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Minsk, la Silicon Valley biélorusse

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Porté par des ingénieurs « forts en maths » puis par d’importantes exonérations fiscales, le secteur informatique biélorusse s’est rapidement développé, jusqu’à devenir le vecteur des espoirs économiques du pays. Cet héritage nourrit les start-up locales, qui intéressent à présent les géants du numérique.

Lorsque Google a annoncé, en août dernier, avoir racheté AIMatter, une start-up basée à Minsk, en Biélorussie, spécialisée en intelligence artificielle, beaucoup ont eu besoin de consulter un atlas pour savoir où se situait cette ex-république soviétique. Déjà en 2016, Facebook avait racheté une autre start-up biélorusse, Masquerade, dont l’application MSQRD ajoute des masques et des filtres aux selfies. A y regarder de plus près, on s’aperçoit que Minsk et le numérique font bon ménage, et ce depuis pas mal d’années. La ville a donné naissance à plusieurs start-up dont la réputation a franchi les frontières du pays. Le jeu vidéo World of Tanks, qui compte plus de 180 millions de joueurs dans le monde, y a vu le jour, et se paie le luxe d’habiller de pixels noirs et orange un avion de la compagnie nationale Belavia.

La capitale de la Biélorussie est un vivier de start-up ultradynamiques.
La capitale de la Biélorussie est un vivier de start-up ultradynamiques. Sergei Gapon

D’autres applications, comme celle de téléphonie gratuite Viber, rachetée par le Japonais Rakuten en 2014, ou celle de cartographie Maps.me, acquise par le fournisseur de services Internet russe Mail.ru, ont ajouté à la notoriété de la capitale biélorusse dans le monde numérique. Après l’effondrement de l’URSS, la Biélorussie était un petit pays plutôt pauvre de 9 millions d’habitants, coincé entre la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Russie et l’Ukraine. Son économie reposait sur des entreprises publiques, surtout dans l’industrie lourde et l’agriculture.

Le rapatriement vers la Russie des grands projets dans le spatial a laissé de nombreux ingénieurs, physiciens et mathématiciens sur le carreau. Nombre d’entre eux ont émigré aux Etats-Unis ou en Israël. Ceux qui sont restés se sont lancés dans l’informatique, d’autant plus que les banques et les assurances, qui démarraient leurs activités, commençaient à s’informatiser. « Développer nos compétences en informatique nécessitait peu d’investissement au démarrage, contrairement à l’industrie », constate Ulad Radkevitch, vice-président ­Business développement de la société informatique ScienceSoft. De bons ingénieurs et un marché intérieur limité qui oblige à penser « global », les ingrédients étaient réunis pour que la Biélorussie se fasse une réputation dans le développement logiciel et dans l’outsourcing, autrement dit le développement pour le compte de grandes sociétés internationales, comme IBM ou Oracle.

Les bureaux de l’éditeur de jeu Vizor Interactive ont été aménagés par les jeunes architectes locaux de studio 11.
Les bureaux de l’éditeur de jeu Vizor Interactive ont été aménagés par les jeunes architectes locaux de studio 11. Sergei Gapon

Vingt-cinq ans plus tard, Minsk et son économie sont au milieu du gué.

Les vestiges de l’ère soviétique côtoient les signes d’une société qui tend vers l’Europe. Les bâtiments staliniens du gouvernement, des administrations et de l’université font face aux nouveaux immeubles de verre et d’acier construits par des architectes venus de l’Ouest. Et l’informatique d’entreprise cède du terrain aux start‑uppeurs en jean et baskets qui parlent de numérique, pianotent sur leurs smartphones dernier cri et rêvent de Silicon Valley lors de meet-up à l’incubateur du coin. Le pays ambitionne de devenir une « start-up nation » slave. Les ­récentes acquisitions montrent que, désormais, les entreprises biélorusses sont dans le radar des géants du numérique. Le régime ­autoritaire en place semble avoir pris la ­mesure des enjeux. Il assouplit ses positions face aux investisseurs qui, de fait, seraient plus enclins à rester dans le pays.

Créé en 2013, le hub de start-up Imaguru sert de lieu d’échanges et de rencontres.
Créé en 2013, le hub de start-up Imaguru sert de lieu d’échanges et de rencontres. Sergei Gapon

Chronologie biélorusse

Biélorussie.

1991: la Biélorussie devient une république indépendante après l’éclatement du bloc soviétique.

1993: création d’EPAM, société de développement informatique. Entrée en bourse à New York (NYSE) en 2012, c’est la première et la seule société biélorusse cotée aux Etats‑Unis. Elle emploie aujourd’hui plus de 20000 personnes dans le monde.

2005: création de la loi Hi-Tech Park et du site éponyme.

2014: le Japonais Rakuten rachète l’application de téléphonie gratuite Viber pour 900 M $.

Mars 2016: Facebook acquiert MSQRD.

Août 2017: Google rachète AIMatter.

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