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Maserati vient de fêter ses 110 ans et maintient son dynamisme en lançant la GranTurismo Folgore. Durant les trois-quarts de son histoire, la marque au trident n’a eu de cesse de renouveler le genre des autos de Grand tourisme, les fameuses GT, qui caractérisent d’autant plus le constructeur qu’il a été l’instigateur de cette catégorie.
Printemps 2024 : coup de tonnerre chez Maserati, qui révèle au public la première GT 100 % électrique de l’histoire, pour l’occasion baptisée GranTurismo Folgore (foudre, en italien). L’annonce est loin d’être anodine pour une marque qui a pour ainsi dire lancé la catégorie Gran Turismo il y a presque quatre-vingts ans.
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Depuis, la formule a largement été récupérée par des firmes souhaitant allier sportivité et confort, élégance et puissance, pour des modèles où l’on peut embarquer quatre personnes. Souvent, l’adoption du terme GT est devenue une déclaration claire d’un surgain de puissance pour des autos au départ plus communes. Mais « GT » devient aussi une dénomination dans l’univers de la compétition… En d’autres termes, le sigle GT va largement être employé pour vulgariser un esprit sportif en automobile.
Les frères des origines
Pour comprendre l’attachement de Maserati à la catégorie des « vraies » GT, il n’est pas inutile de revisiter l’histoire de cette firme aux aspirations très sportives nées au début du XXe siècle, bien avant les Ferrari et Lamborghini. Maserati porte le nom d’une fratrie composée de Carlo, Bindo, Alfieri, Mario, Ettore et Ernesto, née entre 1881 et 1898.

Cinq de ces frères (tous sauf Mario, qui dessinera tout de même par la suite le logo de la firme familiale) développent une passion effrénée pour la mécanique, ce qui les conduit à évoluer au sein de différentes firmes et écuries de course de cette industrie automobile naissante. En 1914, Alfieri décide de créer sa propre société, La Società Anonima Officine Alfieri Maserati, et y entraîne deux de ses frères (Ettore et Ernesto).
La course est pour ainsi dire leur moteur et les autos, qu’initialement ils préparent, puis qu’ils conçoivent intégralement – dont l’iconique Tipo 26 –, font des miracles sur les circuits. D’ailleurs, les frères Maserati ne sont pas que des techniciens, ils prennent part aux compétitions derrière le volant. Alfieri va en mourir en 1932, des suites d’un grave accident survenu quelques années plus tôt durant la Coupe de Messine.
Dès lors, la marque connaît des déboires, financiers et de concurrence, et passe en 1936 dans les mains de la famille Orsi, de riches industriels de Modène. Ce changement conduira, trois ans plus tard, à l’installation de Maserati – le nom ne change pas – dans cette ville d’Émilie-Romagne.

À peine sortie de la Seconde Guerre mondiale, Maserati élargit ses ambitions et lance, en 1946, sa première voiture de route, l’A6 1500 – « A », pour Alfieri et « 6 » pour le nombre de cylindres du moteur de 1 500 cm3 –, que l’on qualifie au départ de « berlinette », mais qui s’avère très vite la première Grand tourisme de l’histoire. D’ailleurs, le nom va vite venir s’accoler au sigle GT sur l’une des variations.
Cette dénomination ouvre ainsi la voie à une nouvelle catégorie, puisque Lancia l’utilise en 1954 pour sa Lancia Aurelia B20 GT, qui évolue en compétition, mais peut aussi rouler sur route au quotidien. Comme l’A6 1500 GT, la Lancia est un coupé équipé d’un hayon qui permet potentiellement de loger plus facilement des passagers sur une petite banquette arrière.

Cette caractéristique d’une ligne arrière en fastback va perdurer, devenant un signe distinctif pour de nombreux constructeurs souhaitant inscrire des GT à leur catalogue : Aston Martin avec la DB2, Ferrari avec la 250, Triumph avec la MGB, Ford avec une variante de la Mustang, Saab pour les premières 900, et encore plus proche de nous, Bentley avec la fameuse Continental.
Le début de la série
Chez Maserati, c’est véritablement la sortie de la 3500GT, en 1957, qui fait passer le pas au constructeur vers de la production en grande série. Ce modèle, dessiné par le carrossier Touring, délaisse le hayon au profit d’un grand coffre à plat, mais conserve néanmoins l’appellation, puisque son positionnement est véritablement celui d’une routière très performante au charme indéniable.

Sa ligne va d’ailleurs connaître un vrai succès d’estime auprès de célébrités de l’époque, du prince de Monaco à Anthony Quinn, qui la plébiscitent. L’histoire raconte qu’elle sera même le point de départ de la commande très spéciale du chah d’Iran à la firme de Modène. C’est ainsi que la 5000 GT voit le jour deux ans plus tard.
Ce coupé est équipé d’un V8 de 5 litres de cylindrée, qui développe 340 chevaux et peut atteindre les 270 km/h. L’auto est pour le moins radicale pour l’époque, également dans sa ligne, que d’aucuns jugent parmi les plus réussies de l’époque : l’habitacle, abritant seulement deux places, semble émerger au milieu d’un capot et d’un coffre à la taille spectaculaire.

Davide Grasso confiait dans un entretien paru il y a quelques années dans nos pages avoir comme premier souvenir de la marque précisément ce modèle, dans un vert proche du céladon, réalisé spécifiquement pour le chah.
Dans le sens du vent
Si au début des années 60, la Sebring s’inscrit dans cette lignée stylistique, la Mistral, lancée à la même période, amorce un design plus fluide, plus étiré, plus proche aussi de l’image que l’on se fait aujourd’hui d’une voiture de sport, voire d’une supercar. C’est aussi le début de la désignation des modèles à partir de noms de vents : suivront ainsi la Ghibli, la Bora ou encore la Khamsin, dont le design exprime clairement la puissance des voitures sans renier l’extrême élégance qui doit caractériser une GT.

Dans le même temps, durant les années 70, tandis que la marque passe de main en main, Citroën puis De Tomaso, des modèles comme la Kyalami et la Mexico conservent les attraits pour le moins élégants d’un coupé à trois volumes. À noter d’ailleurs que durant la période au sein de la marque au double chevron, Maserati contribue largement à la mise en œuvre de la SM, authentique et unique GT de la firme française, mal-aimée durant un temps, mais aujourd’hui reconnue comme l’une des autos les plus iconiques au monde.
Sous l’ère DeTomaso, les plans visent plutôt à produire des autos plus économiques, et qui donc touchent un plus large public. La gamme des Biturbo va s’étirer sur treize années, avec pas moins d’une vingtaine de modèles, dont certains, à l’image de la Shamal, peuvent être rangés dans la catégorie des GT. Même si, pour être honnête, la ligne évoque plutôt la déclinaison en coupé d’une berline. Il faudra attendre le rachat par le groupe Fiat pour voir une nouvelle et véritable GT, la 3200 GT, s’afficher au catalogue.

Avec sa ligne à la fois racée et raffinée, l’auto est un vrai succès et relance cet attachement de Maserati à la catégorie, tandis qu’elle a dans le même temps auguré des fameuses Quattroporte, qui vont faire figure de classe à part entière. Mais ça, c’est une autre histoire ! Le nom GranTurismo est pleinement utilisé à partir de 2007, avec un modèle qui pose les lignes de ce que cette auto, même encore aujourd’hui, doit exprimer.
Une voiture de près de cinq mètres de long, un habitacle permettant de faire voyager confortablement quatre personnes et des performances dignes d’une supersportive. Le modèle repensé en 2023 conserve les mêmes caractéristiques, et c’est sur cette base que la GranTurismo Folgore a pris forme. En raison de la technologie électrique, l’auto bénéficie toutefois d’un châssis dont la structure est tout à fait spécifique (T-Bone), qui permet de loger les batteries de la manière la plus efficiente possible pour alimenter le moteur avant et les deux moteurs situés à l’arrière.

Justement, côté motorisation, la firme au trident avait ces dernières années habitué son public au V8, provenant de chez Ferrari, ou bien au fameux V6 maison, baptisé Nettuno, dont la sonorité est particulièrement caractéristique. Les 761 chevaux affichés par la Folgore ne marquent aucunement une baisse de régime d’un point de vue des performances, ce serait même plutôt l’inverse. Côté « musique », Maserati a fait plancher ses ingénieurs pour imaginer des émissions sonores propres à la Folgore et qui permettront de satisfaire les nostalgiques.
Encore une fois, Maserati ouvre une nouvelle voie avec cette GT électrique, dans un contexte où l’industrie automobile continue pourtant de miser fort sur la catégorie des SUV. Gageons que cette audace incitera la concurrence à venir étoffer l’offre de marché des sportives, qui voient ainsi leur malus tout simplement annulé.
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