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ALA Architects 20190120 Helsinki Central Library Oodi
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Voyage

Helsinki, une capitale écologique et participative par nature

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Classée sixième du Smart City Index 2021, Helsinki est une ville à taille humaine où la vie est douce malgré la rudesse de ses hivers. Si la population et les pouvoirs publics n'ont pas attendu l'urgence climatique pour mettre en place de nombreuses initiatives vertueuses, les efforts collectifs s'intensifient pour faire de la capitale un modèle mondial de fonctionnalité et d'écologie.

Quand on pense capitale, on pense klaxon, pollution, bouchon, boxon… Helsinki est tout le contraire. Nordique par essence — comprendre : polie, écologique par nature, discrète —, elle se démarque néanmoins de ses voisines, plus étendues (213,8 km² pour Helsinki vs 454 km² pour Oslo) et plus denses (3 050 habitants au kilomètre carré vs 5 118 pour Stockholm).


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Helsinki déjà en avance sur les enjeux écologiques

Helsinki est aussi la capitale européenne la plus septentrionale du monde après Reykjavik, située à la même latitude que l’Alaska. Ce qui implique, en toute logique, un climat plus froid et un temps d’ensoleillement drastiquement plus réduit que celui que nous connaissons en France. Le 22 décembre, par exemple, le soleil se lèvera à 9h25 et se couchera à 14h15, de quoi donner envie de passer Noël sous la couette… « On peut avoir du -20°C un jour ou deux en février, mais la plupart du temps, la météo est à peu près à zéro degré. Tout le monde en profite pour skier en ville ! », précise Iina Oilinki, directrice du pôle climat de la ville.

Vous ne verrez néanmoins jamais de bouchons causés par une tempête de neige à Helsinki. « Cela nous amuse de voir les grands aéroports européens bloqués par une petite tempête de neige », sourit la représentante de la maire. « Le climat rude en hiver est notre quotidien depuis… toujours. Plus que nous y adapter, nous vivons avec et bâtissons en conséquence. »

Trottinette ou vélo, il faut choisir !
Trottinette ou vélo, il faut choisir ! Fanny Liaux Gasquerel

La ville, intrinsèquement bâtie pour résister au froid et aux intempéries, n’est en revanche pas exempte des challenges du réchauffement climatique. « Nos bâtiments sont tous, et depuis longtemps, équipés de double-vitrage et bien isolés. Je peux vous dire qu’il y fait plus chaud en hiver que dans la plupart de vos villes du sud de l’Europe ! Sans forcément surchauffer. » Alors, si à Helsinki on ne se plaint pas du froid — « nous avons appris à nous couvrir chaudement pour sortir et à nous dévêtir à l’intérieur » — la ville s’impose d’améliorer encore et toujours ses performances. Peut-être parce que la nature est si prégnante en Finlande, que les forêts et les lacs entourent la ville, l’écologie est une préoccupation de tous les jours. Le pays fut le premier au monde à introduire la taxe carbone en 1990.

Helsinki a déjà réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 30 %. Engagée vers une décroissance de ses émissions carbone, la ville a avancé son objectif d’atteindre la neutralité de 2035 à 2030. Irréalisable ? « Nous mettons tout en œuvre à la mairie pour faire que directives deviennent réalité et nous agissons en grande collaboration avec les autres Green Cities du monde entier. » Au lendemain de notre rencontre, Iina Oilinki s’envolait pour une réunion de la « Carbon Neutral Cities Alliance » à Toronto où elle a rencontré ses homologues d’Oslo, Amsterdam, Glasgow, Copenhague, San Francisco et Boston pour partager leurs idées et leurs politiques en termes d’écologie à l’échelle d’une ville.

« La ville a un énorme pouvoir d’action concrète. Si nous attendions que des lois soient passées, nous n’en serions pas là… », précise Oilinki, justifiant une plus grande liberté donnée aux municipalités en Finlande pour prendre des décisions à échelle locale.

Des kiosques à café parsèment la ville.
Des kiosques à café parsèment la ville. Fanny Liaux Gasquerel

Une ville engagée par nature

Les habitants de la capitale eux aussi ne sont pas en reste d’initiatives. Les rues d’Helsinki sont le théâtre de nombreuses adresses prônant l’économie circulaire comme mode de vie. La marque Relove propose dans ses murs les services d’un coffee shop et d’une boutique de dépôt-vente. Lovia, l’enseigne qui lui fait face dans la rue Fredrikinkatu, recycle des tissus de canapés pour en faire des sacs.

Se restaurer à Helsinki est aussi un acte engagé : les adresses les plus excitantes de la ville sont aussi celles qui cherchent à faire le bien pour la planète. Nolla, auto-proclamée première table « zéro déchet » des pays nordiques, s’est bâtie sur un modèle unique, celui du réemploi à 100 %. Chaque élément de vaisselle est issu de la seconde-main (les couverts) ou de matières recyclées (les assiettes, verres et carafes), les meubles ont été taillés dans du bois local et choisis pour leurs formes douces anticipants la dégradation de la matière, les produits cuisinés sont, logiquement, sourcés aux portes de la ville (à l’exception de l’huile) et les déchets résiduels des assiettes finissent dans un bac à compost géant installé à l’arrière du restaurant dont la matière est envoyée dans les mêmes fermes qui fournissent le restaurant. Natura, Yes Yes Yes et Terroir sont autant d’autres restaurants qui font de la durabilité l’axe principal de leur menu.

La salle à manger du Nolla.
La salle à manger du Nolla. ©Nikola Tomevski

Alors, si seuls 5 % de la population roulent en voiture hybride ou électrique — « c’est trop peu mais le gouvernement n’a pas encore mis en place d’aide au financement », justifie directrice du pôle climat de la ville — les transports publics et les moyens de mobilité verts ont la cote. « Nous ne prenons pas la voiture en ville, sauf si nous n’avons pas le choix ». Helsinki est en effet doté d’un réseau de tramway bien dessiné qui permet de parcourir les plus longues distances, celles qui ne peuvent pas être absorbées à pieds (la marche est un sport national) ou en vélo.

« Nous ne sommes pas les plus grands cyclistes, comparé à Amsterdam ou Copenhague, mais la mairie a investi dans des vélos électriques publics pour inciter les gens à se déplacer plus souvent à deux roues ». Les trottinettes jonchent également les trottoirs de la ville, et pas comme on s’y attendrait. « Paris a peut-être bien fait de les interdir, se questionne Iina Oilinki, ici, elles sont partout, elles gâchent un peu le paysage… » Et de conclure : « Ce sont principalement les jeunes qui les utilise car elles sont ‘fun’. Si nous les supprimions, ils se remettraient à marcher… » Qu’en dit Paris ?

Une belle rangée de vélos en libre service.
Une belle rangée de vélos en libre service. Fanny Liaux Gasquerel

Helsinki pour tous et tous pour Helsinki

Les trottinettes comme les vélos et les transports en commun ont cela d’utile qu’ils donnent la possibilité à chacun de se mouvoir. Le terme « accessibles à tous » revient souvent sur les lèvres de nos interlocuteurs helsinkiens. Chez Artek, marque de mobilier, on souligne la volonté de ses fondateurs, Aino et Alvar Aalto, de donner l’accès au beau et au fonctionnel… à tous. Chez Marimekko, maison de « lifestyle » depuis 1951, même son de cloche : Armi Ratia, qui souhaitait dans un premier temps donner au plus grand nombre accès à des tissus « joyeux et de bonne fabrique » au sortir de la guerre, a fini par en faire des modèles de robes puis des objets pour la maison aux prix attractifs.

L’accessibilité pour tous est le cœur du projet le plus marquant récemment inauguré à Helsinki. « Oodi » n’a d’une bibliothèque que sa dénomination officielle. Bâti à l’occasion du centenaire de l’indépendance du pays par ALA Architects, ce paquebot de verre et de bois est en réalité un lieu multiculturel ouvert de huit heures du matin à 21 heures, gratuitement. La bibliothèque propose des livres à l’emprunt, bien sûr, mais pas que.

Oodi, la bibiothèque, et bien plus que ça.
Oodi, la bibiothèque, et bien plus que ça. Fanny Liaux Gasquerel

Son rez-de-chaussée abrite les bureaux locaux de la mairie mais aussi de l’ONU, une façon pour les institutions de se rapprocher des citoyens et de les inciter à prendre à bras le corps les sujets qui les intéressent. Un restaurant, un café, une zone où sont mis à disposition des jeux d’échec et un ciné club riche d’une impressionnante collection de vidéos de films vintage complètent le paysage.

Au second, des livres et magazines sont mis à disponible dans un volume unique qui semble pourtant bien délimité : la magie des architectes du cabinet local ALA permet ainsi aux cris des enfants d’être étouffés par une acoustique irréprochable, au même titre que les voix des adultes. Car, oui, parler dans cette bibliothèque est autorisé, voire encouragé, une décision prise afin de faire de Oodi un véritable lieu de rencontres et d’échanges.

Le rez-de-chaussée de la bibliothèque offre aussi plusieurs jeux d’échec.
Le rez-de-chaussée de la bibliothèque offre aussi plusieurs jeux d’échec. Fanny Liaux Gasquerel

Coincé entre ces deux niveau, le premier étage incarne au mieux la philosophie que portent en eux les Finlandais. L’espace est divisé en de nombreux modules réservables en ligne. Pour quoi y faire ? Enregistrer son premier disque, proposer une conférence sur l’histoire du yoga dans les Pays nordiques, éditer un t-shirt à l’effigie de son club de foot ou imprimer en 3D le prototype d’objets que vous venez de dessiner. La mairie d’Helsinki a en effet souhaité donner à tous, professionnels comme amateurs, la possibilité de poursuivre leur dessein. Même les e-sportifs en herbe se verront invités, chaque mercredi soir, à s’exercer sur les ordinateurs dans le confort de leur équipement ergonomique.

« Oodi est la ‘pièce à vivre’ d’Helsinki. Nous souhaitons que tous nos concitoyens en prennent possession et que nos visiteurs se l’approprie, explique Heidi Johansson, responsable des relations presse d’Helsinki Partners. Peut-être pour y établir leur bureau temporaire ou tout simplement pour venir y profiter du soleil. » Une philosophie qui se transpose à plus grande échelle, la ville étant aussi douce à vivre que facile à visiter. De l’atelier du couple Aalto aux îles d’Helsinki, la capitale s’aborde sans se presser, au grand air, malgré les aléas de la météo, en attendant la fin des travaux de l’éco-quartier de Kalasatama.

Une planche à repasser mise à la disposition des couturiers en herbe à la bibliothèque Oodi.
Une planche à repasser mise à la disposition des couturiers en herbe à la bibliothèque Oodi. Fanny Liaux Gasquerel

Kalasatama : figure du proue du modèle helsinkien

L’aboutissement du rêve est prévu pour 2030, date à laquelle, rappelons-le, Helsinki ambitionne de d’atteindre la neutralité carbone. Kalasatama, un terme qui se traduit littéralement par « port de pêche », est le nom donné au nouvel éco-quartier qui pousse, donc, aux abords du port de la capitale finlandaise.

Les 175 hectares dédiés au projet ont déjà bien changé depuis le début du projet, en 2018. En toute logique, l‘éco-quartier se conformera aux normes les plus strictes en matière d’efficacité énergétique et de développement urbain durable. Chaque édifice est notamment tenu de s’équiper de panneaux photovoltaïques et être connecté au réseau urbain de chauffage et de climatisation alimenté par des pompes à chaleur récupérant l’énergie des eaux usées de la ville — la centrale souterraine voisine de Katri Vala est la plus grande au monde de ce type.

Des équipements sportifs en plein air permettent à tous de faire du sport.
Des équipements sportifs en plein air permettent à tous de faire du sport. Fanny Liaux Gasquerel

Imaginé sur un modèle participatif (les habitants du quartier historique ont été mis à contribution pour tester en conditions réelles les propositions soumises pour son développement futur avant leur validation définitive), une majeure partie des équipements du quartier repose sur un principe de partage, espaces publics comme privés. Un système de clés numériques ou d’applications permettra d’accéder à de nombreux lieux en fonction des besoins de chacun.

Largement plébiscité par les locaux, une ombre noircit le tableau de Kalasatama : huit tours de 20 à 37 étages seront les premiers gratte-ciels d’Helsinki, sources de controverse en 2018. De là à remettre en question l’intérêt de cet éco-quartier pensé pour édicter le futur de l’urbanisme ? Pas si sûr…

Entre terre et mer, Helsinki ne tranche pas.
Entre terre et mer, Helsinki ne tranche pas. Fanny Liaux Gasquerel

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Y aller
Finnair opère des lignes directes avec toutes les villes majeures de France.

Site de l’office du tourisme.


 

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