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Ce n’est plus seulement ce jus d’été servi bien frais au soleil, qu’on ose même en « piscine » débordant de glaçons. Des domaines en vue mettent en avant le grand potentiel qualitatif du rosé, jusqu’à une capacité de garde inattendue. Y a plus de saison !
Longtemps cantonné à l’image d’un vin d’été léger, le rosé révèle aujourd’hui une richesse insoupçonnée. Des terroirs inattendus, des savoir-faire exigeants, de nouvelles approches : en France, des domaines innovent pour redéfinir les contours de ce vin devenu un incontournable. Du Périgord à la Provence, de Bordeaux à la Champagne, tour d’horizon de cuvées singulières qui bousculent les idées reçues.
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1 – Château La Coste
Culture addict
Difficile de définir la propriété transfigurée depuis 2004 par l’Irlandais Patrick McKillen, qui a fait fortune dans l’immobilier et l’hôtellerie. Dans la nature pagnolesque du Puy-Sainte-Réparade, près d’Aix-en-Provence, se trouvent un centre d’art à ciel ouvert, couvert d’œuvres de figures internationales, quelques défis architecturaux relevés par Tadao Ando ou Jean Nouvel, un pavillon de musique pour des concerts exceptionnels, pas moins de six restaurants et encore deux hôtels !

Il y a aussi des vignes, la vocation originelle du lieu préservée sur 120 hectares tout de même. Les vins forment une gamme éclectique dont le Grand Rosé émerge. Certifié en bio et biodynamie, élaboré sur une sélection des plus vieilles parcelles du domaine, sur des terrasses qui affleurent jusqu’à 400 mètres, l’assemblage est original : cabernet sauvignon, grenache, syrah.
À découvrir sur le millésime 2023, prêt à boire après vieillissement, et dans le coffret L’Intégrale Rosé, qui comprend aussi la nouveauté sans alcool Nooh. Château La Coste ose, c’est à ça qu’on le reconnaît.
2 – Minuty
Douliou-douliou Saint-Tropez
Propriété phare de la presqu’île de Saint-Tropez, Château Minuty est devenu un petit empire du rosé de Provence, à la faveur d’un siècle de labeur de la famille Matton et des atouts naturels de ce cru classé : un vignoble d’origine magnifiquement exposé sur les coteaux de Gassin et de Ramatuelle.

Dans la gamme très structurée d’aujourd’hui, la cuvée de propriété Or représente la signature de la maison. « Elle est réalisée sur une base de grenache, pour faire un vin de plaisir avec une générosité aromatique au nez et une belle élégance en bouche », explique François Matton, qui garde un rôle de représentation depuis le rachat par LVMH il y a deux ans.
Sur un marché du rosé mature, où l’effet de mode se tasse, il reste un potentiel à l’international que le géant du luxe sait faire prospérer. Son vaste réseau de distribution fait sauter les plafonds de verre qu’un domaine indépendant finit par toucher. Pour faire chanter Saint-Tropez, il y a aussi le rooftop de l’hôtel Brach, à Paris, investi tout l’été par la Villa Minuty.
3 – Ultimate Provence
Le souffle contemporain
Le Britannique Mark Dixon, fondateur de l’entreprise de bureaux Regus, a acquis quatre propriétés dans l’arrière-pays provençal en moins de dix ans. Au pas de charge, il en a fait un groupe œnotouristique positionné sur un luxe durable dont le Château de Berne constitue le flagship.

De son côté, Ultimate Provence – c’est bien son nom – veut réinventer les codes. Hôtel design et restaurant audacieux dans la garrigue de La Garde-Freinet, le vin, lui, se remarque d’abord par le flacon : un dessin contemporain, des stries élégantes représentant les rayons du soleil, sans étiquette, comme un objet de décoration susceptible d’être réutilisé.
Le domaine s’est même associé à la marque Q de Bouteilles pour proposer une collection d’art de la table issue du recyclage : verres, vases, photophores… Il reste le vin, signé de l’œnologue en chef des quatre domaines, Alexis Cornu, dans les bons canons de la Provence. La robe est pâle, le nez tire sur les notes d’agrumes et de fleurs blanches, la bouche gagne en rondeur sans gâcher la fraîcheur. Une seule cuvée, simple et moderne.
4 – Sainte-Roseline
Le pionnier de l’œnotourisme
Un flash-back s’impose : au début des années 1990, le rosé, vin de mauvaise réputation, se vend mal et pas du tout au prix d’aujourd’hui. Brad Pitt, ses copains George Clooney ou George Lucas, et surtout les grands patrons français, les plus actifs pour maintenant s’emparer de beaux domaines, regardent ailleurs.

Pas Bernard Teillaud, promoteur immobilier grenoblois, qui craque, dès 1994, pour Château Sainte-Roseline, aux Arcs-sur-Argens. « À l’époque, on l’a pris pour un fou ! Il a été précurseur en investissant dans la qualité des vins et dans le potentiel touristique », témoigne sa fille Aurélie Bertin, à la tête d’un domaine à la fois site et cru classés.
Le programme culturel est devenu chaque été plus éclectique : expo d’art contemporain, festival Les Musicales dans les vignes, afters les jeudis avec food-trucks gourmands et DJ sets. Un quart des volumes produits est écoulé directement au domaine, notamment la nouvelle cuvée Collection. « L’engouement pour le rosé a fait du Var une destination prisée pour le vin. C’est devenu une dimension incontournable de la région. »
5 – Galoupet
Le labo biodiversité de Moët Hennessy
Nouvelle cuvée, même credo. Le rosé G Maison Galoupet présente un joli vin d’assemblage : robe pâle, nez expressif, fraîcheur acidulée en bouche. La différence est dans le contenant : la bouteille est l’une des plus légères jamais utilisées, 300 grammes sur la balance et à 85 % en verre recyclé. Bonus : pas de capsule d’aluminium, mais une bandelette de papier.

Depuis son rachat en 2019 par Moët Hennessy, Château Galoupet est devenu pour la division vins et spiritueux de LVMH le laboratoire de ses pratiques de développement durable. Au long de 250 années d’existence face aux îles de Porquerolles et du Levant, la propriété avait vu ses vins récompensés, devenant l’un des 18 crus classés de Provence en 1955, avant que le déclin touche son vignoble de 69 hectares.
Tout a été restructuré : vignes certifiées bio depuis 2023, régénération des sols, plantation d’arbres pour créer des corridors de biodiversité, installation de 200 ruches et d’une station de fécondation de l’abeille reine… Une bonne démarche environnementale se niche aussi dans le flacon, principal poste d’émissions carbone d’un domaine.
6 – La Commanderie de Peyrassol
La prise de hauteur
Témoins de l’essor fulgurant du rosé de Provence depuis les années 2000, les prix ont suivi une courbe parfois exponentielle. La cuvée Garrus du Château d’Esclans a longtemps trôné comme le rosé le plus cher du monde (aujourd’hui 110 €), un titre disputé par Étoile de chez Ott (130 €) ou Muse de Miraval (240 €, en magnum seulement).

Avant qu’un Languedocien mette tout le monde d’accord : Gérard Bertrand vend sa bouteille de Clos du Temple à 199 €. Dans cette course superlative, La Commanderie de Peyrassol tient son rang avec 1204, un vin issu d’une sélection des meilleurs terroirs, proposé à 77 €.
1204, en référence au très petit nombre de flacons disponibles et à la date de la première mention écrite de la propriété par l’ordre des Templiers. De cette histoire séculaire, qui a installé le domaine dans l’élite provençale, le propriétaire depuis 2001, Philippe Austruy, a fait une vitrine de l’art contemporain. Sa collection privée – Niki de Saint Phalle, Daniel Buren, Bernar Venet, Anish Kapoor… – habille les 850 hectares de bois, de garrigue et de vignes.
7 – La Gordonne
Au cœur des Maures
Il n’y a pas deux propriétés en Provence comme Château La Gordonne. Au cœur du massif des Maures, le vaste vignoble s’étend sur 310 hectares d’un seul tenant ! Le maître de chai, Julien Fort, y trouve une palette d’expressions très large, qui permet d’isoler des microterroirs consacrés à des cuvées remarquables.

Lancée en 2019, mise au point après quatre ans d’expérimentation, la collection Trilogie, déclinée aussi en rouge et blanc, propose en rosé Le Cirque des Grives, un assemblage fruité et floral de grenache et cinsault, cépages à pulpe blanche qui délivrent la fameuse couleur pâle de manière naturelle. Vendanges de nuit, sélection des meilleurs jus et vinification en œufs de grès, on ne néglige rien pour élaborer un vin très haut de gamme.
Château La Gordonne appartient au groupe Vranken Pommery qui, de sa base champenoise, a ajouté également, dans le Sud, le Domaine royal de Jarras en Camargue. Celui-ci ne produit que des rosés, notamment sous la marque Pink Flamingo, dans la toute nouvelle appellation Sable de Camargue. Un autre univers.
8 – Pibarnon
Le Bandol par excellence
Pour déguster des vieux rosés, toujours d’une éclatante fraîcheur, foncez à Bandol. Et pour goûter parmi les meilleurs jeunes rosés, Bandol, c’est bien aussi ! Incarnation de l’excellence de ce vignoble à part, le Château de Pibarnon a lancé son millésime 2024.

Le terroir n’a pas bougé, autour d’un amphithéâtre de vignes dominant la Méditerranée dans un paysage époustouflant. Le style reste intemporel, avec du fruit, du gras, de l’éclat. Les cépages sont immuables, mourvèdre et cinsault, les pratiques conservatrices éthiques et de qualité : rendements faibles, vendanges manuelles, pressurage doux.
« Le vin présente beaucoup de finesse florale. Les épices tentent déjà de s’imposer, en compétition avec les notes fraîches de garrigue. La bouche minérale et sapide contraint encore cette belle chair au devenir éclatant », salive Éric de Saint-Victor, qui façonne Pibarnon, après ses parents. Comme lui, qui milite pour les rosés à la couleur assumée, donnez un peu de temps à ce grand vin embryonnaire, une garantie de plaisir pour les amateurs patients.
9 – Amistà
Le rosé labellisé Rothschild
Depuis Genève, le groupe Edmond de Rothschild fait rayonner la banque, comme les autres branches de la dynastie, à Paris. Sous l’impulsion d’Ariane de Rothschild, il développe aussi une activité d’art de vivre dans l’hôtellerie, à Megève, ou dans la ferme des 30 Arpents, en Île-de-France.

Le vin a pris une place prépondérante à travers une dizaine de domaines, de l’Argentine à la Nouvelle-Zélande en passant par Bordeaux. En Provence, Edmond de Rothschild Heritage signe Amistà, une cuvée réalisée en association avec le cru classé Château de L’Aumérade.
Les équipes des deux maisons ont collaboré à la sélection des parcelles, aux étapes de vinification et à la définition de l’assemblage. Résultat, un élégant concentré des sensations florales et fruitées d’un très bon rosé méditerranéen. Ce vin a été voulu comme un flacon d’exception, produit volontairement en petits volumes, tout en restant à prix raisonnable. Sur l’étiquette, c’est le blason aux cinq flèches de l’illustre famille qui domine le visuel. Ce vin est bien un Rothschild.
10 – Château Giscours
Rosé grand cru
Comme tout le monde, Bordeaux fait du rosé, très peu, mais de plus en plus. Il en existe une variation locale, le clairet, plutôt un rouge pâle. Pas de demi-teinte à Château Giscours, qui produit depuis 2019 un rosé majuscule, presque translucide, mais richement doté.

Propriété de la famille néerlandaise Albada Jelgersma, le troisième grand cru classé de Margaux a réservé une des parcelles dévolues à l’élaboration de son premier vin pour la consacrer au Rosé x Giscours, ainsi que se nomme cette cuvée confidentielle mais très accessible.
Issus à 100 % de cabernet sauvignon, le cépage majoritaire du domaine, les raisins sont vendangés plus tôt. Seuls les premiers jus de pressurage sont retenus. L’aromatique est délicate, la texture, soyeuse. L’ensemble, remarquable, embarque vers la gastronomie. « Préparez-vous à changer d’avis sur le rosé bordelais », clame, bravache, le château aux 450 millésimes. Mieux, Le Rosé x Giscours s’avère l’un des meilleurs rosés offerts en France aujourd’hui.
11 – Château Monestier La Tour
Joyau du Périgord
On les croise plus souvent en Provence ou en Bourgogne, on dit qu’ils dépensent en vins et champagnes autant que leurs voisins allemands, dix fois plus nombreux. Parmi les 8 millions d’Helvètes, Karl-Friedrich Scheufele, le copropriétaire de la maison Chopard, décline sa passion du vin en côtes-de-bergerac ! Pas l’appellation la plus en vogue, très loin du glamour du Festival de Cannes que le joaillier pare de ses plus beaux atours.

Château Monestier La Tour n’en reste pas moins un petit bijou du Périgord, qui dispose d’un vignoble patiemment restructuré depuis 2012 : 22 hectares aujourd’hui, cultivés en biodynamie. Gravé dans les murs de la bâtisse, un cadran solaire est devenu naturellement l’emblème du domaine, le nom également des cuvées génériques, dont un rosé confidentiel très séduisant.
À peine 5000 bouteilles, un assemblage issu de vieilles vignes à parité merlot-cabernet franc, très couleur locale mais peu fréquent en rosé. Il délivre un vin sur le fruit qui reste vif. Et ce Cadran de la famille Scheufele ne va pas vous ruiner : c’est un joyau Chopard à 10 euros.
12 – Les Petites Jamelles
L’esprit joyeux
Les vins français délaissent souvent l’art de l’étiquette, pourtant un moyen établi pour séduire, notamment les nouvelles générations de consommateurs. L’illustratrice Aurélie Castex signe l’identité visuelle de la collection Les Petites Jamelles : un style spontané et chaleureux, presque fruité comme le rosé dans le flacon, une étincelle de fraîcheur et de gourmandise.

C’est un peu l’identité des Jamelles, cette marque lancée il y a trente ans par Catherine Delaunay, Bourguignonne « exilée » en Languedoc pour inventer des vins de cépages généreux et accessibles. « Je suis allée chercher la liberté et la créativité », soutient l’œnologue depuis son bien nommé domaine du Trésor, à Ouveillan, le long du canal du Midi.
Ce joli négoce, à destination des cavistes et restaurateurs, représente aujourd’hui plus de 5 millions de bouteilles chaque année, dont 70 % à l’export dans 60 pays. L’atout prix-plaisir est décisif dans le succès. Même la cuvée premium Reflets Secrets, un assemblage qui ajoute de la complexité à un rosé de bonne facture, n’atteint pas les 10 euros.
13 – Abelé 1757
Bulles couture
Le rosé ne représente qu’une modeste part, en croissance, des 250 à 300 millions de bouteilles de champagne écoulées chaque année. Quelques grandes maisons en ont fait un marqueur, telles Billecart-Salmon ou Ruinart. La confidentielle Abelé 1757, dans le giron du groupe Nicolas Feuillatte depuis 2019, signe son renouveau en bousculant le genre, souvent cantonné à un simple accommodement de chardonnay avec un peu de vin rouge.

Comme un exercice de style, le jeune chef de cave Étienne Éteneau propose une composition à parts égales de chardonnay et de pinot noir, pas n’importe lequel, celui des Riceys. Sur ces coteaux de l’Aube à la lisière de la Bourgogne, la maison de Reims s’approvisionne depuis quarante ans avec la même famille de vignerons.
Un rosé de macération, typique du vignoble, qui imprime la couleur et l’aromatique d’un assemblage original. Une fine bulle, presque évanescente, qui laisse place à une matière ronde et onctueuse pour offrir un champagne porté sur les accords flatteurs d’un repas. Avec ce Brut Rosé, Abelé 1757 dessine une orientation qui devrait renforcer sa singularité.
14 – French Bloom
Summer envie
La liste n’est pas exhaustive : Le Rosé est garanti 0,0 % d’alcool, bio, vegan, sans gluten, sans sulfites, sans conservateurs, sans sucre ajouté… French Bloom soigne son effervescent rosé au plus près du 100 % naturel, alors que les boissons désalcoolisées compensent souvent la perte de substance par les additifs.

Cette cuvée de chardonnay et pinot noir repose sur 30 % de vins de réserve pour la structure. Une pratique champenoise qui n’est pas sans lien avec le casting bien né du leader du sans-alcool premium : Rodolphe Frerejean, propriétaire avec ses frères de la maison du même nom ; Maggie, son épouse, forte d’une expérience dans la gastronomie ; la top model Constance Jablonski pour la french touch sans excès.
Grands restaurants, bars de palaces, fashion week… ils ont vite craqué. En 2024, quatre ans après sa création, Moët Hennessy s’invite en prenant 30 % du capital et déploie sa force de frappe. French Bloom est distribué dans 50 pays, les grands marchés du champagne en tête : États-Unis, Royaume-Uni, Japon, Corée, Suisse. Et pour l’essentiel, des flexibuveurs : un jour avec, un jour sans, la nouvelle ivresse.
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