Toys
D’un spécialiste des maquettes de projets architecturaux, l’atelier britannique est devenu le plus exclusif des fabricants de modèles réduits automobiles. Un travail d’artisans de haut vol pour amateurs fortunés.
C’est un peu le Savile Row de la belle voiture. Un artisanat du sur-mesure, qui n’a pas pignon dans Mayfair, à Londres, mais à Bristol, dans l’industrieux sud-ouest de l’Angleterre. « Vous en rêvez, nous pouvons le créer », promet Amalgam Collection à ses clients désireux d’acquérir un joli bolide… en modèle réduit.
Il leur en coûte l’équivalent de plusieurs milliers d’euros, parfois plusieurs dizaines de milliers et au-delà ! Mais sur une photo, impossible de discerner l’original de la réplique, tant le détail le plus infime ne manque pas. Pour illustrer cette quête de la perfection des équipes de l’atelier britannique, qui vend ses créations dans le monde entier, prenez la reproduction de la Ferrari 250 LM accidentée aux 24 Heures du Mans de 1965 : les dégâts sur la carrosserie ou les éclats de la peinture ont été répliquées à l’exact identique de la voiture de course.
Pour chaque modèle, assemblé à la main, les éléments les plus insignifiants ont un sens : la fixation d’un disque de frein, la vis d’un capot, l’emplacement d’un autocollant… « Nous sommes des artisans, pas des artistes que sont les grands designers automobiles. Mais si certains m’affirment que nous faisons de véritables objets d’art, je ne vais pas les contredire », sourit Sandy Copeman, l’un des quatre fondateurs à l’origine de la société Amalgam Collection.
Amalgam Collection x Ferrari, un partenariat en or
L’aventure a commencé en 1985 par la création de maquettes pour des architectes, notamment le célèbre Norman Foster, qui reste un compagnon de route d’Amalgam Collection. Dix ans plus tard, c’est Sandy Copeman qui décide d’aborder le secteur automobile par le biais des grandes écuries britanniques de formule 1. En choisissant des modèles réduits de grande taille, à l’échelle 1/8, soit 60 cm de longueur en moyenne, il se démarque d’emblée des concurrents de l’époque.
Mais c’est le partenariat avec Ferrari, en 1998, qui va sceller l’essor d’Amalgam. Sandy Copeman se souvient de ses discussions avec Jean Todt – alors directeur de la Scuderia et grand fan de maquettes –, surtout des très longues négociations pour ficeler le contrat de licence qui prévoit un partage de la commercialisation.
Depuis celle de Michael Schumacher, à l’époque, toutes les monoplaces de l’écurie sont entrées au catalogue, de même que tous les modèles emblématiques du constructeur de Maranello. Travailler avec les plus grandes marques, c’était l’ambition initiale d’Amalgam. D’abord dans la course automobile, puis directement avec les constructeurs, de luxe essentiellement, comme Bentley, Bugatti ou Maserati. Qui sont des partenaires – pour les licences comme pour l’accès aux plans techniques les plus détaillés – et en même temps des clients pour la décoration de leurs showrooms, notamment.
Sans être issu du monde de l’automobile, Ralph Lauren est un fidèle d’Amalgam, à qui il a demandé de modéliser son exceptionnelle collection de voitures anciennes à l’occasion d’une exposition présentée à Paris en 2011. Le couturier américain en a été tellement satisfait que, depuis, il vend des modèles dans ses boutiques.
Autre collectionneur de haut vol, l’horloger français Richard Mille a commandé des reproductions, d’abord pour lui-même. « Nos clients sont soit fous, soit riches ! » résume, dans un rire, Sandy Copeman. Et parfois les deux : l’agent d’Amalgam pour la France et le Benelux, Grégory Gaye, a reçu commande d’un moteur de Bugatti Chiron à l’échelle 1:1 !
« Le devis allait bien au-delà de 100 000 € et Bugatti a géré la commande directement », explique ce Belge venu de l’horlogerie, un univers de clientèle assez proche, qui ajoute, non sans malice, « je suis en train de livrer une voiture », alors qu’il apporte le modèle réduit ! Patrick Peyrussie, lui, n’est ni fou ni riche, seulement « un passionné de formule 1 et très méticuleux ».
Ce promoteur immobilier de Dijon, qui ne possède pas de Ferrari, vient néanmoins de s’offrir la SF1000 de Charles Leclerc ainsi que son volant. Un très joli cadeau qui dépasse tout de même les 10 000 euros. « La différence entre les enfants et les adultes, c’est le prix des jouets, sourit-il. Je réalise moi-même des maquettes d’avions, mon autre passion. J’ai un souci du détail très poussé, et plus la maquette est grande, plus les détails deviennent pointus. J’ai trouvé ce souci de la perfection chez Amalgam. »
Un virage bénéfique
Pour élargir son marché, la société britannique, aujourd’hui dans le giron de Motorsport Network, a développé une gamme 1/18 depuis 2016 : une sélection de voitures classiques, modernes et de formule 1 nettement plus abordable, à partir de 782 euros.
Un segment sur lequel existe aussi une plus grande concurrence. Le virage a été bénéfique, avec une croissance moyenne du chiffre d’affaires de 30 % ces dernières années, selon Sandy Copeman qui assure : « Nous restons raisonnablement rentables parce que nous ne mettons pas de limite à notre travail. Le développement d’un nouveau modèle à l’échelle 1/8 peut représenter, à lui seul, jusqu’à 5 000 heures de travail. »
La production s’opère depuis trois sites : celui, historique, de Bristol, celui de Dongguan, en Chine, qui fabrique les modèles 1/8 et 1/18, et le dernier, inauguré en 2015 à Pecs, en Hongrie, spécialisé sur les modèles 1/8 et 1/5, notamment pour Ferrari et Porsche. Amalgam s’est aussi développé dans les bateaux, en maquettant, notamment, le Panthalassa de Perini Navi, un voilier de 56 mètres dont Norman Foster a réalisé l’aménagement intérieur.
Et c’est encore l’architecte prolifique de 86 ans, fanatique d’avions, qui a poussé ses modélistes préférés à reproduire, il y a sept ans, chacun des modèles qu’il a pu piloter ! L’activité reste encore modeste, mais le bureau d’études développe actuellement un chasseur Lockheed Blackbird au 1/40 que l’amateur peut réserver pour 40 000 euros ! De l’asphalte jusqu’au ciel, il n’y a pas de limite à l’orfèvrerie obsessionnelle des artisans de Bristol.
Lire aussi
Vidéo : Au Pullman, le temple des ferrovipathes
Kiade, des maquettes dans les règles de l’art
Trajectoire 1:32 : la magie du circuit électrique avec Denis Bontemps