Voyage
Loin d'être aussi convoitée que la capitale belge, Anvers est souvent reléguée au rang de ville portuaire. Elle incarne pourtant une multitude d'identités qui témoignent incontestablement de sa richesse. Décryptage de la cité flamande.
Un formidable concentré d’architecture. Visiter Anvers, c’est déambuler dans un paysage urbain où tous les styles d’architecture se télescopent, parfois dans le même bâtiment. L’église Saint‑Paul est ainsi « un bijou baroque dans un écrin gothique ». L’hôtel de ville a une façade Renaissance du XVIe siècle, de style maniériste, mais son « bel étage » est une extraordinaire enfilade de salles néobaroques du XIXe siècle décorées de fresques.
Le musée Red Star Line est situé dans les anciens hangars en briques de cette compagnie qui transporta 2 millions d’émigrants aux Etats‑Unis entre 1873 et 1934. Sa tour d’observation de 30 mètres de haut, qui figure une cheminée de paquebot stylisée, a été dessinée par une firme d’architecture américaine en 2012.
Et, bien sûr, la fabuleuse Maison du port est un ovni scintillant posé par l’architecte Zaha Hadid sur une ancienne caserne de pompiers datant de 1920, elle-même réplique exacte d’une résidence hanséatique du XVIe siècle détruite par un incendie.
Un enchevêtrement de styles constant
Dans le centre, en 45 minutes à pied, on peut passer devant la maison de Rubens, inspirée d’un palais de la Renaissance italienne ; la cathédrale Notre-Dame, sommet de l’art gothique brabançon ; la tour des Paysans, premier gratte-ciel du continent européen conçu en 1932, résolument Art déco ; la joaillerie Ruys, un chef‑d’œuvre Art nouveau datant de 1902, dont la façade et les cabinets sont en bois sculpté, et les planchers en mosaïque ; la gare d’Anvers‑Central (1905), l’une des plus belles du monde, un exemple de style éclectique aussi impressionnant que l’opéra Garnier ; le palais du Meir, monument rococo conçu au XVIIIe siècle ; la maison Van Roosmalen, le premier immeuble contemporain sur la rive de l’Escaut, construit sur sept étages en 1988 dans le style « industriel maritime », rayé noir et blanc, inspiré d’un projet de l’architecte Adolf Loos pour Joséphine Baker en 1926 ; le néotemple égyptien du zoo d’Anvers…
Des dizaines d’autres bâtiments remarquables et étonnants parsèment la ville. Pour n’en citer qu’un de plus, le palais de justice dessiné par l’agence de Richard Rogers dans le sud de la cité fait écho, depuis 2005, à la Maison du port, dans le nord. Sur son toit, des paraboloïdes hyperboliques figurent une série de voiles qui rappellent elles aussi le destin maritime d’Anvers. P. P.
Capitale européenne de la coke
Plus de la moitié de la cocaïne consommée en Europe entre par le port d’Anvers. La métropole bat des records en nombres de saisies, se plaçant largement devant les ports de Rotterdam et de Hambourg. En 2018, la ville néerlandaise a intercepté 19 tonnes de cocaïne, tandis que les douanes belges en saisissaient 50 tonnes. En cinq ans, la quantité saisie a plus que sextuplé.
L’année 2019 marquera un nouveau record d’après l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Plus de 40 tonnes ont été saisies pendant les neuf premiers mois de l’année. Si ces quantités témoignent d’une plus grande coopération internationale dans la lutte contre la drogue, elle en dit long sur la difficulté du contrôle douanier sur le port d’Anvers.
« Mort aux informateurs »
Cette zone portuaire, l’une des plus étendues au monde, est traversable en voiture et n’est pas fermée comme à Rotterdam. Alors qu’aux Pays‑Bas la marchandise est directement scannée aux portiques situés sur le terminal à conteneurs, à Anvers, le transporteur amène le conteneur du terminal au scanneur.
Entre‑temps, il peut tout à fait se débarrasser de la marchandise illicite. Dès son arrivée au pouvoir en 2013, le bourgmestre Bart De Wever avait parlé d’une guerre sans merci contre le trafic de stupéfiants. Dans le cadre du récent Stroomplan, la coopération intensive entre la police, la douane, le parquet et la communauté portuaire a été renforcée. Un consortium de l’université d’Anvers étudie la possibilité de scanner tous les conteneurs entrant et sortant du port via l’échantillonnage de l’air dans ces conteneurs. La technologie ne sera pas disponible avant 2027.
En attendant, les employés du port peuvent signaler anonymement toute transaction suspecte. Mais les organisations criminelles menacent déjà tout collaborateur avec des centaines de flyers portant la mention « Mort aux informateurs » distribués à Anvers et dans des communes voisines. Pour le bourgmestre, « on n’est pas loin du point où les hommes politiques peuvent se faire acheter, tant les sommes tirées du trafic de cocaïne sont colossales. La société est menacée. » S. R.-S.
Une scène culinaire bouillonnante
Vingt restaurants étoilés, dont quatre avec 2 étoiles au Michelin dans la région anversoise, quasiment deux fois plus que dans la ville de Toulouse, de taille comparable. Le guide Michelin n’est certes pas le seul garant de la qualité de l’offre culinaire d’une ville. Mais le nombre d’étoilés dit quelque chose de la richesse de la cuisine anversoise.
Rien de nouveau ni d’étonnant pour cette ville qui fut la porte d’entrée de toutes sortes de boissons, épices et denrées alimentaires du monde entier. L’identité culinaire belge, longtemps associée à la Wallonie, peut désormais compter sur une nouvelle génération de chefs anversois soucieux de promouvoir le terroir flamand. Julien Burlat, l’un des premiers Français à s’installer à Anvers, les appelle les « enfants de Dries Van Noten et des Six d’Anvers ». Ce qui les distingue ? La recherche d’une cuisine innovante et locale influencée par une vague nordique.
Seppe Nobels fut l’un des premiers à se concentrer sur le local, très local même, puisque, pour sa cuisine où le légume est roi, il dispose d’un potager dans le jardin de son restaurant Graanmarkt 13. Nick Bril et Sergio Herman, aux manettes du Jane, sont les autres stars de cette gastronomie anversoise.
A l’hôtel Julien, chez Jane ou chez August, Nick Bril sublime des produits locaux, comme ses tomates qu’il fait pousser sur les toits à deux pas. Surnommés les Flanders Kitchen Rebels, 64 chefs de moins de 35 ans font aussi bouger les lignes, avec une cuisine moderne proche de la bistronomie où rien ne se perd et tout se sert.
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Parmi eux, Davy Schellemans, du Veranda, l’un des pionniers du mouvement, suivi par Dennis Broeckx, de l’épicerie du Cirque, ou Nathan Van Echelpoel, chef du Nathan. Chez les rebelles, pas de nappe blanche ni de homard, mais des poissons de la mer du Nord et un service proche du client. Comme pour couronner cette scène culinaire qui ne cesse de se renouveler, l’édition 2020 de l’un des événements gastronomiques les plus influents du monde – le World’s 50 Best Restaurants – aura lieu à Anvers. S. R.-S.
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