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Certaines légendes se sont bâties sur des générations ; d’autres réussites, plus récentes, forcent la reconnaissance. Toutes ont en commun le mérite d’incarner une montagne de plus en plus lifestyle au jeu des cinq familles.
Certaines légendes se sont bâties sur des générations ; d’autres réussites, plus récentes, forcent la reconnaissance. Toutes ont en commun le mérite d’incarner une montagne de plus en plus lifestyle au jeu des cinq familles.
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1 – La famille Pinturault à Courchevel
Une transmission en pleine mutation
Avec l’Annapurna 5 étoiles, l’hôtel le plus élevé de la station, Sandra et Alexis Pinturault fêtent cette année cinquante ans d’hospitalité. Si cette parcelle perchée sur les hauteurs de la station n’intéressait personne quand leurs grands-parents en ont fait l’acquisition, en 1972, elle offre aujourd’hui l’un des panoramas les plus étourdissants des 3 Vallées, avec la Grande Casse et l’aiguille du Fruit dans le viseur.
Décidément visionnaires, Christiane et André Pinturault ne se sont pas contentés de transformer le paysage en plantant des sapins, ils ont séduit les privilégiés avec des goûters pantagruéliques, des soirées piano-bar, des buffets festifs et une navette privée pour descendre au village. Rejoints par leur fils Claude, non moins entrepreneur, ils ont continué à peaufiner les codes d’une hôtellerie au sommet, avec des suites, des terrasses baignées de soleil et une piscine extérieure chauffée qui rendent le produit de plus en plus désirable au fil des années 80.
En 2024, c’est l’impulsion de la troisième génération qui augure d’un avenir encore plus épicurien avec la personnalité de Sandra, gastronome exigeante, amatrice de vin, d’art et remarquable cavalière.
Biberonnée à l’esprit d’entreprise familiale et à l’hôtellerie, en particulier après un cursus en école de commerce et finance des marchés, elle commence dès 2013 comme réceptionniste, puis monte les échelons un à un, jusqu’à prendre la direction de l’hôtel en 2019.
Aujourd’hui, celle à qui l’on doit le kids club façon banquise, le club ados et le parcours de street art dans l’hôtel, ne cache pas ses ambitions d’attirer une clientèle de plus en plus hédoniste, avec l’obtention, en 2024, d’une clef Michelin et d’une première étoile pour son chef Jean-Rémi Caillon et sa table Alpage, ultraexclusive (12 couverts seulement) et ouverte au dîner uniquement. En 5 ou 7 temps, ce sont des assiettes millimétrées qui plongent les hôtes dans « une balade en forêt » avec autour, un univers feutré, minéral, signé par le cabinet d’architectes Giffon.
Même le bistrot, convivial mais nappé, obéit aux codes du chic et de l’excellence des produits. La Fèrma, indispensable table de spécialités, suit le mouvement avec un design rural léché et les fromages de compétition du crémier star et MOF Bernard Mure-Ravaud. Si Alexis, son frère, est aujourd’hui le sportif le plus victorieux du ski tricolore (triple champion du monde, triple médaillé olympique…), il n’échappe pas non plus à son destin entrepreneurial.
Il s’est d’abord investi dans la construction des chalets Altaï (trois hébergements d’exception à louer, avec prestations hôtelières) et dans l’ouverture de l’hôtel Les Peupliers (avec, pour restaurant, La Table de mon Grand-Père), dont il prendra la direction dès la fin de sa carrière. La fratrie forme désormais une jeune lignée d’hôteliers ambitieuse, qui déploie une vision de l’hospitalité de plus en plus épicurienne, mais toujours familiale et à taille humaine.
2 – La famille Sibuet à Megève
Le modèle « maisons de famille »
Nous sommes au début des années 80, quand Jocelyne et Jean-Louis Sibuet, enfants du pays et jeunes mariés, ont l’idée de proposer un chic différent dans une station réputée auprès de l’aristocratie. Leur définition du luxe ? Séjourner avec un service aux petits soins, mais dans une décontraction « comme à la maison » reprenant les codes et l’esthétique de la montagne. Plus qu’un art de vivre à la française, il s’agit de valoriser celui de la destination dans laquelle on se trouve.
S’ils se font la main avec un premier petit hôtel, c’est grâce à la construction des Fermes de Marie, au tout début des années 90, qu’ils imposent leur style. Une certaine vision de l’hôtellerie de charme en montagne, et qui demeure pour beaucoup encore une référence. À cette adresse toujours emblématique trente ans après, s’ajoutent l’Hôtel Mont-Blanc, en 1994, puis, deux ans plus tard, le Lodge Park (rénové en grande partie cet hiver, avec un tout nouveau spa de 800 m2 ) dans un esprit de refuge de trappeurs ultrachic…
En 2000, c’est leur coup de cœur pour la Provence lors de vacances en famille qui les appelle à décliner les valeurs de Megève dans la ruralité du parc national du Luberon, avec La Bastide de Marie. La Villa Marie rejoint la collection dans la foulée : une seconde adresse provençale surplombant cette fois la Méditerranée depuis l’arrière-pays tropézien.
Marie ? Le prénom de leur fille aînée qui, bon sang ne saurait mentir, attrape le virus de l’hôtellerie, comme son frère Nicolas. En 2011, âgés de 30 ans à peine, ils imaginent des adresses plus générationnelles, inaugurant une nouvelle typologie d’hôtels à la montagne – Altapura à Val Thorens, Hôtel des Dromonts à Avoriaz, Terminal Neige-Totem à Flaine… – avant de reprendre progressivement la destinée du groupe dans sa totalité.
S’ils acquièrent la Villa Marie à Saint-Barth – un ovni intimiste, loin des plages et à la manière d’une maison coloniale en pleine végétation, offrant un point de vue imprenable depuis le toit de l’île – et ouvrent des tables et lieux d’expériences 100 % montagne à Megève (une table d’hôte dans les alpages, la reprise du plus vieux bistrot de Megève…), ils décident d’un commun accord de se recentrer sur ce qui leur tient à cœur et d’aller là où sont leurs racines.
Restent donc Megève, la Provence, la Côte d’Azur, Saint-Barth et une expertise qu’ils ont su développer en famille au point que les Fermes de Marie en ont fait leur signature : les spas Pure Altitude.Une vision du bien-être inspirée des plantes de montagne, privilégiant une atmosphère minérale, des matériaux bruts et des protocoles singuliers.
Et si, Marie et Nicolas s’investissent à 200 % sur l’architecture d’intérieur et la gastronomie à travers leurs différents établissements, Marie a fait des spas son domaine de prédilection, alors que Nicolas s’attache à développer toute l’offre agrotouristique. Travailler la vigne au milieu des côtes du Luberon s’est imposé naturellement, et aujourd’hui, c’est 80 % des légumes de la Bastide de Marie qui sont produits dans le potager en permaculture. Même fabrication maison pour l’huile d’olive, le miel, les huiles essentielles… Une suite logique à cette vision du luxe authentique en montagne, désormais un peu plus ancré encore dans une expérience de ruralité.
3 – La famille Bouvier à Tignes
Des fines gueules au sommet
Alors que Catherine et Jean-Michel, restaurateurs étoilés à Chambéry, organisent des dîners improvisés au milieu d’un champ ou au bord d’une piste à Courchevel, leur fils Clément, 14 ans, rêve lui aussi de cuisiner un jour en pleine nature. La petite famille finit par s’installer à Tignes en 2008 et inaugure le Whitney Bar, un premier restaurant, et surtout, Les Suites – qu’ils rénovent intégralement en 2013 pour en faire le premier 5-étoiles de la station. La success-story est en marche…
En 2011, ils rachètent le restaurant d’altitude Le Panoramic, dont Clément prend les rênes quelques années plus tard, et il exauce dans la foulée son rêve avec l’ouverture, en 2017, d’Ursus, un « gastro de poche », qui décroche l’étoile deux ans après, puis une étoile verte. Unique en son genre, cette salle à manger recrée l’atmosphère d’une forêt au clair de lune, grâce à 380 sapins du parc des Bauges naturalisés plus vrais que nature.
Une toile de feuillages suspendus au plafond, une moquette de pins sylvestres en trompe-l’œil viennent finir de plonger une trentaine de couverts dans l’intimité d’un dîner planqué dans les bois. Le respect des produits on ne peut plus locaux, des cuissons et la créativité font le reste… La réputation de ce chef passé chez la famille Meilleur, à la table de La Bouitte, à Saint-Martin-de-Belleville, dépasse rapidement les frontières des Alpes.
Cette même année 2017 est marquée par l’ouverture de La Table de Jeanne, avec une cuisine savoyarde confiée au chef Hugo Colombo, considéré comme un membre à part entière de la famille. Suite logique, c’est une épicerie qui valorise la crème des produits et spiritueux alpins qui vient répandre son aura haut de gamme, en 2021, sur la rue commerçante du Val Claret.
Après l’ouverture du Palet – une cantine festive sur les pistes –, en 2023, ce sont deux boulangeries top qualité qui devraient s’installer, d’ici peu, juste à côté d’Ursus et du lac de Tignes. Fins palais, les Bouvier n’en demeurent pas moins entrepreneurs convaincus qu’il est temps pour Tignes de gagner ses galons de station épicurienne, après des dizaines d’années avec l’image d’une usine à skis collée aux spatules.
4 – Florence Carcassonne
L’éloge de la discrétion
Elle est née à Marseille et n’avait aucun lien particulier avec la montagne avant de devenir l’hôtelière la plus chaleureuse de la station huppée des 3 Vallées. L’une des premières femmes à diriger un hôtel de luxe aussi, dès 1979, avec La Trémoille, à Paris. S’ensuivent le George-V, le Martinez, à Cannes, le Royal Mansour, à Casablanca… avant que Jean Cattelin, l’un des pionniers de la station, ne construise La Sivolière, cet hôtel-chalet intimiste, et ne la sollicite pour jouer la cliente mystère.
Désormais indissociable de la destination avec ses 35 chambres et suites à l’abri du m’as-tu-vu, Florence Carcassonne mérite sa place dans ce jeu des cinq familles qui incarnent chacune sa vision de l’art de vivre à la montagne. La sienne ? Cultiver une convivialité peu courante à ce niveau d’hôtellerie.
Au-delà de partager un moment avec sa clientèle, pour la plupart habituée et dont elle connaît chaque prénom, « Madame » (comme l’appellent ses employés) a réussi à combiner un service d’exception inhérent à son palace de poche avec l’accueil décontracté d’une maison de famille.
Si elle fut la première, en 2009, à confier au designer Tristan Auer l’architecture d’intérieur d’un hôtel, elle a inauguré le premier spa Odacité en France et même imaginé des semaines « hypno naissance » pour accompagner les couples qui attendent un enfant. Chez elle, les plus petits ont leur propre réception et check-in, avec des attentions tout au long du séjour.
Pas bégueule, elle a aussi développé une offre pour les chiens, après qu’un couple séjournant dans un chalet de la station n’acceptant pas les animaux lui réserve une chambre et lui confie ses deux « enfants ». Elle a ainsi réconcilié Courchevel avec une clientèle fortunée et discrète, exigeante mais en quête de simplicité.
5 – La famille Mattis à Val-d’Isère
Un tempérament de pionniers
Il faut remonter jusqu’à Cécile, veuve de guerre à qui l’État offre un débit de tabac qu’elle transforme en une pension de famille, pour constater à quel point le destin avalin des Mattis a traversé les générations. Une pension qui devient l’hôtel Bellevue dans les années 20. Une exploitation un peu lourde pour une femme seule, qui appelle à la rescousse son fils Roger et son épouse, alors installés à Paris.
Ces derniers donnent successivement naissance à cinq garçons – Guy, Philippe, Yvon, Alain et Gérard – au sein même de l’hôtel, construisant dans la foulée un 4-étoiles devenu depuis emblématique de la station, le Tsanteleina. Si Alain en est le cuisinier, il devient très vite exploitant agricole – la Ferme de l’Adroit, une institution où l’on vient observer aujourd’hui les vaches laitières et acheter son bleu de Val-d’Isère –, tandis que Guy, l’aîné, prend la direction de l’hôtel, plus tard rejoint par ses quatre enfants, dont l’un, Renaud, a depuis repris à son compte le débit de tabac historique.
Yvon, lui, investit à l’époque le Bellevue, rénové en 3-étoiles de charme il y a dix ans et rebaptisé Les 5 frères par sa fille Audrey et sa cousine Valérie. Visionnaire et entrepreneur comme ses parents, Yvon crée aussi les premiers safaris-photos. Un succès et un cercle vertueux, puisque les touristes viennent s’équiper de pied en cap chez Gérard et Philippe, tous deux moniteurs de ski (Philippe est entraîneur de l’équipe nationale d’Iran), qui ont développé en parallèle cinq magasins de sport.
Des commerces gérés aujourd’hui par Géraldine, l’une des filles de Philippe, et son époux, tandis que Claudine, fille d’Alain, tient la crémerie incontournable du centre de village. Des femmes qui viennent ainsi marquer, de par leur sens de l’entrepreneuriat, la fin d’une époque pour cette famille de bâtisseurs, à laquelle le grand-père n’avait imposé qu’une seule règle : « Pas de femmes dans les affaires, confie en riant Audrey. Il faut préciser que l’attachement à Val-d’Isère va bien au-delà des affaires, poursuit-elle. Guy a été maire de la station pendant plusieurs années et Gérard l’a été par intérim durant le Covid ».
Une implication plus globale et une vision patrimoniale qui ne sont pas étrangères à une certaine authenticité qu’a su préserver la station malgré un développement de plus en plus haut de gamme ces dernières années.
Les5freres.com / Tsanteleina.com
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