Getaway
The Good Guide
À deux heures de Los Angeles, Palm Springs n’est plus seulement cette bulle artificielle pour golden seniors. La photogénie de son architecture fifties séduit de plus en plus et son glamour naturel inspire de nouveaux talents, prêts à remettre ce coin de désert sur la carte mouvante de la hype.
En 1960, le photographe Robert Doisneau, célèbre pour son Baiser de l’Hôtel de Ville réalisé dix ans plus tôt, change radicalement de décor en débarquant au milieu du désert californien. À moins de 200 kilomètres de la Cité des anges, à Palm Springs, il vient immortaliser pour le magazine Fortune des greens de golf plus verts que le Bocage normand – plus de 100 parcours à ce jour.
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Même si le contraste est saisissant avec la terre rocheuse des canyons environnants, le photographe se laisse très vite rattraper par la dimension cinématographique de la ville. Se focalisant sur la personnalité de ceux qui l’habitent, et qui viennent pour la plupart enraciner ici leur sens de la fête, avec un dress-code et une fantaisie presque burlesques, assortis à l’esthétique de piscines en forme de haricots.
À Palm Springs, tout se joue derrière les façades des intérieurs extérieurs de villas hypergraphiques, piquées de cactus tellement photogéniques et d’un Pantone en Technicolor.
Le culte du modernisme
Si l’oasis de Greater Palm Springs s’étend sur près de 250 km2 et neuf communes au total, c’est Palm Springs même qui concentre à ce jour encore le plus grand nombre de villas incarnant une catégorie à part entière de ce mouvement moderne : le Desert Modernism, autrement dit, le modernisme adapté au désert.
Au point d’en faire sa signature avec, chaque année, en février, la Modernism Week, comme d’autres ont la semaine de la couture. Un rendez-vous qui réunit, dès la soirée d’ouverture (moyennant 350 dollars par tête), le gratin fantaisiste local, amateur d’architecture et de cool, déguisé en disco queens pour l’édition 2024. Et pour le reste de la semaine, les mêmes, venus du monde entier et à qui une poignée d’experts ouvrent les portes des villas les plus exclusives.
Michael Stern en tête, coauteur, avec Alan Hess, de Julius Shulman : Palm Springs et star en son périmètre, nous entraîne d’emblée sur les hauteurs de la ville, dans le relief montagneux de San Jacinto, pour dévoiler une pièce majeure : la Frey House II, la seconde maison de l’architecte Albert Frey, disciple de Le Corbusier et l’un des chefs de file du Desert Modernism.
Une demeure aux dimensions modestes, mais jouissant d’une vue à presque 360° sur l’immensité de la vallée de Coachella. Une construction aux allures de cabanon de week-end et qui répond parfaitement aux exigences de fonctionnalité, d’ouverture et d’esthétisme, débarrassé de tout superflu.
Complètement vitrée pour laisser pénétrer la lumière de cette destination ensoleillée 300jours par an, cette merveille d’ingéniosité et de frugalité intègre le paysage et ses contraintes à l’architecture d’intérieur. La chambre s’articule autour de la roche, qui vient cacher le système électrique et dont les proportions prennent le pas sur celles du lit et du meuble cloisonnant l’espace pour délimiter les différents lieux de vie, tous des parties intégrantes d’une seule et même pièce baignée d’horizon.
Autre exemple flagrant de ce dedans-dehors, la maison de l’architecte WilliamF. Cody, à l’extension respectueuse des codes, rachetée par un couple d’architectes madrilènes dans l’unique but de la préserver…
Plus spacieuse, et meublée de pièces de designers aux courbes géométriques, elle se démarque par sa construction sur de multiples petits niveaux, chacun ouvrant de part et d’autre sur des « tableaux » extérieurs. S’ajoutent des patios plantés de cactus, de manière à ne jamais obstruer la vision du ciel bleu et, à la clé, cette sensation d’espace et de paysage envahissant.
Si les villas originelles sortent de terre dès les années 20, justifiées par l’arrivée des premières têtes d’affiche, ce mouvement connaît son apogée dans les années 50 avec le tout-Hollywood (pas moins de 400 empreintes de stars sur le Walk of Fame local), qui vient y abriter ses amours et des fêtes légendaires en retrait des indiscrétions de Los Angeles.
Une création importante portée par les architectes Richard Neutra, Donald Wexler, William Krisel, Albert Frey ou William F. Cody qui, les premiers, vont adapter les codes du modernisme aux exigences du climat et de la géologie de cette oasis : des constructions basses, pour ne jamais entacher la vue sur les montagnes omniprésentes, blanches pour la plupart, usant de matériaux ultramodernes et résistants – à l’image de la spectaculaire Aluminaire House, toute d’aluminium, entièrement démontée et remontée dans le cœur de ville comme un monument de fierté.
L’âge d’or et le Mid-Century à Palm Springs
À l’image de la Kaufmann House de Richard Neutra, immortalisée par Slim Aarons, dont les tirages inondent les galeries photo grand public, ces villas n’en finissent pas de fasciner une nouvelle génération d’esthètes, (re)connus ou pas. Il y a trois ans, Hype Williams y shootait la campagne pour la collection de cannabis de Jay-Z, et Leonardo DiCaprio a fait l’acquisition, en 2014, d’une maison signée Donald Wexler.
Impliqué dans la préservation du patrimoine presque autant que dans le respect de l’environnement, l’acteur avait à cœur d’honorer l’héritage de l’actrice Dinah Shore, qui avait fait construire cette demeure en pierre et bois en 1964.
Au total, six chambres, sept salles de bain en all-over (rouge, anis, gris acier) et une déco Mid-Century pour un voyage dans le temps sans se priver du confort contemporain (piscine, pool-house et court de tennis, qui jouxte celui du voisin, Kirk Douglas). Car la maison est ouverte à la location, à partir de 3 475 euros la nuit (2 nuits minimum).
Baptisée 432 Hermosa, elle fait aujourd’hui partie des incontournables du quartier d’Old Las Palmas, le périmètre des stars. Nous accédons également au privilège de pouvoir visiter celle, plus modeste, mais tellement singulière, d’un jeune magnat des médias qui a investi un petit bijou tout de métal et de bois sur les hauteurs.
Ou encore, celle de 600 m2 , spectaculaire et signée Don Boss (disciple d’A. Quincy Jones), que le patron de Maybelline a vendu à un couple d’investisseurs à la retraite en 2016. Une construction récente (2008) et une architecture absolument fidèle aux lignes modernistes.
Parcourue d’œuvres d’art et de baies vitrées gigantesques, elle est entièrement tournée vers des jardins de cactus signés de l’un des plus grands paysagistes du genre, Steve Martino, et vers la piscine déclinée en sept bassins. Autant de propriétés privées accessibles à condition d’être chaperonnés et uniquement pendant la Modernism Week de février et celle, plus confidentielle, du mois d’octobre.
Préparer son voyage à Palm Springs : visitpalmsprings.com
Louer la maison de Leonardo DiCaprio : 432hermosa.com
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