Voyage
A plus de 15.000 kilomètres de Paris, les Îles Marquises évoluent loin des radars. Cet archipel de la Polynésie française sort la tête de l'eau après des siècles vécus sous le joug des missionnaires qui en décimèrent la population... et la culture. Plus que jamais fiers de leurs traditions, cherchant à faire renaître l'art du tatouage et de la danse, les Marquisiens ont à cœur de faire découvrir leur jardin d'eden au même titre que leurs légendes. Tout en restant plus que jamais connectés à cette nature qu'ils ne cessent de célébrer.
A trois heures de vol de Tahiti se dessinent les Îles Marquises. Territoire encore sauvage, peu peuplé (moins de 10.000 âmes) et encore moins touristique, cet archipel de 12 îles (dont seulement six sont habitées) est aussi un terrain de jeu incroyable pour les aventuriers, qu’ils préfèrent naviguer, plonger ou randonner.
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Une inscription à l’UNESCO contre l’oubli
L’archipel le plus septentrional de la Polynésie Française est peut-être celui où s’affirme l’identité la plus singulière. Ses habitants s’inquiètent pourtant de l’avenir de leur culture. Une demande d’adhésion des Îles Marquises au patrimoine mondial de l’UNESCO a été déposé en début d’année, après plus de 20 ans de construction du dossier, pour tenter de préserver ce qu’il reste des arts et traditions marquisiennes — réprimées pendant la colonisation.
Il faut savoir qu’avant l’intrusion des Européens dans leur monde, la population marquisienne s’élevait à 50 à 80 000 habitants selon les spécialistes. Les maladies et les mauvaises habitudes ramenées par les missionnaires dans leurs malles eurent raison d’une grande partie de cette population — à elle seule, Nuku Hiva abritait probablement plus de 20 000 personnes, contre trois mille environ aujourd’hui.
La culture polynésienne, et d’autant plus marquisienne, se partagent depuis toujours de façon orale. Nuku Hiva et Hiva Oa, les deux îles principales de l’archipel, se battent ainsi aujourd’hui pour non seulement réveiller mais immortaliser leurs traditions ancestrales, notamment celles du chant, de la danse et du tatouage, naguère oubliées parmi les âmes disparues.
Îles Marquises : Te Fenua Ènata (la terre des hommes)
Les Marquises n’ont pas la topographie que l’on attend de Tahiti. Pardon, de la Polynésie ; car si le commun des mortels fait souvent l’amalgame entre Tahiti et Polynésie, chaque île polynésienne possède fermement sa propre identité et cherche à se détacher du pouvoir central de Papeete.
Ici, pas de lagons : le relief se compose de pics, de vallées arides ou verdoyantes, selon leur exposition, de baies impénétrables et de falaises abruptes héritées de la naissance volcanique des îles. Ce sont 12 îles dites hautes qui composent l’archipel, le plus jeune de Polynésie (entre 1 et 6 millions d’années selon les îles). On y parle Marquisien. « Oubliez tout ce que vous avez appris, nous répète-t-on, ici ce n’est pas Tahiti », Ia Orana (« bonjour ») se transforme par exemple en Kaoha, vocable plus proche du Aloha hawaïen, territoire d’ailleurs voisin… et cousin.
Alors, quand on embarque en direction de Nuku Hiva, l’île principale de l’archipel (un peu moins de 3000 habitants), il faut laisser ses préjugés dans ses valises. Oubliez la bronzette sur une plage paradisiaque et la tournée des restaurants gastronomiques : sur les Îles Marquises c’est l’aventure, la vraie !
Nuku Hiva, île principale des Marquises
Nuku Hiva est la plus peuplée et la plus visitée des Îles Marquises. La plus étendue aussi. Un bon point de départ, donc, pour débuter son exploration du territoire. De grands noms de la littérature (Herman Miller, Robert Louis Stevenson, Jack London) se sont inspirés de ses paysages grandioses et surtout de son mode de vie pour écrire leurs aventures romanesques.
Comment ne pas succomber ? Depuis les airs, on se rend compte des coulées de lave qui ont formé sa silhouette ciselée. En route, les paysages défilent et ne se ressemblent pas, entre forêts verdoyantes (de nombreux arbres ont été plantés par les missionnaires ou par le gouvernement polynésien pour soutenir l’économie) et plateaux arides. Cocotiers et bougainvillers donnent ces touches d’exotisme tant attendues par le touriste qui a en tête la carte postale tahitienne.
Où dormir à Nuku Hiva ?
La baie de Taiohae, où a pris racine le seul hôtel de l’île, le Nuku Hiva by Pearl Resort (quelques pensions de famille sont dispersées dans les différentes vallées de l’île et offrent un confort moins luxueux mais un accueil toujours chaleureux), est sans doute le point le plus adéquat pour rayonner.
Vallée de Hakaui
Pour une sortie en mer au départ du port de Taiohae, direction la baie de Hakaui où vit la famille de Mai et Maria (Excursion Hakaui), nos guides du jour. La journée commence par 30 minutes de bateau depuis lequel on peut voir des raies manta, parfois des dauphins ou des baleines, selon la saison. Cette baie aux allures de terre perdue, un peu comme dans la série Lost, se dessine, fière de sa frondaison de cocotiers et de ses falaises en toile de fond.
On y randonne pendant à peu près deux heures faciles, quasiment à plat, qui donnent à voir une végétation sublime, riche et colorée, que Mai et Maria se feront un plaisir de vous faire déguster — littéralement. Les fruits des arbres à pain (« Mei » en Marquisien, « Uru » en Tahitien) qui pavent le chemin royal que nous suivrons jusqu’à notre but finiront en frites dans l’assiette du déjeuner ; citrons verts (utile aussi pour les piqûres fraîches de moustique) et pamplemousses sauvages (bien plus gros et moins amers que nos pamplemousses) chatouilleront les papilles après un simple coup de machette.
Point d’arrivée : la cascade de Vaipo, soit 350 mètres de dénivelé — c’est la plus haute de Polynésie. Avant cela, halte en bord de falaise pour profiter d’un point de vue sur trois surprenants sarcophages (on a retrouvé trois corps momifiés à l’intérieur) hissés par la force de l’homme à plus de 100 mètres de haut, dans une caverne creusée dans la roche. Ce lieu sacré est désormais interdit à la visite, sous peine d’une malédiction céleste. On raconte que l’équipage du Capitaine Cousteau s’y risqua… ce qui aurait provoquer plusieurs incidents sur la Calypso.
Au retour, arrêt gourmand chez la cousine de Maria : on y reprend des forces autour d’un déjeuner simple et typique, ce jour-là composé d’un poisson fraîchement pêché juste grillé, d’une salade et de frites de uru, donc. Un délice.
La découverte de Hatiheu et de ses vestiges archéologiques
A l’extrême Nord de l’île se tient la baie de Hatiheu dont la mairesse déléguée, Yvonne Katupa, est une figure locale. C’est notamment grâce à elle que les sites archéologiques de Kamuihei, Teiipoka et Tahakia ont été restaurés et sont désormais dotés de panneaux explicatifs — les Îles Marquises sont parsemées de vestiges antiques laissés quasi à l’abandon.
Après la visite de ces ruines, direction le restaurant de ladite Yvonne, toujours assise en fond de salle pour s’assurer du bon déroulé des repas de ses convives. Laissez-vous tenter par la chèvre au lait de coco ou au curry, spécialités locales, délicatement préparée. Une plage jouxte le restaurant : une bonne idée pour digérer en toute tranquillité.
La tranquille baie d’Anaho
La baie voisine d’Anaho, inaccessible par la route, est l’une des plus belles de l’île. On peut y randonner facilement depuis Chez Yvone ou y accéder en speed boat — se renseigner auprès de votre logement principal. C’est là qu’en 1888 l’écrivain Robert Louis Stevenson fit escale avec son voilier, émerveillé par la pureté du lieu qui ressemble à un lagon grâce à ses formations coralliennes, les seules des Îles Marquises.
Infos pratiques
- Y aller : Air Tahiti ou nouveau Air Moana. Compter 3 heures 15 de vol. Il faut ensuite 1 heure de route (sinueuse) pour rejoindre Taiohae, la baie la plus peuplée.
- Dormir : à l’hôtel Nuku Hiva by Pearl Resort. Bon restaurant aussi. Trois nuits minimum en demie-pension qui comprennent le mini bar, les transferts aéroport/hôtel/aéroport et deux excursions : 1/2 journée de visite de Taiohae et Koueva, et une journée en 4×4 avec déjeuner marquisien.
- Prendre un guide pour faire le tour de l’île : demander William à l’hôtel si vous dormez au Nuku Hiva ou le contacter directement.
- Lire : Taïpi de Herman Melville (1846).
Hiva Oa, à l’ombre de Brel et de Gauguin
[…]
Le rire est dans le cœur, le mot dans le regard
Le cœur est voyageur, l’avenir est au hasard
Et passent des cocotiers qui écrivent des chants d’amour
Que les sœurs d’alentour ignorent d’ignorer
Les pirogues s’en vont, les pirogues s’en viennent
Et mes souvenirs deviennent ce que les vieux en font
Veux-tu que je te dise : gémir n’est pas de mise
Aux Marquises– Jacques Brel, Les Marquises (1977)
Seconde île la plus peuplée des Îles Marquises (2100 habitants), Hiva Oa est peut-être plus connue que sa grande-sœur car deux illustres artistes en ont écrit un bout d’histoire. Jacques Brel, qui vint s’y isoler du monde, et Paul Gauguin, qui y déménagea par deux fois avant d’y finir sa vie, sont désormais tous deux enterrés dans la baie de Atuona. Le Belge et le Français n’y ont néanmoins pas laissé la même impression ; les autochtones ont une grande estime pour le chanteur, qui aurait rendu de nombreux services à la communauté, particulièrement isolée, grâce à son avion Jojo. La réputation qu’a laissé le peintre derrière lui, elle, est plus clivante. La rumeur voudrait que ce dernier aurait fait sien les trésors de l’île — (très) jeunes femmes comprises…
Hiva Oa a néanmoins beaucoup plus à offrir que ces quelques souvenirs compilés dans les centres culturels qui sont dédiés à ces deux figures. Avec sa topographie similaire à celle de Nuku Hiva, randonnées et excursions en mer y sont toutes aussi belles, avec en prime une belle collection de Tikis.
Les Tikis
« Tiki » est un terme qui signifie aussi bien « homme », « dieu » ou « homme-dieu » en Marquisien. Statue de roche, d’os ou de métal (selon l’époque), il est taillé en signe de respect envers un défunt. Ses traits témoignent des enseignements laissés par la figure à laquelle il rend hommage. Le premier Tiki aurait été sculpté à Hiva Oa dans la roche, ce qui rend impossible sa datation au Carbone 14 (les habitants de l’île l’estiment entre -2000 et -3000 av. J.-C.)
Que faire à Atuona, sur les Îles Marquises ?
Dans le village principal de Atuona, on retrouve un petit village artisanal mais aussi un musée consacré à Gauguin (attention, il ne présente que des reproductions au goût… douteux), artiste controversé qui aurait laissé quelques descendants sur l’île. Derrière, un garage abrite Jojo, l’avion de Jacques Brel.
Des Tikis… par milliers aux Îles Marquises !
Le Hanakee Lodge, seul hôtel de l’île, comme les pensions de famille, organisent des tours véhiculés à la découverte des Tikis. Profitez-en pour ouvrir grands les yeux et absorber les paysages lunaires de Hiva Oa en route vers les nombreux sites archéologiques où ont été découvert les Tikis — tous ne sont pas dans les mêmes états de conservation. Le plus beau est proche de la commune de Puamau où l’on s’arrête déjeuner chez Marie-Antoinette qui propose un menu complet 100 % marquisien (chèvre coco, cochon sauce soja, poisson cru lait de coco, uru frit, po’e de banane et gâteau manioc). Une dizaine de Tikis imposants y sont à peine abrités sous des toits de pandanus.
De retour à Atuona, faites un détour pour faire un selfie avec le « Tiki Souriant » dont l’emplacement est indiqué en bord de route par un panneau. En réalité, il ne sourit pas : ses lèvres en banane témoignent plutôt de sa fonction… Ce Tiki serait la représentation d’une femme, la reine Utukua, connue pour ses actions bénéfiques pour sa tribu. Et oui, les Tikis peuvent aussi êtres féminins !
Plonger dans les eaux de Hiva Oa et découvrir Tahuata
Tuhipahu Tahanava Humukohea, dit Humu, est sans doute le natif d’Hiva Oa le plus fier des légendes de son île. Guide de profession, il se consacre désormais à la plongée — il a d’ailleurs fondé le premier club des Îles Marquises, Marquises Diving. Il propose logiquement des sorties en mer qui permettent d’observer les raies manta et les fonds marins, à coupler ou non avec une excursion jusqu’à l’île de Tahuata.
Peuplée de seulement 700 habitants, Tahuata est la plus secrète des Îles Marquises (les moyens d’y naviguer sont rares). Le canal du Bordelais la sépare de Hiva Oa. Sur place, Humu propose un pique-nique typiquement marquisien et quelques sauts de puces de villages en villages à la découverte d’un artisanat exceptionnel.
Infos pratiques
- Y aller : vol de 45 min depuis Nuku Hiva avec Air Tahiti. Le village de Atuona est à moins de 15 min.
- Y dormir : le Hanakee Lodge est le seul hôtel de l’île.
- Prendre un guide pour faire le tour de l’île : contacter Humu (Marquise Diving) de très loin le meilleur guide de l’île.
Se rendre aux Îles Marquises
Voler vers Papeete avec Air Tahiti Nui
Pour se rendre aux Îles Marquises, une étape via Papeete est indispensable. Le vol aller-retour au départ de Paris-CDG ou de région (en partenariat avec le service Train + Air en partenariat avec la SNCF) est affiché à partir de 1 379€ TTC. Plus d’informations.
Décoller pour les Îles Marquises avec Air Tahiti
Air Tahiti dessert les principales îles polynésiennes au départ de Papeete quotidiennement et notamment Nuku Hiva et Hiva Oa. Plus d’informations.