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Tendance « NoLo » : la France est-elle prête à arrêter de boire (de l’alcool) ?

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Le « NoLo » est-il le nouveau chic ? Cette tendance venue des Etats-Unis, qui consiste à peu ou ne plus boire d'alcool du tout, atteint doucement la France, poussant les adeptes des Dry January et Sober October à faire perdurer leurs efforts...

Il y a ceux qui ne touchent pas aux boissons alcoolisées par conviction ou par goût. Et il y a les autres. Ceux-là sont d’un genre assez nouveau : peut-être se sont-ils un jour laissés tenter par le jeûne sans alcool lancé en janvier 2013 (le fameux Dry January) ou convaincre de réduire leur consommation de façon pérenne, afin de garder les idées claires ou de faire attention à leur condition physique… Le « NoLo » est une tendance née aux Etats-Unis qui regroupe les personnes désireuses d’arrêter de boire (« No Alcool ») ou de modérer leur débit (les adeptes du « Low Alcool », soit des boissons à teneur réduite en alcool) qui s’installe de plus en plus dans nos mœurs… et sur les tables de nos restaurants.


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Le NoLo est-il possible en France ?

Avec un Président manifestement peu fâché avec le pinot, élu Personnalité de l’année par la Revue du Vin de France en 2022 – et qui déclarait il y a peu boire du vin « le midi et le soir » – rien ne prédestinait la France à embrasser la sobriété.

Deuxième pays consommateur de vin au monde avec un secteur des vins et spiritueux comptant comme second contributeur dans la balance commerciale, la France aura échappé longtemps aux chantres de l’hygiénisme.

Mais c’est un fait : la consommation de vin baisse en France, passant de 100 litres par habitant en 1975 à 40 litres aujourd’hui (Intervin). La Génération Z boit moins. Les excès sont vilipendés, les couperosés montrés du doigt et les liquides vertueux encensés – kombucha, kéfir et bière sans alcool en tête. Et si certains se seront allégrement poivré le moulin en période de Covid afin de défier le temps qui passe, de plus en plus laissent définitivement le pinard au placard.

Mais au-delà des modes et des désirs mimétiques, la tendance est-elle vouée à se pérenniser, dans un pays où le vin reste, sinon un étendard, un véritable soft power ?

Mads Mikkelsen, dans Drunk (Thomas Vinterberg, 2020), n’est clairement pas un adepte du NoLo.
Mads Mikkelsen, dans Drunk (Thomas Vinterberg, 2020), n’est clairement pas un adepte du NoLo. Haut et Court

Suivre des États-Unis au régime sec

Chez nos voisins d’outre-Atlantique, la consommation de boissons sans alcool croît de 20 % par an (85 % des ventes liés à la bière sans alcool selon l’International Wine & Spirit Research) et les grandes marques l’ont bien compris. A commencer par Heineken, qui aura promu pour la première fois de son histoire une bière sans alcool lors de la pause commerciale du Superbowl en 2023.

Si, au contraire de la France où les déjeuners d’affaires placés sous le sceau de la biture n’y ont jamais été la condition sine qua non des signatures de contrats commerciaux, les États-Unis, encore une fois, auront été le fer de lance d’un mouvement ayant durablement impacté notre manière de boire les choses. Productivité, forme physique, image publique ou simplement moins d’inconnu(e)s bavant au réveil sur l’oreiller : toutes les raisons sont bonnes pour y revendiquer haut et fort son désamour de l’alcool.

Ainsi, entre juillet 2021 et juillet 2022, 72 nouvelles boissons non-alcoolisées ont vu le jour aux Etats-Unis, dont 37 bières, 18 spiritueux sans alcool et 17 vins. Même les cavistes s’y mettent, à commencer par Nicholas Bodkins qui aura ouvert sa cinquième échoppe de vins, bières et spiritueux sans alcool à New-York fin 2022.

Avec toutefois une nuance de taille, puisque la grande majorité des acheteurs (82 %) continuerait de boire de l’alcool en parallèle : ces boissons seraient donc complémentaires plutôt que substituts. La so-so-briety : un thème à creuser au-delà de ces pages…

Boire de l’eau plutôt que de l’alcool ? Oui, mais pas que…
Boire de l’eau plutôt que de l’alcool ? Oui, mais pas que… Nicolas Ruiz / Unsplash

Arrêter de boire de l’alcool : une France à la diète ?

Si les Français sont symboliquement attachés à leur ballon de rouge, force est de constater que les tempéraments évoluent. Le copain qui a arrêté de boire est un peu moins peine-à-jouir (il prend soin de lui !), les regards lorsque l’on commande une San Pellegrino un soir au restaurant se veulent moins réprobateurs, les têtes de gondole chez Leclerc affichent désormais quelques bières 0,0%… Et certains leaders d’opinion, à commencer par les influenceurs, sommeliers et autres chefs de cuisine, s’évertuent à intégrer ici-et-là une proposition sans alcool.

Adeline Grattard, cheffe émérite du restaurant parisien Yam’Tcha, avait lancé la tendance il y a quinze ans avec un accord mets et thés. D’autres poursuivent l’aventure, à commencer par David Toutain à Paris, Paz Levinson chez Pic à Valence ou encore Le Clos des Sens à Annecy. Certains sommeliers, à l’image de Benoît D’Onofrio (aka le Sobrelier), en ont fait leur métier, et façonnent avec beaucoup de talent des pairings sans alcool, aux possibilités infinies : palette aromatique, accord chromatique avec les plats, jeu de textures et touchers de bouche, transformation de déchets organiques en infusions ou fermentations — peaux, parures, etc. Soit « L’idée poétique du sauvetage des éléments », nous soufflait-il pour ce papier. Et pour les chefs, une soupape intéressante en termes économiques : offre inédite, utilisation des matières peu nobles, jusqu’au-boutisme écolo…

Le plat de choux de Bruxelles de David Toutain associé à un jus de kale maison.
Le plat de choux de Bruxelles de David Toutain associé à un jus de kale maison. Thaï Toutain

Loin d’être avant-gardiste en la matière, la France voit les enseignes anti-gueule de bois se multiplier (JNPR, Calixte Payan, Paon Qui Boit, Ceder’s de Pernod-Ricard), y décelant une fenêtre d’opportunité et un relais de croissance. Car selon l’ISWR, au sein des principaux marchés des boissons sans alcool, 25% des « nouvelles recrues » en 2022 sont françaises…

Un nouveau terrain d’expression pour certains, et pour d’autres, sûrement un juteux filon face à une génération (presque) prête à lâcher la grappe.


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La Génération Z(éro) arrête de boire de l’alcool

La Gen Z boit moins et sans doute mieux. L’explosion des boissons adaptogènes, stimulantes, du kombucha et du kéfir cités plus haut en témoignent. Et les stars le savent : être pris en flagrant délit d’ivresse fait moins vendre que d’être photographié faisant son jogging aux aurores à Morning Side Hights en buvant un bubble tea avec le ventre plat. Même Kylie Minogue a lancé son « No Alcohol Sparkling Rosé » écoulé à des millions d’exemplaires ! Bref, la sobriété façon NoLo fait vendre.

Mais la Gen Z boit aussi différemment. Les radicalités s’expriment : les « low alcohol drinkers » – à savoir les individus buvant des liquides à faible teneur alcoolique – se révèlent rares, tandis que les « no-alcohol drinkers » prospèrent (70 % de la croissance du secteur).

Les réseaux sociaux n’y sont pas étrangers. En témoigne le ralliement de plus en plus massif de la Gen Z aux Sober October et Dry January – selon Forbes, 30 % des participants appartiendraient à la Gen Z –, ou pour les plus malins, au Dry February (seul mois où le supplice ne durera que 28 jours).

Peut-être aussi le symptôme d’une époque dans laquelle ni la réserve, ni l’équilibre n’ont vraiment trouvé racine chez les jeunes, France comprise. Ou encore, chez les néo-abstinents revendiqués et gentiment donneurs de leçon, un nouvel axe de transgression et une façon de dire à leurs aïeux que la boisson est un loisir de vieux barbons – parfois hélas au profit de substances malheureusement moins recommandables.

NoLo : l’éloge de la s(n)obriété ?

Arrêter ou moins boire serait donc résolument chic. Alors que la richesse se mesurait autrefois à l’opulence, qui se mesurait aux litres de champagne écoulés, l’abstinence est désormais une marque de distinction. On boit du vin en canette (1,5 verre, peu ou prou), on boit vivant (vins naturels), et l’on culpabilise sec à l’idée de se servir un verre de Gigondas dans la cuisine avant d’amener sa fille à l’école – là, il y a de quoi.

Avec une entrée remarquée au sein des milieux branchés parisiens, mise en avant par des chefs ou des sommeliers qui y ont déjà perçu une manière de décupler les possibles, le NoLo gagne petit à petit sa place au comptoir et à la maison. Les alcooliers rachètent à tour de bras les start-ups innovantes, proposant une offre de cocktails plus sophistiquée et des ersatz de produits alcoolisés qui interpellent par leur packaging, leur valeur symbolique, et leur prix…élevé !

En dépit d’une règlementation encore aléatoire, le NoLo est dans le goût de l’époque et représente pour le privé un pan de croissance conséquent, qui ne prospérera fort probablement en France qu’en complément d’une sacro-sainte proposition alcoolique. Sûrement, d’abord, hors des campagnes, auprès d’une population sensibilisée et aisée, et grâce à des produits singuliers et de qualité, qui ne cherchent pas à singer ce que l’on connaît déjà.

La France est-elle prête à tirer un trait sur ses bons vins ?
La France est-elle prête à tirer un trait sur ses bons vins ? Christian Bowen

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