Voyage
Loin des radars, Okinawa a bien plus à offrir qu'une histoire tourmentée par la guerre et les conquêtes de royaumes. L'île continue pourtant de conjuguer le passé au présent, la culture héritée des Ryūkyū aux temps modernes.
Sur le chemin qui mène de l’aéroport de Naha, capitale d’Okinawa, au centre de l’île, deux magasins Starbucks équipés de drive-in pavent le chemin et tiennent compagnie à des concessions de voitures américaines — reconnaissables entre mille ici, les Okinawaïens conduisent pour beaucoup des petites voitures cubiques — et un fast food KFC. Autour d’eux, des bâtiments modernes, sans charme, œuvres de la reconstruction de l’île à la suite aux bombardements de la guerre et des restaurants aux architectures faussement traditionnelles où, étonnamment, ne se pressent pas que les touristes.
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Okinawa : une île américaine ?
En 1952, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, les Américains qui l’ont envahie évacuent (en partie) la région d’Okinawa. Des accords signés en 1971 rendent la préfecture à la souveraineté du Japon, en échange du droit pour les militaires américains de poursuivre l’occupation des nombreuses bases militaires qu’ils y ont bâti — plus que jamais effectives, celles-ci concentrent aujourd’hui 70 % de la force armée déployée à l’étranger par le Pays de l’Oncle Sam, aux premières loges des crises qui pourraient éclater en Asie.
Alors si 56 000 Américains résident toujours sur l’île peuplée de 1 301 462 habitants (décembre 2014), l’idiome demeure un exercice ardu pour nos interlocuteurs sur place, bien que les hôtels de luxe (un Hilton par-ci, un Terrace Hotel par-là) ne soient pas si rares sur l’île principale de ce mini-archipel de l’extrême-sud du Japon.
Hier et aujourd’hui
Le resort Hoshinoya Okinawa a ouvert ses portes il y a trois ans, pile au moment où éclatait la pandémie du Covid-19. L’adresse est donc encore flambant neuve, dotée de 100 appartements vue mer et de quatre villas érigées dans un style à la croisée de la tradition Ryūkyū (royaume indépendant auquel appartenait Okinawa jusqu’en 1879) et du contemporain.
Les longs couloirs immaculés, bordés de claustras font ainsi écho à la modernité japonaise alors que la salle de thé jonchée de tatami aux murs verts, couleur de la vie éternelle, et le toit de la poolhouse en briques bombées surmonté d’une sculpture shīsā (le lion protecteur), sont des réminiscences de ce à quoi ressemblait l’île avant la guerre.
Éparpillés le long de la mer orientale de Chine, turquoise et paisible, les appartements (sans piscine, eux) s’articulent aussi à la okinawaïenne : une pièce centrale équipée d’une longue table en bois noir ; à sa droite la salle à manger où l’on s’assied sur de confortables sofas, les pieds dans le vide, autour d’une table carrée ; à sa gauche, la chambre où le long king size repose sur une plateforme comme un futon. Droit devant : la vue mer, un paysage aussi hypnotisant qu’évolutif — un réveil très matinal offre des couleurs allant presque jusqu’au vert fluo alors que le coucher du soleil n’a rien à envier aux côtes de Santorin.
Un zeste de Sicile au Japon
C’est du côté de la gastronomie que s’illustre au mieux l’ambivalence d’Okinawa. Surnommée « île de la longévité », elle possède la plus grande espérance de vie de la planète — 86 ans pour les femmes et 78 ans pour les hommes. Sur 100 000 Okinawaïens, environ 68 fêtent leurs 100 ans. Si la recette de cet incroyable record reste méconnue, on dit que la façon de se nourrir des anciens, faite en majeure partie végétaux riches en nutriments et antioxydants, des « super aliments » comme on les appelle aujourd’hui, mais aussi de glucides, y est pour beaucoup. On pointe aussi du doigt cette pomme de terre violette, le beni imo, si sucrée qu’elle est surtout utilisée pour l’élaboration des desserts et dont l’exportation des graines est formellement interdite.
A ces préceptes fondamentaux, l’hôtel Hoshinoya Okinawa adjoint un régime plus commun pour les Occidentaux, la cuisine méditerranéenne, et plus particulièrement celle inspirée de la Sicile. Étonnant ? « Notre île a de nombreuses similarités avec la région italienne », explique le directeur de l’hôtel. Le climat est doux, parfois humide, les températures ne descendent que rarement en dessous de 20 degrés, même en hiver. « Alors, il nous est facile de cultiver des aliments communs à la culture sicilienne, comme le thon et le citron ».
En résulte le menu gastronomique du restaurant de l’hôtel concocté par le chef Shigeru Masai, huit étapes italo-japonaises qui marient à tour de rôle burrata et crevettes royales pêchées au large d’Okinawa, spaghetti et légumes endémiques, et qui réinventent l’arancini version nippone. Le régime méditerranéen n’est-il pas, lui aussi, l’un des secrets de longévité de ceux qui le suivent ?
Alors si quelques Américains visitent l’Hoshinoya Okiwana, les Asiatiques (Japonais et Taïwanais en tête), restent ses meilleurs clients. Les Français et les Allemands constituent les troisième et quatrième nationalités qui visitent le plus l’hôtel, dans une proportion néanmoins bien moindres. Ceux-là seront donc ravis de se mettre au diapason d’autres traditions qui garantissent les longues et saines vies des Okinawanais : le karaté Ryūkyū, la méditation de bon matin ou des leçons de Sanshin un instrument traditionnel de l’île célèbre pour son intonation unique. Un ensemble d’activités qui sont proposées par le Resort afin d’introduire un peu plus ses hôtes à la culture traditionnelle de l’île…
Hôtel Hoshinoya Okinawa
474 Gima, Yomitan, Nakagami District, Okinawa 904-0327
Site internet
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