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Depuis le lancement de la version gratuite, en novembre 2022, ChatGPT interroge sur sa fiabilité dans le milieu de la finance, 2023 - The Good Life
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Marine Mimouni

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Faut-il confier son épargne à ChatGPT ?

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Tout en pointant les manquements de la nouvelle plate-forme conversationnelle ChatGPT, beaucoup de professionnels se montrent inquiets face à l’arrivée de ce nouvel outil d’intelligence artificielle qui pourrait révolutionner les économies. De quelle façon l’IA change et changera-t-elle la distribution et la gestion des produits d’épargne ?

Pas un professionnel de la finance qui ne se soit essayé – en privé ou à grand renfort d’une publication sur le réseau social professionnel LinkedIn – à une expérimentation de la plateforme ChatGPT.


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Depuis le lancement de la version gratuite, en novembre 2022, le robot conversationnel qui utilise l’intelligence artificielle interroge aux quatre coins de la planète. Pourtant, l’IA n’est pas une nouveauté. Particulièrement dans le secteur financier.

Voici, en effet, plus d’une dizaine d’années que les courtiers utilisent des algorithmes pour la gestion des ordres d’achats et de ventes de manière automatisée. Au fil des années, ces algorithmes sont devenus autoapprenants, optimisant leurs réponses grâce à l’analyse de flux de données passées.

L’intelligence artificielle se fait une place dans la finance

En épargne, l’utilisation de logiciels d’intelligence artificielle reste pour l’heure peu visible du grand public et de l’utilisateur final. Cela ne signifie pas pour autant que les produits d’épargne en sont dépourvus.

« Il faut bien avoir à l’esprit que l’épargne est une industrie qui, historiquement, utilise beaucoup de papiers. Au cours des dernières années, un travail important a été fait pour automatiser et numériser la gestion de ces documents », explique Alexis Calla, chief product officer chez DreamQuark. L’incursion de l’IA dans l’épargne a été réalisée en « back », bien davantage qu’en « front ».

Une révolution silencieuse dans le monde de l’épargne

En quelques années, une petite révolution silencieuse s’est opérée dans le monde de l’épargne. Tout d’abord sur le volet de la saisie : les tâches répétitives jadis opérées manuellement ont été remplacées par des algorithmes apprenants qui saisissent les données et les classent selon des critères préalablement établis.


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Ⓒ Annie Spratt / Unsplash.
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Elles entrent ainsi en jeu dans la réalisation des KYC (Know Your Customer) qui consiste, pour chaque établissement financier, à vérifier l’identité et l’intégrité de ses clients.

Associée à la RPA (Robotic Process Automation – automatisation des tâches), l’intelligence artificielle permet de rendre les machines apprenantes. L’automatisation des tâches, couplée à l’IA, améliore le niveau de conformité.

Par ailleurs, ces algorithmes apprenants sont utilisés dans la détection de fraudes et la lutte contre le blanchiment, en permettant de signaler aux opérateurs toute opération jugée singulière.

Du robo-advisor à l’IA Quid du « front » ? C’est-à-dire du lien direct avec le client ? En faisant converser des machines apprenantes avec des clients, les conseillers en gestion de patrimoine, les banquiers et l’ensemble des spécialistes de l’épargne pourraient largement tirer profit des informations requises.

« Nous sommes dans une industrie très réglementée. Ce qui peut apparaître comme une contrainte est également une opportunité. Nous avons pour obligation de recueillir de nombreuses données concernant nos utilisateurs. Ces données pourraient, à l’avenir, être utilisées à des fins commerciales », explique Sébastien d’Ornano, président exécutif de Yomoni.

Il s’agit là du second volet de l’intelligence artificielle, aujourd’hui encore à ses balbutiements. Pourtant, les premières incursions en la matière sont anciennes. Pressentant le potentiel offert par ces solutions automatisées, notamment en gain de coûts pour la gestion courante, de nombreuses fintechs se sont très tôt emparées des algorithmes.

Au départ, ces plates-formes ont utilisé des robo‑advisors (robots-conseillers). En France, dès 2016, des fintechs telles que Nalo, WeSave ou encore Advize se sont positionnées sur ce créneau.


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« Les premières générations de robo-advisors ne sont pas du tout dans la conversation. Le robot va simplement répondre mécaniquement à des questions prédéfinies à partir de variables simples. Finalement, la machine ne fait que répliquer en ligne des formulaires papier, elle n’analyse pas et ne propose rien de vraiment nouveau », poursuit Alexis Calla.

La place de l'humain remise en question

Depuis le lancement de la version gratuite, en novembre 2022, ChatGPT interroge sur sa fiabilité dans le milieu de la finance, 2023 - The Good Life

Avec l’arrivée de ChatGPT, beaucoup d’experts voient la fin de nombreux métiers. Les responsables back-office des banques, des sociétés d’assurance‑vie pourraient ainsi être grandement affectés. Reste que, pour l’heure, l’un des freins au développement de l’IA dans les produits d’épargne demeure les difficultés de recrutements. On chiffre à plusieurs millions le nombre de data scientists, spécialistes IA, et data engineers manquant aujourd’hui sur la planète. Pas un établissement bancaire, pas une compagnie d’assurance qui ne soient aujourd’hui pourvoyeuses d’emplois sur ces métiers. En conséquence de quoi, les salaires à l’embauche s’orientent à la hausse : selon le site Glassdoor, le salaire moyen d’un machine learning engineer, aux Etats‑Unis, s’établit actuellement autour de 130 000 $ annuels et peut grimper jusqu’à 200 000 $.

Préempter les besoins des clients L’engouement des particuliers pour les solutions innovantes d’épargne s’est intensifié à l’issue de la crise sanitaire, porté notamment par un afflux de liquidité. Les acteurs de l’épargne ont ainsi accéléré l’utilisation des algorithmes apprenants dans la relation avec leur clientèle.

Si, pour l’heure, l’industrie n’en est qu’à ses prémices, toutes les grandes banques mondiales sont aujourd’hui positionnées sur le créneau. Certaines sont particulièrement avancées, à l’instar de DBS Bank, à Singapour, de Morgan Stanley ou encore de la Banque royale du Canada.

Des fintechs telles que Betterment, aux États-Unis, ou encore N26, en Allemagne, planchent sur ces solutions de demain. L’ambition affichée est de parvenir à préempter les besoins des clients.

Par exemple, si un épargnant consulte frénétiquement son application lors d’un mouvement majeur de marché, il y a fort à parier que celui-ci est particulièrement inquiet de la situation. Il pourrait donc revoir son allocation.

Le logiciel IA va alerter le conseiller qui pourra alors prendre contact avec l’épargnant pour le rassurer et l’accompagner dans son allocation. Demain, l’IA conversationnelle pourrait également prendre la main sur le conseiller en menant la conversation de façon autonome.


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ChatGPT, le « game changer »

Le changement d’échelle pourrait venir de ChatGPT. « Pour l’heure, ChatGPT n’est pas connecté aux distributeurs et aux producteurs. Lorsqu’on lance une conversation à propos de l’épargne, l’échange est encore pauvre.

Néanmoins, il ne s’agit que d’une version bêta. Dans quelques mois, ChatGPT sera deux fois plus sophistiqué, et dans deux-trois ans, il sera 1 000 fois plus sophistiqué. met en garde Julien Maldonato, associé industrie financière chez Deloitte.

Il poursuit : « Le cerveau humain a du mal à projeter une évolution exponentielle. C’est un peu le problème de l’échiquier de Sissa. La révolution qui s’ouvre avec ChatGPT est aujourd’hui sous-estimée. »

Ⓒ Hatice Baran / Pexels.
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Pour preuve, tous les grands acteurs du monde financier ont d’ores et déjà pris des participations dans OPenAI, société mère de ChatGPT. Même les retardataires tels que Microsoft se sont empressés de placer un billet de 10 milliards de dollars pour se positionner sur l’innovation.

D’autres géants, tels que Goldman Sachs et BlackRock, investissent massivement sur l’IA. En Angleterre, Goldman Sachs vient, par exemple, de lancer Marcus, une application mobile patrimoniale qui pourrait très bientôt être renforcée par de l’intelligence artificielle.

Ⓒ Matheus Bertelli / Pexels.
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« Il est fort probable que, dans un horizon de 5 à 10 années, 90 % des produits d’épargne mass market soient distribués par l’IA, qui sera alors à même de réaliser la partie diagnostic et la partie conseil. Les modèles en langage naturel permettront d’adresser les clients qui aiment être convaincus par du narratif », conclut Julien Maldonato.


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