Horlogerie
Si son nom n’évoque rien à celui qui se contente de regarder Chef’s Table d’un œil distrait, Dominique Crenn est pourtant l’une des cheffes les plus douées de sa génération. Après des années d'exil américain, elle vient d'ouvrir son premier restaurant à Paris, le Golden Poppy, et rejoint le jury de Top Chef.
C’est le nouveau visage de Top Chef sur M6. Petite fille adoptée par un couple breton — « ma maman de naissance m’a fait un incroyable cadeau, celui de me donner l’opportunité de grandir auprès de ma famille » —, Dominique Crenn n’a jamais rien fait comme les autres. Après des études à l’École Supérieure de Cuisine Française, elle file en Californie dès 1998, sans doute poussée par un instinct qui ne la trahira jamais.
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From San Francisco…
Fraîchement débarquée à San Francisco, elle rencontre au culot Jeremiah Tower, chef-propriétaire du restaurant Stars, et le convainc de l’embaucher. « Je lui ai dit qu’il manquait une femme à sa cuisine et que nous, les Français, nous savions faire à manger. Il m’a répondu de revenir à 18 heures pour le service du soir. J’ai cuisiné un plat qu’il a goûté, et aimé. J’y suis restée deux ans. »
Son premier patron devient son mentor. Elle considère aujourd’hui comme son ami celui qui fut le pionnier, dans les années 80, aux côtés d’Alice Waters, du mouvement « farm-to-table » en Californie.
Quand elle cherche à ouvrir son premier restaurant, il l’encourage. Atelier Crenn, nommé d’après son père artiste, voit le jour en en 2010. L’ouverture n’est pas évidente : « Les Américains ne comprenaient pas ma cuisine ». La cheffe est pourtant à l’avant-garde de ce qui se fait aujourd’hui partout dans le monde : circuits-courts, cuisine de saison, amour du végétal… Le Michelin, lui, l’adoubera pourtant une année plus tard. Une étoile, donc. Puis deux. Puis trois. Dominique Crenn est à ce jour encore la seule cheffe a avoir décroché trois macarons Michelin aux Etats-Unis. Là-bas, c’est une rock-star, ultra-médiatisée.
Au Pays de l’Once Sam, les chefs y sont considérés comme de véritables célébrités. On les rencontre accompagnés de leur manager, coiffeur et make-up artist lors de leurs apparitions publiques. Avec son allure qui en impose (casquette façon Gavroche, bijoux bohème) et un talent XXL, Dominique Crenn est vite devenue la hit girl de la cuisine, et son couple avec une actrice de la série NCIS, apparaît régulièrement dans les magazines people.
Si la France a toujours vénéré ses chefs, il y a un revers de la médaille à ce statut de demi-dieux : leurs passages médiatiques, que cela soit dans des émissions télé (Top Chef atténue le phénomène) ou comme ambassadeur de marque a souvent pu faire grincer des dents les puristes, qui voient ce mélange entre marketing et gastronomie comme un sacrilège.
Dominique Crenn ouvre le restaurant Golden Poppy à Paris
C’est en plein cœur de la capitale que la cheffe a choisi de poser ses couteaux pour la première fois en France. Elle a imaginé pour l’hôtel La Fantaisie Golden Poppy, une table résolument inspirée de sa vie en Californie néanmoins frenchisée au regard des produits cuisinés. Si la capitale peinait encore à s’accorder sur la définition de la cuisine californienne, souvent cantonnée aux avocado toasts et autres tacos un peu trop exotiques, Dominique Crenn en écrit la définition par la démonstration.
Sa West Coast à elle est solaire, bien sûr, mais aussi colorée, fraîche, ni trop chaude, ni trop froide, mais surtout, elle est libre. « En Californie on ne juge pas, on n’est pas enchaînés à des codes. C’est ainsi que j’ai pu trouver ma voix. »
Une liberté de ton et surtout de goût que Dominique Crenn a souhaité enfin faire découvrir à Paris : « Les gens ont une idée fausse de ce qu’est la cuisine californienne. Arrêtez de la cantonner aux hot dogs et aux burgers ! La Californie, c’est un extraordinaire paysage entre terre et mer, un melting-pot qui s’est façonné autour de son immigration mexicaine et asiatique ».
La cuisine californienne de Dominique Crenn est un jeu. Une brioche (les « Parker House Rolls ») à tremper dans trois sauces à partir desquelles le client devra composer son mariage favori. Des tacos d’ormeaux — « c’est le goût de ma mer », précise la cheffe à propos de ce crustacé pour le moins méconnu — à monter soi-même, dont les ingrédients sont présentés dans un jardin japonais façon désert du Nevada. Un ceviche de bar sur lequel on fait couler un jus aux petits-pois avant dégustation.
Elle qui y est née sans y avoir jamais vécu, Dominique Crenn a « toujours senti un lien avec Paris ». Boucle bouclée, retour aux sources ou renaissance, cette nouvelle aventure a sans conteste un goût d’héritage.
F.L.G.
Golden Poppy par Dominique Crenn
À l’hotel La Fantaisie
24 Rue Cadet, 75009 Paris
Réservations