Horlogerie
L’horlogerie et la gastronomie sont deux univers aux valeurs comparables, des métiers d’art ayant le temps comme dénominateur commun. Propulsés sur le devant de la scène depuis une dizaine d’années, les chefs sont devenus des stars marketing qui partagent la même table que les horlogers de luxe.
Deux maîtres de la gastronomie œuvrent au ballet qui se déroule en cuisine : le temps et les chefs. Le binôme est indissociable. Éphémère, mais bien réel, tout comme le sont chacun des mets préparés par les brigades, le temps s’égrène au fil des années, des jours, des minutes et des secondes pour décrocher une étoile au Michelin, atteindre une cuisson parfaitement maîtrisée, découvrir la texture qui changera tout d’un plat. Une minute, voire quelques secondes de trop, et tout bascule.
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Précision, souci du détail, mesure et contrôle guident de la même manière les horlogers dans les manufactures et les chefs entourés de leurs équipes en cuisine. À l’heure des différentes crises qui secouent la planète, la gastronomie est devenue un refuge, un réconfort : elle rassemble. Chacun redécouvre le plaisir de se mettre à table, de savourer, de partager. Les plats de grand-mère n’ont jamais été aussi populaires et les bistrots fleurissent à chaque coin de rue telles des pâquerettes au printemps.
L’art culinaire est hype et nombre de chefs ne sont plus seulement des cuisiniers, mais des célébrités. Bien loin des fourneaux, le star-system s’entretient à grands coups d’émissions de télé, de séries Netflix, de réseaux ultramaîtrisés, ou encore d’initiatives caritatives. Depuis quelques années, la gastronomie devient un tremplin pour explorer d’autres horizons. Les marques horlogères l’ont bien compris en s’associant avec les plus grands chefs.
Ambassadeurs de la gastronomie
« En plus de notre notoriété, nos mains et nos bras sont toujours en action. La montre que nous portons est forcément vue », explique Juan Arbeláez, une Superocean Heritage au poignet. Le chef franco-colombien vient de signer la carte de la Breitling Kitchen, ouverte il y a quelques semaines à Genève.
Ambassadeur de la marque, il avait déjà concocté le menu des dîners de charité organisés par Breitling et l’association Premiers de cordée à la Samaritaine ces deux dernières années. Même scénario du côté du roi du paris-brest, Jeffrey Cagnes, qui n’assure aucune de ses masterclasses sans porter sa Defy Skyline de Zenith.
La vitrine est bien peuplée : Thierry Marx et Omega, Julien Dugourd et Bell & Ross, Alexandre Mazzia et Apose, David Toutain et IWC, Christophe Bacquié et Richard Mille, Yannick Alléno, Anne-Sophie Pic ou encore Eneko Atxa et Hublot… N’en jetez plus ! Tout horloger qui se respecte a aujourd’hui son « ambassadeur » ou « ami de la marque », selon le jargon horloger.
Le précurseur ? Blancpain. En 1986, la maison suisse offre à Frédy Girardet une montre spécialement gravée lorsque celui-ci remporte le prix de Meilleur chef du monde, et réitérera ce même geste symbolique avec Paul Bocuse et Joël Robuchon quelques années plus tard.
Depuis, Blancpain est devenue partenaire officiel des Bocuse d’Or (2005) et a récemment étoffé ses étoiles au Michelin aux côtés de Christopher Coutanceau, deux étoiles, et de Glenn Viel, l’un des plus jeunes chefs triplement étoilés de France. La gastronomie et l’horlogerie sont deux arts nobles dans lesquels la France s’est toujours distinguée, et pour lesquels la sophistication et le raffinement sont portés à leur paroxysme.
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Cultiver la curiosité
En 2016, Jean-François Piège fut nommé ambassadeur Piaget pour représenter la Polo S. La maison se félicitait alors d’avoir choisi le célèbre chef « pour sa cuisine créative, sa carrière très médiatisée, et le fait qu’il ait contribué à modifier les règles et l’image de son art, dans un pays où la gastronomie fait figure de religion nationale ».
Du côté de Jaeger-LeCoultre, la CEO Catherine Rénier explique que les collaborations que la marque entretient avec des artistes de renom, la cheffe pâtissière Nina Métayer et le mixologue Matthias Giroud, notamment, « ont pour but d’apporter des expériences uniques au public du monde entier. Cela permet d’élargir nos horizons et de nous exprimer à travers de nouveaux médiums qui génèrent des émotions, cultivent la curiosité et étendent le dialogue qui existe entre l’horlogerie et l’art. Il s’agit d’explorer des formes d’expressions différentes qui résonnent avec notre Maison et que nos clients et les amateurs d’horlogerie peuvent découvrir et expérimenter lors de nos expositions et événements à travers le monde ».
L’expérience. Tel semble être le leitmotiv qui guide ces partenariats. Audemars Piguet le démontre avec son Hôtel des Horlogers, au Brassus, non loin de sa manufacture. Un lieu chargé d’histoire où l’on peut s’offrir une immersion dans la vallée de Joux couplée d’une visite du musée-atelier. On y découvre l’univers et le savoir-faire made in Audemars Piguet, enrichis d’une expérience gustative hors norme à la table de l’un des trois restaurants dirigés par le chef triplement étoilé Emmanuel Renaut. Une occasion en or pour renforcer la relation avec ses acheteurs et ceux en devenir.
Au-delà d’un partenariat contractualisé, les maisons travaillent depuis des années avec des chefs étoilés pour sublimer leurs dîners clients et presse. C’est encore une fois l’expérience dans son ensemble qui donne le ton pour une cible qui s’étoffe toujours davantage. Il faut être partout : au sein des cercles de clients, de collectionneurs, d’épicuriens de manière générale. Cela passe forcément par la gastronomie.
Mido l’a saisi en devenant partenaire du festival Taste of Paris. Les fêtes de fin d’année ou Pâques sont aussi pour les marques une occasion de montrer leurs talents autres qu’horlogers. Omega s’illustre depuis deux ans aux côtés de François Daubinet, notamment pour les jeux Olympiques de Tokyo de 2021, avec un chrono en chocolat, ou encore dans la réalisation de merveilles chocolatées à Noël. Le pâtissier consacre également plusieurs pages à la conquête spatiale, dont on sait l’histoire liée à celle d’Omega, dans son ouvrage Inspirations.
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Un réseau haut de gamme
Aujourd’hui, l’influence est plurielle et va bien au-delà d’une tête d’affiche portée par une campagne publicitaire ou du nombre de followers d’un compte Instagram. Si les marques horlogères cherchent à s’entourer des plus grands chefs, elles le font sans transformer en porte-parole celui qui aura leurs faveurs, bien au contraire. Car ces derniers sont pour la plupart eux-mêmes collectionneurs. « La relation devient ainsi encore plus naturelle, humaine et sincère, artisans et créatifs se rejoignant autour d’une même passion », explique–t-on chez Cartier.
C’est dans cet état d’esprit que Cédric Grolet et la Maison à la panthère se sont rencontrés. Le pâtissier star qui s’illustre pour ses incroyables fruits sculptés confie être fan de montres et ne jurer que par la Pasha Squelette. Faisant figure d’exception dans le paysage horloger, point d’ambassadeur chez Patek Philippe qui s’incarne par ses garde-temps exclusivement.
La manufacture suisse signale toutefois, sans nommer ses sujets, que sa célèbre Aquanaut est portée par de nombreux chefs étoilés, ceux-ci appréciant l’étanchéité et la résistance de son bracelet Tropical, façonné dans une matière composite dernière génération. On imagine la Suisse se réjouir de ces cuisiniers au poignet si bien équipé, qui, en fin de repas, viennent serrer la main de leurs clients.
Ambassadeur ainsi désigné ou non, le chef étoilé baigne au quotidien dans un réseau de clients, d’amis, de partenaires et de relations « haut de gamme », au pouvoir d’achat certain et prêts à dépenser pour bien manger, se divertir, et donc… s’accessoiriser.
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