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Dominique Lévy
Dominique Lévy. Ses expositions au cœur de l’Upper East Side rivalisent avec celles des plus grands musées new‑yorkais. Experte de l’art d’après-guerre, la galeriste suisse a su imposer aux Etats‑Unis ses coups de cœur et convaincre les collectionneurs américains de s’intéresser aux artistes européens.
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The Good Business

Dominique Levy, vingt-cinq ans de passion de l’art

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Ses expositions au cœur de l’Upper East Side rivalisent avec celles des plus grands musées new‑yorkais. Experte de l’art d’après-guerre, la galeriste suisse a su imposer aux Etats‑Unis ses coups de cœur et convaincre les collectionneurs américains de s’intéresser aux artistes européens. Rencontre avec une femme d’exception.

909 Madison Avenue. L’adresse est prestigieuse, le bâtiment, élégant. Au cœur de l’Upper East Side de Manhattan, l’architecture néofédérale du petit immeuble de brique rouge attire l’œil et invite à pousser la porte de la galerie. Sa propriétaire l’avoue, elle en est tombée amoureuse trois ans plus tôt. « C’est l’un des plus beaux immeubles de New York, lance Dominique Lévy depuis son bureau confiné sous les toits. Ses proportions sont parfaites et son volume, chaleureux. » Construit en 1931, il a longtemps abrité une succursale de la Bank of New York. Certains y verraient un hommage au père de la galeriste suisse, le banquier d’affaires André Lévy. « Pas du tout. Une pensée, peut-être, quand on a défait les coffres, dont il reste ici quelques portes », confie-t-elle pudiquement, le regard tourné vers un coin de la pièce.
Savoureux raffinement, les artistes qu’elle représente ont presque tous l’âge du bâtiment. Enrico Castellani, Frank Stella, Günther ­Uecker… des Européens qu’il était difficile de montrer à New York il y a encore quinze ans. « Les Etats-Unis ont toujours été un pays qui privilégie ses artistes, surtout depuis l’après-guerre. C’était un vrai défi de convaincre les collectionneurs américains de s’intéresser au travail des Européens. Ça ne l’est plus, surtout pour les Italiens comme Klein ou Fontana avec lesquels nous travaillons. » Pour preuve, le musée Guggenheim vient de monter l’une des plus importantes rétrospectives des œuvres d’Alberto Burri. Ces questions de géographie agacent quelque peu la passionnée d’art, elle-même collectionneuse d’art contemporain. Au commissaire et au galeriste, rappelle-t-elle, de faire découvrir les artistes en qui ils croient et les liens tissés entre eux. En 2010, elle avait révélé la connexion entre Calder et Tanguy, pour la première fois exposés ensemble. « Les gens qui collectionnaient Tanguy ont eu, tout à coup, envie de Calder et vice versa. On crée les moments, ils ne vous tombent pas dessus. »

Parcours

1967 : naissance à Lausanne.
1987 : premier stage chez Christie’s, New York.
1999 : dirige le département des ventes privées chez Christie’s, à New York.
2005-2012 : association avec Robert Mnuchin pour créer les galeries L&M Arts, à New York et, en 2010, à Los Angeles.
Septembre 2013 : ouverture de sa galerie à New York.
Octobre 2014 : ouverture de sa galerie à Londres.

De belles rencontres et un parcours sans faute
En 2012, le magazine Forbes classait Dominique Lévy dans le top 10 des femmes les plus influentes du monde de l’art. « Quelle responsabilité ! » lance l’intéressée, réputée pour la richesse de son carnet d’adresses et pour sa détermination coriace en affaires. Son influence se mesure avant tout à la confiance que lui accordent les musées. Le MoMA, le ­Whitney, le Met, le Philadelphia Museum of Art : les plus grands lui prêtent des œuvres, comme pour Drawing Then, sa dernière exposition, qui rassemble 78 dessins d’une quarantaine d’artistes, de Jasper Johns à Adrian Piper. A 48 ans, Dominique Lévy est pourtant une femme qui doute. « Je suis une angoissée, chaque jour je me remets en question. » Fille de collectionneurs, elle avoue avoir la chance de mener une vie « faite de belles rencontres ». Celles avec des artistes hors normes, comme le peintre Pierre Soulages, « le seul à avoir compris ce qu’est l’abstraction ». Avec des mentors qui l’ont aidée à bâtir sa carrière : le célèbre galeriste britannique Anthony d’Offay, pour lequel elle a travaillé après son premier stage chez Christie’s, à New York, et ses quatre années avec le Suisse Simon de Pury, chez Sotheby’s, ou encore François Pinault, qu’elle croise en 1998, avant qu’il ne la débauche pour diriger les ventes privées chez Christie’s, à New York. Après un parcours sans faute dans les plus grandes maisons de ventes aux enchères, Dominique Lévy décide de monter sa propre galerie. D’abord en partenariat avec le financier Robert Mnuchin, puis en solo. En septembre 2013, elle ouvre le 909 Madison Avenue, dont elle loue le rez-de-chaussée au galeriste parisien Emmanuel Perrotin. Son rythme ne s’est pas ralenti, entre une vie de famille bien remplie – trois enfants – et les avions à prendre. L’interview s’achève sur le trottoir de Madison Avenue. Dominique Lévy aimerait parler plus longuement de son autre passion, les livres, car « c’est ce qu’il reste après les expositions », mais elle s’engouffre déjà dans sa voiture. Direction l’aéroport et la FOG Design+Art Fair, à San Francisco.

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