre 22 % pour ses iconiques sportives à deux places. Ferrari n’est pas confronté à ce type de problème. L’entreprise italienne affiche une santé financière insolente et une rentabilité sans commune mesure dans l’industrie automobile.
Aux dernières nouvelles, la valorisation en Bourse de l’entreprise a dépassé les 70 milliards de dollars et le cours de son action a quadruplé en cinq ans. Le constructeur qui dit fournir toujours « une voiture de moins que ce que le marché demande » limite soigneusement sa production, créant ainsi une désirabilité hors norme.
Année record en ce qui concerne la production, 2023 n’a pourtant vu sortir que 13 663 voitures de l’usine de Maranello (442 de plus qu’en 2022), mais le constructeur a annoncé que la part de son « SUV » ne dépasserait jamais les 20 % du total des véhicules assemblés.
Pour Ferrari, le Purosangue est avant tout la première voiture à quatre portes de son histoire, répondant ainsi au besoin de polyvalence de ses clients, lassés de se contorsionner pour monter aux places arrière des coupés du constructeur qui en disposent – ou de devoir lui faire des infidélités pour rouler au quotidien.
La carrosserie haute, nous dit-on, permet une meilleure intégration de ces places arrière dans un dessin sportif, tout en conservant de l’espace pour la tête des passagers – soit. Et si le Purosangue offre quatre roues motrices, comme la plupart des SUV, c’est au nom de la tenue de route et non pour des besoins de franchissement : la Ferrari ne propose d’ailleurs aucun mode de conduite hors asphalte. C’est une stricte routière.
Enzo Ferrari, le fondateur de la marque, a toujours tourné le dos aux voitures à quatre portes, jugées peu sportives. Mais les temps ont changé depuis sa disparition, en 1988 ; en témoigne la réponse du marché. Il se murmure que la quasiintégralité des quatre ou cinq ans de production du Purosangue a été prévendue à de fidèles clients Ferrari, avant même que le véhicule ne leur soit dévoilé…
L’île de la tentation
Quitter Auckland va nous permettre de nous familiariser avec cette Ferrari d’un genre nouveau. Sur le parking de l’hôtel, le hayon du Purosangue dévoile le plus grand coffre jamais proposé par une voiture née à Maranello, mais préférant lancer mon sac sur les places arrière, j’en profite pour découvrir ces portières supplémentaires inédites.
Non seulement elles sont antagonistes – celles-ci s’ouvrent dans le sens contraire, rendant ainsi l’accès plus aisé –, mais leur mouvement est aussi automatisé. Elles dévoilent une paire de sièges réglables électriquement, séparés par une jolie commande de climatisation circulaire avec écran intégré. Il est temps de filer pour rejoindre Waihi Beach et sa longue plage de sable blanc.
Pour cela, il faut s’extraire de la ville et l’opération est simplifiée par l’absence de navigation embarquée sur le Purosangue. Non, il n’y a pas d’erreur : Ferrari a décidé d’abandonner le développement de son système GPS pour le remplacer par celui de votre smartphone, bien plus pratique, dont la carte apparaît sur l’écran du bloc compteur via Apple CarPlay ou Android Auto.
Ce serait idéal si l’ergonomie des commandes au volant était au rendez-vous : à force de pester, je finis par m’en remettre à mon passager devenu copilote, qui jouit également d’un large écran individuel placé face à lui. Les commandes des phares, des essuie-glaces et des clignotants au volant sont tout aussi déroutantes, mais on s’y habitue rapidement et tout tombe bientôt naturellement sous mes doigts.
C’est aussi ici que se trouve le manettino, cette jolie commande rotative inspirée de la formule 1 : elle permet de jongler entre les modes de conduite, pour calmer les chevaux lorsque la chaussée est détrempée ou les libérer pour une conduite plus enlevée.
Justement, nous voici sur la route tortueuse qui longe la gorge de Karangahake, d’où partent d’innombrables randonnées à la recherche de mines d’or disparues. Manettino sur « Sport », nous taquinons les limites dans quelques virages pour vérifier si les promesses du Purosangue sont au rendez-vous.
Surprise, la grosse voiture paraît rivée au sol, se jetant fougueusement d’un point de corde à l’autre avec la vivacité d’une GT survitaminée. Oui, les 725 chevaux et 716 Nm de couple du V12 de 6,5litres de cylindrée promettaient des performances solides, mais la façon dont le Purosangue danse avec agilité sur la route fait avantageusement oublier sa masse de 2 033 kilogrammes (à sec).
Son secret ? Les innovantes suspensions actives brevetées appelées TASV (TrueActive Spool Valve) et développées conjointement avec le spécialiste Multimatic. Sur chaque combiné ressort-suspension, un moteur 48 volts entraîne par pignons une vis sans fin, modulant ainsi à haute fréquence la course de l’amortisseur.
Derrière ce charabia se cache une technologie hyperréactive permettant de maintenir la surface de contact du pneu sur la route constante tout en jouant sur la hauteur du centre de gravité, le roulis et le confort, et donne au lourd véhicule la grâce d’une ballerine. C’est absolument bluffant et Ferrari indique que c’est cette innovation qui l’a décidé à finalement lancer le Purosangue.
Purosangue : Pur-sang en liberté
Nous nous remettons de ces émotions en trempant nos mollets dans l’eau du Pacifique, encore un peu trop fraîche pour pousser la baignade plus loin. Pour nager entre les dauphins de la baie de l’Abondance, là où le capitaine Cook a débarqué en 1769, ou nous mêler aux nombreux surfeurs… nous attendrons une saison plus chaude.
La ville de Tauranga, dominée par le mont Maunganui, volcan semblant jaillir de la mer, est à un saut de puce, mais la tentation est grande d’explorer les spectaculaires paysages néo-zélandais. Dans les collines qui ont servi de décors à la Comté des Hobbits, filmée par Peter Jackson, la vue s’est dégagée, au loin, sur une imposante cascade.
C’est le moment de quitter l’itinéraire soigneusement concocté par Ferrari pour découvrir les chutes de Wairere : dévalant jusqu’à la vallée sur 153 mètres, elles sont les plus hautes de l’île du Nord. Pour les rejoindre, une heure de marche nous attend dans une forêt exotique au son envoûtant d’une myriade d’oiseaux.
Ceux-ci sont une richesse de la Nouvelle-Zélande, où ils prolifèrent heureux en l’absence de tout prédateur, à commencer par l’emblématique kiwi. Cette nature enchanteresse est encore au rendez-vous de notre deuxième journée : les paysages sensationnels, la flore luxuriante et les curiosités géologiques font la merveille de ce pays.
En quittant Tauranga, la route est ceinte d’intrigants hauts murs végétaux : ces barrières naturelles contre le vent protègent d’immenses vergers de kiwis. Ici, il est question du fruit, même si le terme évoque aussi les habitants de Nouvelle-Zélande.
Ironiquement, le kiwi n’est pas natif de l’île : le fruit a été importé de Chine au début du XXe siècle et la « groseille chinoise », ainsi qu’il fut appelé un temps, était originellement appréciée pour ses qualités ornementales.
Une promenade fascinante
Alors que la meute des Purosangue descend vers le sud, les paysages deviennent plus minéraux et des panaches de vapeur parsèment les collines : nous entrons dans la zone volcanique de Taupo, où la géothermie est la principale source d’électricité.
À Rotorua, la grande attraction est le Redwoods Treewalk, une promenade fascinante de 700mètres de long, faite de 28passerelles suspendues aux séquoias du parc forestier de Whakarewarewa – vous les avez peut-être vus au cinéma, dans Peter et Elliott le dragon.
Les arbres californiens ont été plantés là il y a plus de cent ans à des fins expérimentales et ont poussé bien plus vite qu’aux États-Unis : le plus haut atteint déjà 75mètres. Un peu plus bas, à 20 mètres du sol, la balade au-dessus des grandes fougères arboricoles est magique – elle l’est encore plus de nuit, éclairée par les lanternes contemporaines aux matières naturelles du designer David Trubridge.
Pour atteindre notre destination finale, l’immense lac Taupo, remplissant la caldeira d’un ancien supervolcan que l’on espère éteint, nous empruntons la Goudies Road, une ligne droite de sept kilomètres perdue en pleine campagne.
C’est ici que les records de vitesse sont battus en Nouvelle-Zélande : une moto y a atteint 364 km/h, et la plus rapide des voitures, 348 km/h. Le Purosangue pourrait aller jusqu’à 312km/h, une vitesse qu’il ne serait pas très prudent d’atteindre ici en toute illégalité, mais qui témoigne du caractère hors norme de ce « SUV ».
Une dernière merveille clôt notre voyage, à quelques kilomètres seulement de notre arrivée à Taupo : les chutes Huka, un étroit canyon où le large fleuve Waikato se resserre brutalement sur quelques centaines de mètres, l’eau bouillonnant furieusement et prenant une hypnotique teinte turquoise alors que le débit atteint plus de 220 m3 à la seconde, l’un des plus élevés au monde.
Des balades en bateau permettent de s’approcher un peu plus près de cet enfer aquatique, si le cœur vous en dit. La tranquille île du Nord surprend par ses violents accidents de terrain témoignant d’un sous-sol vivant.
Le parallèle est facile avec le caractère de ce Purosangue, capable d’évoluer au quotidien en toute sérénité, tout en témoignant d’une maestria dynamique inédite et insoupçonnable pour ce que nous appellerons tout de même un SUV – n’en déplaise à ses géniteurs.
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