Horlogerie
Il aura suffi d’une crise sanitaire et de quelques confinements pour que les situations les plus incongrues fassent désormais partie de notre quotidien : emmener son kéfir en vacances, donner à son levain un prénom des années 30, prendre des cours de javanais… et vinifier son propre chardonnay.
L’époque où nos aïeux des campagnes cultivaient quelques rangs de vignes en bordure de potager n’est somme toute pas si lointaine. Au temps béni où le déjeuner dominical était indissociable du pichet de rouge au centre de la table, il n’était ni rare ni particulièrement disruptif de produire quelques litrons pour sa propre consommation.
Avec parfois quelques prises de risque et virages mal négociés, puisqu’il arrivait que des cépages déclarés interdits – et accusés de rendre fous – soient vinifiés et consommés dans la plus parfaite innocence. Des bad kids de la vigne, répondant aux doux noms de noah, isabelle, othello ou encore clinton, bannis de toute forme de commercialisation, mais autorisés à être vinifiés… à domicile.
Et quand on sait qu’il existe 10 000 cépages sur terre, et que 80 % du vin en France est issu d’une vingtaine de variétés à peine, autant dire qu’il est encore possible de faire preuve d’un poil de fantaisie – du moins dans les limites de sa propriété et de la légalité.
C’est justement ce qui aura poussé quelques centaines de jardiniers du dimanche à tenter de produire leur vin maison. N’ayant pour ambition que la simple perspective de boire une joyeuse picrate à l’œil sans passer par la case caviste, leurs récits nous ont enchantés, savants mélanges d’enthousiasme, de folie et d’humilité.
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Champagne clandestin en plein XVIème arrondissement
A l’orée du XVIIIème siècle, l’Île-de-France était encore un vignoble à la superficie tout à fait honorable, et produire du vin dans son jardin était loin d’être considéré comme une parfaite hérésie. Parmi les exemples les plus probants de vignerons urbano-jardiniers contemporains, un certain Xavier Charvin d’Andlau.
Œnologue de formation, il est aujourd’hui à la tête d’un domaine baptisé du champêtre sobriquet de Bagatelle-Paris et cultive environ 500 pieds de vignes sur une vingtaine de rangs, au beau milieu du XVIème arrondissement. Pinots noir, blanc et auxerrois y croissent ainsi en toute quiétude, jusqu’à être vinifiés en version pétillante, à raison de plus de 250 flacons par millésime. Soit une quantité quasi-industrielle au regard des quelques bouteilles produites en douce dans nos campagnes !
Des néo-ruraux qui rêvent de grands pinots
« Inutile de vous compliquer la tâche en essayant vainement de faire pousser du grenache noir dans les Hauts-de-France ou du pinot blanc dans la baie de Ramatuelle », affirme Luc-Antoine, propriétaire d’une ancienne cure jouxtant un charmant jardinet au cœur d’une petite commune bourguignonne.
Installé avec son épouse et leur fils en juillet 2020, fuyant la fureur de la ville pour la douceur des champs, il découvre à l’automne quelques rangs de vignes le long du muret, ployant sous d’opulentes et pulpeuses baies. Il pense d’abord à le cueillir en guise de vulgaire raisin de table, avant de se documenter en ligne sur la possibilité d’en faire… du vin.
« Au départ, je considérais cela davantage comme une plaisanterie, souligne le jeune expert-comptable. Mais au fil de mes recherches, j’ai réalisé que je n’avais rien à perdre, sinon un peu de temps ! » Ne rêvons pas davantage, sa première cuvée – sans doute du pinot noir – fut tout juste bonne à remplir le vinaigrier. Mais si la deuxième est encore jeune, le jus est déjà étonnant de fraîcheur, courant sur des arômes de cassis, de poivre blanc, et de croquantes notes de groseilles. Cette année, il espère en tirer près de 20 bouteilles. Peut-être le débit de la gloire.
L.D
En savoir plus sur le site de Bagatelle-Paris
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