×
Boeing, bigger than big
LA LIGNE D’ASSEMBLAGE DU 787 DREAMLINER.
tgljeanchristophe

Transport

Boeing, Bigger than big

Transport

Le site d’Everett, qui abrite la fabrication des 747, des 767, des 777 et des 787 Dreamliners, se prépare à fêter le centenaire de Boeing, sans pour autant ralentir son activité. The Good Life est entré dans le saint des saints, une véritable ruche réputée pour être la plus grande usine du monde.

« Bienvenue dans la plus grande usine du monde ! » David Reese est très fier de faire visiter « son » usine. Il y a fait ses débuts de jeune ingénieur il y a trente-quatre ans, y a occupé différents postes, passant des bureaux d’études aux ventes, puis au marketing, avant de devenir responsable de la communication du site. La « plus grande usine du monde » en volume, titre homologué par le livre Guiness des records, située à Everett, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Seattle, a été construite en 1967 et en 1968 pour abriter la production du 747, le plus grand avion de ligne de l’époque. Le projet européen Airbus sortait alors à peine des limbes ; son premier appareil, l’A300, ne verrait le jour qu’en 1972. Boeing avait beaucoup d’avance, voyait grand, très grand. La compagnie, tout comme les Etats-Unis, s’apprêtait à dominer le monde depuis Seattle où elle avait été fondée et où elle avait encore son siège (qu’elle a déménagé à Chicago, en 2001).

100 ans en quelques dates

1916 : William Boeing construit et fait voler son premier appareil, un hydravion.
1919 : premier vol du B-1, premier avion commercial de Boeing.
1958 : l’US Air Force commande trois 707 pour le président des Etats-Unis.
1969 : premier vol du 747 long-courrier.
1993 : Boeing est sélectionné par la Nasa pour la construction de la station spatiale internationale (ISS).
2001 : déplacement du siège de Seattle à Chicago. Après le rachat des activités spatiales et de défense de Rockwell (1996) et de McDonnell Douglas (1997), Boeing se réorganise et rapproche son siège des marchés financiers, des hubs de ses grands clients et des centres de décision de la défense, dans l’est du pays.
2007 : présentation mondiale du 787 Dreamliner, concurrent de l’Airbus A350.

Trois usines de production
L’usine d’Everett a été étendue à plusieurs reprises pour accueillir au fur et à mesure les lignes de fabrication des nouveaux modèles. Aujourd’hui, aux côtés des 747, Boeing y construit les 767, les 777 et, les plus récents, les 787 Dreamliners. Ces derniers étant également assemblés dans l’usine de Charleston, en Caroline du Sud. Les 737 sont quant à eux toujours fabriqués dans l’usine de Renton, au sud de Seattle, qui en produit une soixantaine par mois. A elles trois, ces usines assurent la production de tous les avions civils de Boeing.

LE SITE D’EVERETT EST ESSENTIELLEMENT UN LIEU D’ASSEMBLAGE ET LE BÂTIMENT EST COMPOSÉ DE BASES DANS LESQUELLES CHAQUE TYPE D’AVION EST FABRIQUÉ.
LE SITE D’EVERETT EST ESSENTIELLEMENT UN LIEU D’ASSEMBLAGE ET LE BÂTIMENT EST COMPOSÉ DE BASES DANS LESQUELLES CHAQUE TYPE D’AVION EST FABRIQUÉ. Amos Morgan

D’une superficie de 415 hectares – soit un peu plus que le VIIe arrondissement de Paris –, le site d’Everett dispose de sa propre police, d’une brigade de pompiers, de ses stations d’épuration et de production d’électricité, d’un centre de sport, de son magasin, de son musée, d’une clinique et de 20 000 places de parking ! Il est approvisionné par une voie de chemin de fer qui arrive aux portes du bâtiment principal, par camions et par le Dreamlifter, un 747 transformé pour transporter les gros éléments en fibre de carbone du 787, fabriqués, pour la plupart, au Japon. Cet énorme avion capable de transporter des ailes entières atterrit sur la piste voisine de Paine Field, l’aéroport privé du site. C’est d’ailleurs ici, et en grande pompe, avec coupe de ruban et dignitaires, qu’ont lieu les livraisons aux compagnies aériennes après quelques vols d’essai.

L’usine d’Everett en chiffres

Superficie : le bâtiment principal mesure 1 067 m de long sur 492 m de large (soit 40 ha !) et 35 m de haut. Cela équivaut à un immeuble de 10 étages de 1 km de long et 0,5 km de large… Il pourrait abriter 75 terrains de football américain ou 2 142 maisons individuelles de 185 m2 chacune.
Eclairage : 1 M d’ampoules éclairent le bâtiment.
Effectif : 35 000 personnes travaillent sur le site. Ceux qui œuvrent à la fabrication des avions font 3 tours de 8 heures. Le tour de nuit est réservé au nettoyage et à la maintenance.
Equipements : 26 ponts roulants déplacent jusqu’à 40 t de charge le long d’une charpente métallique de 72 km.
Rivets : un 747 comporte 3 M de rivets.
Tunnels : 3,7 km de souterrains facilitent les déplacements des employés, à pied ou à vélo, d’un endroit à l’autre du bâtiment.
Visiteurs : près de 300 000 chaque année.


Le site d’Everett est essentiellement un lieu d’assemblage. Les pièces et composants sont fournis par des milliers de sous-traitants, de fournisseurs et d’équipementiers. Le bâtiment est composé de « bases » dans lesquelles chaque type d’avion est fabriqué. La tête, la queue et les éléments du fuselage sont assemblés par rivetage. Lorsque le corps de l’avion est complet, il est positionné sur les trains d’atterrissage. A partir de là, il roule d’un poste à l’autre. A l’étape suivante, les ouvriers installent les aménagements intérieurs, les toilettes, les cabines de repos pour les navigants, les sièges, les cuisines, les câbles, les connexions informatiques, etc. Puis l’avion reçoit ses moteurs. Après un ou deux jours de finitions, l’énorme porte du hangar de la base s’ouvre à la nuit tombée – lorsque le parking qui fait face à la porte est entièrement vide – et l’avion roule jusqu’à l’atelier de peinture. Une fois peint, il recevra son premier plein de carburant et sera prêt pour les premiers vols d’essai. Une vingtaine d’appareils quittent ainsi l’usine d’Everett chaque mois.

Le 787 Dreamliner, construit en grande partie avec des matériaux composites comme son concurrent l’Airbus A350, a obligé Boeing à repenser la ligne de fabrication et les outillages. Le Production Integration Center (PIC) gère la fabrication sur les deux sites, Everett et Charleston, en fonction des approvisionnements, des disponibilités et des commandes. L’enjeu n’est pas anodin. Plus léger et donc moins gourmand en carburant, le nouvel appareil a vu son lancement entaché par des problèmes techniques importants qui ont cloué au sol les premiers modèles livrés. Il faut rassurer, et rassurer encore… Et prendre les bons tournants technologiques. Un nouveau bâtiment dédié aux éléments en composite est en cours d’installation face à la base où sont assemblés les 787. Trois autoclaves, réputés comme étant les plus grands du monde – décidément, Boeing aime les records –, permettront de fabriquer les éléments de fuselage des Dreamliners et les ailes des 777. Everett reste la vitrine la plus visible du constructeur ; elle ne cesse de se transformer, d’évoluer, d’être réaménagée… Une astreinte nécessaire pour pouvoir aborder un nouveau centenaire.

Génération après génération…

En cent ans d’existence, Boeing a forcément vu passer plusieurs générations d’employés. Tant dans les bureaux que dans les usines, il est très fréquent de rencontrer des personnes dont les parents, les enfants ou le conjoint travaillent également dans l’entreprise. « Le père et le frère de Raymond Conner, directeur de la division aviation commerciale de Boeing, ont travaillé pour le groupe, tout comme ma mère, mon oncle et l’un de mes cousins », énumère Bill McSherry, vice-président en charge de l’engagement social de Boeing Aviation civile. Quant à Lori Gunter, responsable de la communication, elle est de la troisième génération, après son grand-père et son père. Entrée dans l’entreprise trente ans plus tôt pour un job d’été, elle a décidé d’y rester après avoir visité l’usine d’Everett. Les parents et la belle­‑mère de Michael Lombardi (lire interview), l’historien de Boeing qui a rejoint l’entreprise à la fin des années 70, font également partie de l’effectif. Et ce ne sont là que trois exemples parmi des centaines. Certaines familles travaillent chez Boeing depuis quatre générations ! Un phénomène rarissime aux Etats-Unis.

3 questions à Michael Lombardi, historien d’entreprise et directeur des archives de Boeing

The Good Life : Boeing a toujours joué un rôle important dans l’histoire économique de Seattle. Comment ce rôle a-t-il évolué ?
Michael Lombardi : Je dirais que Seattle était un bon endroit pour créer et développer Boeing. Le port nous a donné accès aux marchés chinois et japonais. En grandissant, Boeing a parfaitement servi la cause de Seattle. D’abord, parce qu’elle a attiré de nombreuses activités dans la région. Ensuite, parce qu’elle a contribué à former des générations d’ingénieurs et de techniciens et qu’elle a aidé les écoles et les universités locales. Boeing a favorisé le développement d’un environnement innovant et attiré de nombreux talents. En résumé, disons que Boeing et Seattle ont grandi ensemble !
TGL : Comment expliquez-vous la très grande fidélité des employés de Boeing ?
M. L. : Boeing est le premier employeur de la région. A Los Angeles, un ingénieur change d’entreprise lorsqu’il en a envie. A Seattle, c’est moins facile. De plus, c’est un bel endroit pour vivre, et l’aéronautique est un secteur passionnant. Donc, les gens restent ! Outre les bonnes conditions qui leur sont faites en matière de salaire, de santé et de retraite, les employés peuvent changer de poste et progresser dans l’entreprise. Le meilleur exemple est Raymond Conner. Il a commencé en 1977 comme mécanicien sur le 727, il est aujourd’hui patron de Boeing Aviation civile. Et le président du groupe, Dennis Muilenburg, est entré comme ingénieur en 1985.
TGL : Boeing célèbre son centenaire. Quelles sont pour vous les étapes importantes de ces cent ans ?
M. L. : J’espère tout d’abord que les gens comprennent combien ce que nous faisons est important ! Nous faisons voler les personnes et les marchandises dans le monde entier, nous leur donnons la liberté ! Boeing était là pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes allés sur la Lune. Nous préparons la fusée qui nous emmènera sur Mars. Nous allons là où l’on pensait qu’il était impossible d’aller !

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture