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Sandibe Okavango Safari Lodge, Botswana
La terrasse, qui s’étale au cœur d’une végétation magnifique, fait office de lobby, où sont accueillis les visiteurs. Incroyable havre de paix au dos rond imaginé par Nicholas Plewman, il laisse entrer les arbres et le bruit des oiseaux, prélude à la générosité du site.
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Le luxe durable et responsable au Sandibe Okavango Safari Lodge

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Au Botswana, le Sandibe Okavango Safari Lodge est un vaisseau dont la coque inversée, ancrée en terre, semble avoir été imaginée pour que les hommes réapprennent à partager la nature et à vivre avec les animaux.

A l’ouest, d’épais nuages noirs témoignent du déluge qui s’abat sur les hauts plateaux de la région angolaise de Huambo. Au Botswana, c’est aussi la saison des pluies. Mais ici, cela suffit juste à remplir les mares où vient s’abreuver la grande faune africaine. « En cette saison, l’Okavango est plutôt sec, explique Greg, le manager du Sandibe. L’eau qui tombe en Angola va mettre quatre mois à venir dans le delta, remplir ses multiples bras et faire de cet endroit un vrai paradis sur terre au cœur de la saison sèche, de juin à septembre ! » Les caprices de la géologie ont voulu que le cours de l’Okavango aille se perdre dans les sables des vastes plaines du Botswana, créant un écosystème unique, propice au développement d’une faune et d’une flore d’une variété extraordinaire. Une aubaine pour le gouvernement botswanais, qui a fait du tourisme , notamment le business du safari, l’un des piliers de son économie.

Mais, à l’inverse du Kenya et de la Tanzanie, le pays a choisi de miser sur un tourisme haut de gamme et exclusif, sur lequel est venu se greffer, dernièrement, un volet « responsable ». A l’occasion de ses cinquante ans d’indépendance, le pays accueille à Kasane, du 25 au 28 avril, la dixième Conférence sur l’écotourisme et le tourisme durable (ESTC), qui rassemble plus de cinquante pays désireux de faire du tourisme « un levier économique viable respectueux des hommes et de l’environnement ». Le Botswana fait figure de bon élève de la classe. En 2014, il a interdit la chasse sur son territoire et a mis en place, dès 2009, un système de certification touristique qui encourage les initiatives répondant à des engagements écologiques supérieurs aux normes internationales en vigueur. Ce système repose sur cinq principes : minimiser les impacts sociaux, culturels et environnementaux négatifs ; optimiser une redistribution équitable des profits du tourisme en faveur des populations locales ; optimiser les revenus du tourisme afin de financer la protection de l’environnement ; éduquer les visiteurs et les populations locales à l’importance de protéger l’environnement, source de revenus ; proposer aux visiteurs des expériences de qualité.

Résultat, le delta de l’Okavango a été admis, dès 2014, dans le top 100 des destinations touristiques durables avant d’être admis, la même année, au patrimoine mondial de l’Unesco ! Le ­Sandibe Okavango ­Safari Lodge s’inscrit naturellement dans cette politique. Et le manager du Sandibe de préciser : « Ici, la terre appartient au gouvernement. Les lodges sont construits dans des concessions louées pour quinze ans. L’idée, c’est que chaque lodge soit démontable et ait le minimum d’impact sur la nature si jamais la concession n’était pas renouvelée. » Aussi, lorsque la première concession du Sandibe est arrivée à son terme, le groupe &Beyond a pu la prolonger en proposant un nouveau projet. Les anciennes structures en béton du lodge précédent ont été remplacées par une architecture en bois sur pilotis imaginée par l’architecte sud-africain Nicholas ­Plewman et mise en œuvre par le cabinet anglais ­Michaelis Boyd. « Neuf mois de travaux, un ballet de milliers de camions à travers la brousse, 6 millions de dollars d’investissements ! » Greg en a encore le tournis. Mais le résultat est remarquable. Invisible au milieu des arbres, une immense coque en bois accueille les visiteurs, dos rond de bardeaux tout juste percé d’une porte. A l’intérieur, la nature se fait plus présente. Des arbres poussent au milieu de la structure en bois grande ouverte au soleil couchant. A droite, le restaurant, au centre, des sièges profonds pour se relaxer, à gauche, en haut des marches, le bar et l’accès à la terrasse qui domine une mer de papyrus, terrain de jeu des hippopotames. La décoration est simple, résolument africaine avec ses paniers tressés, ses bols en bois et ses bouquets de cornes d’animaux. De là partent deux chemins qui, se faufilant entre les arbres, mènent à douze bungalows sur pilotis, autant de nids accueillants et discrets disséminés dans la nature. Vaste chambre avec salle de bains ouverte, belle terrasse avec petite piscine et vue imprenable… nul doute que le luxe s’est bien invité en brousse.

Le luxe au plus près de la nature
« C’est en son nom que nous faisons des entorses à notre engagement pour un tourisme durable, s’amuse le manager du Sandibe. Vu les tarifs proposés – nous avons quinze ans pour amortir les investissements et être rentables –, nous ne pouvions proposer un hébergement sans air conditionné, sans électricité ni eau chaude en continu. Nous avons donc recours à un groupe électrogène, même si plus de 80 % de notre énergie est désormais fournie par des panneaux solaires. ». Pour cette première au Botswana, le Sandibe a été élu cette année Best Eco Conscious or Socially Conscious Hotel par les Gold Key Awards for Excellence in Hospitality Design. Depuis, d’autres lodges lui ont emboîté le pas, encouragés par le gouvernement d’un pays qui importe 100 % de son énergie. C’est désormais l’une des obligations du cahier des charges imposé par les autorités locales. Un autre volet de ce cahier est la protection de la nature. Chaque lodge se doit de veiller sur la faune et la flore de sa concession, soit en recrutant ses propres rangers, soit en faisant appel à des entreprises privées. Sur ce sujet, Moss, l’un des guides du Sandibe, est intarissable : « Pour la flore, notre principal souci vient des éléphants. En saison sèche, ils raffolent des sels minéraux et de l’humidité contenus dans les baobabs. Nous avons donc dû mettre des grillages pour les protéger. Ailleurs, ils déciment la forêt, mais, en même temps, ils participent à son renouvellement en disséminant les graines et en permettant à d’autres espèces animales d’y vivre, comme le grand koudou. » Avec une population d’éléphants estimée à près de 150 000 individus, soit près du tiers des effectifs africains, le Botswana est un havre de paix pour la faune. S’il existe un braconnage lié à la consommation de viande de brousse par les populations locales, il n’est pas une menace majeure, au contraire de ce qui se passe dans les pays voisins. En 2014, 1 215 rhinocéros ont été tués en Afrique du Sud (le kilo de corne vaut 60 000 dollars, soit deux fois le prix de l’or). Selon le World Wildlife Fund (WWF), ONG de protection de la nature, le trafic des cornes de rhinocéros a été multiplié par 30 entre 2000 et 2014. Pour les éléphants, la situation ne vaut guère mieux. Environ 50 000 éléphants sont tués chaque année pour leur ivoire. « Le braconnage est un trafic avec très peu de risques pour le crime organisé, explique Jim Leape, directeur général de WWF International. Il y a peu de chances de se faire attraper et peu de chances d’être puni. Ce qui fait du braconnage une activité à très haut rendement. » Avec un chiffre d’affaires estimé à 14 milliards d’euros par an, le trafic d’espèces sauvages se situe juste après celui des stupéfiants et la traite des êtres humains. Si le Botswana est épargné par ce fléau, il le doit en partie à sa politique de tourisme haut de gamme qui profite aux populations locales par emplois directs (le Sandibe emploie 56 personnes, soit une centaine en comptant les prestataires extérieurs) et par la création d’infrastructures communes (routes, écoles…) profitant à tous. « Même si la situation est parfois compliquée dans les villages où les cultures sont dévastées par les éléphants, les habitants ont compris qu’un animal vivant rapporte plus qu’un animal mort, affirme Moss. Ils savent que le gouvernement les dédommagera grâce à l’argent du tourisme. » Il est vrai que le pays bénéficie d’une population faible (2,2 millions d’habitants) pour un pays grand comme ­l’Espagne (qui en compte vingt fois plus) et des revenus tirés de l’exploitation du diamant. Avec 20 millions de carats par an, le Botswana en est le premier producteur mondial. La deuxième plus grosse pierre jamais découverte, d’un poids de 1 111 carats, y a été extraite en septembre dernier ! Le Botswana est l’un des pays les plus riches d’Afrique australe et les diamants lui offrent, à l’évidence, la liberté de miser sur un tourisme exclusif, durable et responsable ; de préserver en somme une Afrique éternelle !

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