×
exposition insert coin monnaie de paris
fanny

The Good Culture // Expositions

Exposition Insert Coin : baby-foots, flippers et bornes d’arcade à l’honneur

Expositions

The Good Culture

Baby-foots, flippers et bornes d’arcade ont façonné l’imaginaire de plusieurs générations d’adolescents, des années 1950 à la fin des années 1990. Mais à l’époque, les joueurs, qui se donnaient rendez-vous dans les cafés, n’imaginaient pas que ces machines qu’ils malmenaient se retrouveraient un jour dans les salles de vente, dans les musées et encore moins qu’une exposition leur serait dédiée. Pourtant, la Monnaie de Paris présente aujourd’hui « Insert Coin », un parcours ludique qui retrace la grande histoire de ces jeux emblématiques d’une époque : séquence nostalgie !

« Je vous parle d’un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». Les cafés en ce temps-là rassemblaient la jeunesse autour d’une partie de flipper, de baby-foot ou d’autres jeux électromécaniques. Cette époque s’étend de l’après-guerre jusqu’aux années 2000. L’exposition « Insert Coin. Flippers, bornes d’arcade et jeux à pièces » (1er mars au 30 juin 2024) se présente comme une occasion rare de se (re)plonger dans ces années-là, où les machines à pièces contribuaient à tisser des liens.

Dans cette logique, la Monnaie de Paris offre la possibilité, via une pièce de un franc, de tester des jeux iconiques comme Pong, Space Invaders, Spirit of 76, Pac Man, Metal Slug, ou de mettre en marche un vieux juke-boxe, et ainsi de s’immerger dans un environnement sonore aujourd’hui caduc ! Ludique, l’exposition montre surtout comment les jeux à pièces ont été au fil du temps de sérieux marqueurs de l’époque : sociétaux, technologiques, économiques et esthétiques.


Lire aussi : Exposition : La Galerie Magnum rend hommage à Elliott Erwitt


Une leçon d’histoire s’impose

Majoritairement, ces machines à pièces sont imprégnées de la pop culture américaine et proviennent des Etats-Unis ou du Japon, mais les machines de divertissement sont apparues pour la première fois au XVe siècle, en France ! « Cocorico ! ».

Elles ont ensuite conquis l’Europe au XVIIIe et traversé l’Atlantique au XIXe. Au moment même où la marque française Bonzini développe son premier baby-foot (inventé par l’ingénieur français Lucien Rosengart en 1921), le tout premier jeu activé par une pièce de monnaie voit le jour à Chicago. S’ensuit une émergence de jeux de plus en plus complexes et divertissants, et de ce fait le développement de la culture des cafés et des salles d’arcade, qui les mettaient à disposition.

Exposition « Insert Coin » à la Monnaie de Paris.
Exposition « Insert Coin » à la Monnaie de Paris. Victor Point

La révolution électronique

Particulièrement lucratifs, les jeux de café suscitent un intérêt grandissant. Les constructeurs tentent de rivaliser d’ingéniosité pour écraser la concurrence. En la matière, les Américains dominent le marché mais, très vite, les Japonais deviennent de sérieux concurrents, grâce à l’électronique qui révolutionne l’industrie dans les années 1970.

Baptisé Spirit of 76, le tout premier flipper à microprocesseurs apparaît en 1976 mais, en raison de sa technique trop coûteuse et de son design peu attrayant, il se révèle être un échec. En revanche Pong (1972), le premier jeu vidéo commercial et notable, rencontre quant à lui un énorme succès.

Les employés d’Atari, le fabricant et éditeur du jeu, racontent que les bornes installées dans les cafés tombaient souvent en panne car elles n’avaient pas été conçues pour traiter un tel débit de pièces de monnaie. Basique, Pong ouvre la voie à une démocratisation des jeux d’arcade tel que Space Invaders, pionnier des « Shoot’em up », jeux qui consistent à pulvériser des vagues successives d’ennemis venus de l’espace. Au début des années 1980, au Japon, les 100 000 bornes vendues par Taito poussent la Banque Centrale à émettre davantage de pièces de 100 yens afin d’éviter une pénurie.

Exposition « Insert Coin » à la Monnaie de Paris.
Exposition « Insert Coin » à la Monnaie de Paris. Victor Point

Des jeux de divertissement oui, mais d’argent aussi !

Contrairement à aujourd’hui, chaque partie de jeu vidéo avait un coup, ce que l’exposition « Insert Coin » souligne bien. Les commissaires Nicolas Galiffi et Jean-Baptiste Clais ont d’ailleurs tenu à recontextualiser le prix d’une partie en fonction des époques et des inflations.

Dans les années 1980, la partie de jeu vidéo coûtait 2 francs quand la baguette de pain était affichée à 2,80 et le ticket de métro à 3 francs. Les inflations pouvaient presque se mesurer aux grognements des gamins qui s’écriaient : « c’est pas normal ! Le prix de la partie à doublé », comme le remarque, amusé, Jean-Baptiste Clais.

Mais certains savaient ruser : en perforant les pièces de monnaie et en les attachant à un fil de nylon, ils pouvaient la récupérer facilement une fois insérée et ainsi jouer jusqu’à ce que le patron du bar s’en aperçoive ! Une pièce exposée à la Monnaie de Paris en témoigne.

Insert Coin : de la pop culture aux jeux à pièce et vice-versa

Le parcours de l’exposition Insert Coin immerge le visiteur dans l’atmosphère des diverses époques abordées au regard d’objets du quotidien et culturels : magazines, cassettes audio, bandes dessinées… Ainsi, les commissaires montrent que les jeux à pièces ont toujours étaient le miroir de la pop culture et vice-versa.

« En France, l’arrivée de Métal Hurlant est significative. Ce magazine de bande dessinée de science-fiction un brin trash et créé en 1975 va avoir un fort impact sur l’esthétisme des jeux à pièces, jusqu’alors assez aseptisés. En France comme aux Etats-Unis, les designers se nourrissaient de BD. Aux Etats-Unis, en particulier, on voit très bien que l’esthétisme des jeux suit celle des comics régie par la Comics Code Authority (CCA), une organisation de régulation du contenu des comics. C’est frappant. »

Mais le cinéma aussi à eu une influence. Indiana Jones se retrouvait affiché sur des jeux d’arcade ou des flippers, par exemple. Mais le jeu est à double sens, remarque Jean-Baptiste Clais : « quelques mois après la sortie de Pac Man, les studios Hanna-Barbera s’emparent de la licence pour produire un dessin animé, suivront les films Street Fighter – L’ultime combat (1994), Super Mario Bros. (1993) ou Mortal Kombat (1995), tous des navets tellement kitsch qu’ils ont marqué l’histoire ».

Exposition « Insert Coin » à la Monnaie de Paris.
Exposition « Insert Coin » à la Monnaie de Paris. Victor Point

L’apogée sonne le glas

Les jeux à pièces connaissent leur apogée dans les années 1990 mais aussi leur avènement, la faute à l’arrivé des consoles de jeux vidéo et des ordinateurs dans les foyers, mais pas que. « La carte prépayée téléphonique et la téléphonie ont considérablement modifiés les modes de mobilité des adolescents et leurs lieux de rencontre. Désormais, les jeunes peuvent se donner rendez-vous n’importe où et n’importe quand, plus besoin, pour être sûr de retrouver ses potes, d’aller au café : le lieu de rassemblement de toute une jeunesse dans les villages et les villes moyennes jusqu’aux années 2000. » Les jeux à pièces se retrouvent alors sans joueurs.

« Seules les bornes équipées d’un siège auto, pour les jeux de voitures, ou d’une arme, pour certains jeux de combat, parviennent à tirer leur épingle du jeu, mais ils constituent désormais une niche », précise Jean-Baptiste Clais. Mauvais timing, le flipper Médiéval Madness lancé en 1997, l’un des meilleurs jamais conçus, n’aura pas eu la longévité qu’il méritait.

Une page s’est tournée. Les sons des jukeboxes, des balles de flippers et des jeux vidéo ne résonnent plus dans nos cafés, mais ils s’épanouissent totalement au sein de la Monnaie de Paris, le temps de cette exposition fascinante !


Exposition Insert Coin
Du 1er mars au 30 juin 2024
Nocturnes les mercredis jusqu’à 21h
A la Monnaie de Paris, 11 Quai de Conti, 75006 Paris
Site internet


Lire aussi : Paris : une exposition célèbre le génie de Richard Avedon à la Gagosian gallery

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture