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Malgré un sous-sol richissime en matière première, le Pérou est à la traîne. Une économie certes trop dépendante, notamment en Chine est l'une des clefs pour comprendre ses contre-performances. Mais le bât blesse surtout au niveau des grandes infrastructures. C'est tout l'enjeu des mesures défendues par le président élu en juin dernier.
« C’est pas le Pérou ! » Cette expression, désormais entrée dans le langage courant pour signifier un faible gain à la clé, en dit long sur ce pays d’Amérique latine, deux fois grand comme la France, et plus exactement sur son sous-sol gorgé d’or et d’argent. Dès 1525, les rumeurs d’Eldorado sont telles qu’elles arrivent jusqu’aux oreilles du conquistador espagnol Francisco Pizarro, qui débarque en 1531 pour fonder la ville de Lima, future poule aux œufs d’or du royaume d’Espagne. Quelques siècles plus tard, les avions ont beau avoir remplacé les caravelles et l’économie s’être mondialisée, le schéma demeure presque intact, car c’est encore le précieux minerai – qu’il soit sous forme d’or, d’argent, de cuivre ou de zinc – qui, dans les années 2000, mène la danse, plus que jamais moteur (à propulsion) de la deuxième économie la plus dynamique d’Amérique latine.
Le problème ? Quand le géant chinois toussote, le monde s’enrhume, a-t-on coutume de dire… Le Pérou n’échappe pas à la règle. A partir de 2008, la croissance chinoise commence à faire grise mine, engendrant une nette baisse du cours du cuivre, celle-ci étant liée à une production surabondante à l’échelle mondiale, qui se traduit, en 2013, par l’arrêt de certains investissements miniers clés au Pérou. « Outre le manque à gagner immédiat qui a mis en évidence les limites de cette mining-driven economy, nous avons réalisé que cette tendance se révélait plus structurelle que conjoncturelle, note Andrea Moncada, économiste senior au magazine Semana Económica. Même si le cuivre, principal apporteur de croissance, repart bien depuis 2016, les plus grands projets de mines sont d’ores et déjà passés en phase de production, et les autres mines, comme Tía María et Conga, sont paralysées par des conflits sociaux, ce qui nous laisse penser que le gros des investissements est derrière nous. » Un constat partagé par le chef économiste de Scotiabank, Mario Alberto Guerrero Corzo, qui prévoit une baisse durable de la contribution au PIB issue du secteur minier pour s’établir à 1 %. « L’âge d’or de l’industrie minière est révolu. Il va falloir chercher la croissance ailleurs ! » conclut-il.
Les infrastructures à la rescousse
Et pas besoin d’aller chercher très loin, à en croire l’immense chantier qui attend le pays en matière d’infrastructures. Selon le classement du Forum économique mondial basé sur l’indice de compétitivité, le Pérou figurait, en 2015, à la 89e position (sur 144), loin derrière l’Albanie, la Côte d’Ivoire et même la Jamaïque. « Transport, eau, santé, éducation : nous avons quinze ans de retard dans tous les domaines qui font l’économie et l’avenir d’un pays ! » tonne Rómulo de la Vega, associé au cabinet de conseil en investissement Asesorandes. Un retard pointé du doigt dès 2015 par l’AFIN, l’association en charge de la promotion des infrastructures, qui, dans son plan national 2016-2025, chiffre à 160 milliards de dollars le besoin en investissements – soit près de 16 milliards de dollars (8 % du PIB) annuels – pour que le pays puisse, à terme, rejoindre les standards de ses acolytes dans la très select Alliance du Pacifique.
« Il est vrai que les gouvernements précédents ont plutôt joué la carte du protectionnisme économique, mais les temps ont changé, indique Alberto Rodríguez, directeur de l’antenne péruvienne de la Banque mondiale. Aujourd’hui, les caisses du pays sont pleines, et sa structure macroéconomique est solide. En d’autres termes, le Pérou est prêt à entrer dans une nouvelle ère ! » Besoins en infrastructures massifs et croissance en manque de souffle d’un côté, fonds publics disponibles et fondamentaux macroéconomiques solides de l’autre, il n’en fallait pas moins au nouveau président Pedro Pablo Kuczynski pour faire de l’infrastructure le nouveau moteur économique de son quinquennat. Depuis son investiture, en juin 2016, l’ancien banquier multiplie les mesures et les annonces tonitruantes en ce sens. Réforme du processus d’investissement public pour sortir des lourdeurs administratives et redonner de l’autonomie aux régions, restructuration de l’agence Proinversión chargée, comme son nom l’indique, de booster l’investissement privé via l’assouplissement des procédures d’investissement public-privé (APP) et, surtout, annonce d’un premier programme dit « prioritaire » de 12 projets pour un montant estimé à 18,8 milliards de dollars sur cinq ans.
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