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Aventurier dans l'âme, l'explorateur suisse Bertrand Piccard sera à bord du premier avion à hydrogène vert en 2028 - TGL
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Marine Mimouni

Voyage // The Good News

Bertrand Piccard lance le premier avion à hydrogène vert

The Good News

Voyage

Intriguée par le premier avion à hydrogène vert, la rédaction de The Good Life a posé quelques questions à son inventeur, Bertrand Piccard.

Bertrand Piccard a fait le tour du monde sans énergie fossile, en ballon puis en avion solaire. En 2028, ce sera à bord du premier avion à hydrogène vert. Son but : démontrer le potentiel des technologies propres et inciter gouvernants et industriels à s’en emparer pour effectuer la nécessaire transition écologique. Sa Fondation Solar Impulse a déjà mis en avant 1 750 solutions.


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The Good Life : Quel est le but de la Fondation Solar Impulse ?

Bertrand Piccard : Ecologie et économie peuvent et doivent aller de pair. Nous avons labellisé 1 750 solutions immédiatement applicables, capables de protéger l’environnement de façon rentable. Ce sont des produits, des processus ou des services émanant de grandes entreprises et de start-up, qui contribuent au développement durable dans les domaines de l’eau, de l’énergie, de la mobilité, des constructions, de l’industrie, de l’agriculture, ainsi que de la consommation et de la production responsables.

Portrait de Bertrand Piccard.
Portrait de Bertrand Piccard. Marcel Hartmann

Elles ont le potentiel de créer des emplois et de stimuler la croissance économique tout en réduisant les émissions de CO2 et en préservant les ressources naturelles. Elles offrent un avantage concurrentiel aux innovateurs qui les ont conçues et à leurs clients. Évaluées par des experts indépendants sur leur faisabilité technique, leurs bénéfices environnementaux et leur rentabilité, elles reçoivent le label Solar Impulse Efficient Solution.

The Good Life : À qui présentez-vous ces solutions ?

Bertrand Piccard : Aux gouvernants et aux décideurs économiques. Chaque fois que je parle de protection de l’environnement, on commence par me dire que c’est trop cher. Or, remplacer toutes les infrastructures anciennes polluantes par des infrastructures modernes, propres et rentables constitue la plus grande opportunité économique de notre siècle, c’est un investissement plutôt qu’une dépense.

The Good Life : Qui vous soutient ?

Bertrand Piccard : D’une part, les grandes institutions européennes. En novembre, nous avons présenté à la COP29, en Azerbaïdjan, le fonds de l’efficience, créé avec la Banque européenne d’investissement, pour aider les PME à s’équiper de ressources labellisées par la Fondation. Il permettra de payer l’usage de solutions plutôt que leur acquisition, palliant l’obstacle de l’investissement initial. Le lancement test est financé à hauteur de 350 millions d’euros, le but étant de disposer de quelques dizaines de milliards…

« Nous avons développé avec la Région Ile-de-France le business-meeting de la transition écologique, du speeddating entre fournisseurs de solutions, industriels et pouvoirs publics ou privés. »
« Nous avons développé avec la Région Ile-de-France le business-meeting de la transition écologique, du speeddating entre fournisseurs de solutions, industriels et pouvoirs publics ou privés. » DR

D’autre part, nous sommes soutenus par des partenaires privés (Adeo, Aliaxis, AXA, BNP Paribas, Bekaert, Breitling, Bouygues, SLB, Soprema, Schneider Electric, Engie, Movin’On…) et publics, comme les Régions Grand‑Est et Ile-de-France, intéressés par notre approche basée sur les solutions. Nous travaillons avec ces entreprises pour mettre en œuvre et faire connaître ces moyens labellisés par la Fondation, plaidons auprès des politiques pour que les réglementations évoluent et que les buts environnementaux et énergétiques soient plus ambitieux, avec un cap et un cadre stricts.

Nous avons développé avec la Région Ile-de-France le business-meeting de la transition écologique, du speeddating entre fournisseurs de solutions, industriels et pouvoirs publics ou privés. Dans la Région Grand‑Est, on a testé, avec Engie, un système de détection de fuites d’eau par capteurs électroniques, qui repère le point de fuite dans les conduites pour économiser des millions de mètres cubes. Un exemple parmi tant d’autres.

« Notre monde est polluant parce que nous continuons d’utiliser les vieilles infrastructures, les vieux systèmes, les vieux produits et les vieilles machines. »
« Notre monde est polluant parce que nous continuons d’utiliser les vieilles infrastructures, les vieux systèmes, les vieux produits et les vieilles machines. » DR

Et nombre de ces solutions sont déjà mises en œuvre : Antismog, un boîtier pour les moteurs thermiques, qui permet de faire 20 % d’économie de carburant et diminue de 80 % l’émission de particules, mis en place à l’aéroport Nice‑Côte d’Azur ; Eco Wave Power, qui produit de l’électricité avec des pistons, déjà utilisé en bord de mer ; SkyBreathe, un logiciel optimisant la consommation de kérosène en fonction des conditions météo, embarqué à bord des avions Transavia ; K‑Ryole, une remorque électrique permettant de tracter 250 kilogrammes avec un vélo, utilisé chez Bouygues ; Clariter, des solvants, huiles et cires produits à partir de déchets plastiques ; Dramix, de la multinationale belge Bekaert, un système d’agrafe en acier qui rend obsolètes les grosses armatures en métal dans les constructions en béton.

C’est moins polluant, avec moins de béton et moins de métal et cela a été utilisé lors de la réparation du tunnel du Gothard, en Suisse. Toutes les solutions labellisées Solar Impulse et leurs fabricants sont répertoriés sur le site de la Fondation.

The Good Life : Est-ce que c’en est fini du greenwashing ?

Bertrand Piccard : Certaines entreprises sont encore malhonnêtes. Nous travaillons avec celles qui veulent réellement verdir leur production. Notre monde est polluant parce que nous continuons d’utiliser les vieilles infrastructures, les vieux systèmes, les vieux produits et les vieilles machines. Il faut créer des incitations pour utiliser les technologies modernes et instituer des normes et des standards qui obligent à les utiliser, pour que la mobilité et l’industrie soient propres.

Portrait de Bertrand Piccard.
Portrait de Bertrand Piccard. Marcel Hartmann

Il faut cesser de gaspiller 30 % de l’alimentation, de gâcher l’eau, de relâcher la chaleur par les cheminées des usines ou de refroidir les datacenters avec de l’air conditionné, alors qu’on peut récupérer la chaleur pour chauffer un quartier ou produire de l’eau chaude sanitaire. Une pompe à chaleur économise jusqu’à 80 % de la facture d’énergie. La Fondation travaille avec la Banque européenne d’investissement pour créer un fonds qui en finance l’utilisation et non la propriété. Toutes les solutions existent déjà et les lois sont là pour forcer la société à évoluer.

The Good Life : Solar Impulse était le nom de l’avion solaire à bord duquel vous avez effectué un tour du monde en 2015- 2016, en 17 escales. Vous préparez un nouveau tour du monde avec Climate Impulse, le premier avion à ­hydrogène vert. Quel en est le but ?

Bertrand Piccard : Montrer à ceux qui pensent qu’il n’y a pas de solution ni d’avenir qu’on peut toujours faire mieux et plus que ce qu’on croit, que les technologies propres fonctionnent. Remettre un peu d’enthousiasme dans cette action climatique qui est souvent présentée comme sacrificielle, ennuyeuse et chère plutôt que de manière motivante, fédératrice et galvanisante.

The Good Life : De quel budget disposez-vous et qui vous soutient dans cette aventure ?

Bertrand Piccard : À peu près 80 millions de francs suisses [85,062  M €, NDLR]. Parmi nos partenaires essentiels se trouve Syensqo, une entreprise belge, spin-off du groupe Solvay, dont les matériaux composites (fils de carbone nouvelle génération, membranes pour les piles à combustible) apporteront la légèreté ainsi que les propriétés mécaniques et thermiques nécessaires, tout en permettant une conception plus compacte de la structure.

« Il fonctionne à l’hydrogène vert liquide avec des piles à combustible. »
« Il fonctionne à l’hydrogène vert liquide avec des piles à combustible. » DR

Nous sommes soutenus également par l’université Mohammed VI polytechnique (UM6P), le Groupe OCP, leader mondial des engrais phosphatés, qui veut se convertir à l’hydrogène, et Breitling.

The Good Life : Quel est la particularité de cet appareil ?

Bertrand Piccard : Il fonctionne à l’hydrogène vert liquide avec des piles à combustible. Concrètement, l’électricité verte électrolyse l’eau pour produire l’hydrogène qui est ensuite liquéfié, stocké dans l’avion dans des réservoirs thermiques et conservé à – 253 °C. Les piles à combustible alimentent les moteurs électriques de l’avion.

The Good Life : Quel est votre plan de vol ?

Bertrand Piccard : Un tour du monde en neuf jours sans escale. Plusieurs pays, dont le Maroc, les Émirats arabes unis (Abou Dhabi), Oman… nous ont proposé d’accueillir le départ.

The Good Life : Nous n’avons pas encore choisi. Où l’avion Climate Impulse est-il construit ?

Bertrand Piccard : Aux Sables-d’Olonne, par l’entreprise 49 Sud, spécialiste du carbone utilisé pour les bateaux ; et nous bénéficions des conseils d’Airbus, d’ArianeGroup, de Capgemini et de l’avionneur Daher. Nous ferons nos vols d’essai en 2026 sur l’aéroport international Tarbes-Lourdes-Pyrénées, adjacent au site de l’usine Daher.

Portrait de Bertrand Piccard.
Portrait de Bertrand Piccard. Marcel Hartmann

The Good Life : Votre acolyte est Raphaël Dinelli. Tout le monde connaît le navigateur (cinquième de la Transat JacquesVabre 1997 et plusieurs Vendée Globe et une Route du Rhum à son actif), mais peu savent qu’il est aussi pilote d’avion et ingénieur en matériaux composites…

Bertrand Piccard : J’ai toujours eu envie d’accomplir le tour de monde sans émission et d’un seul trait. Seul l’hydrogène le permet. Raphaël avait le même rêve. Il possède les compétences pour construire l’avion, moi, celles pour motiver des partenaires et gérer le projet. Nous volerons ensemble.

The Good Life : Jusqu’à quelle vitesse peut-on voler, avec de l’hydrogène vert ?

Bertrand Piccard : Climate Impulse est deux fois plus lourd et deux fois plus petit que Solar Impulse. Mais il vole aussi quatre fois plus vite, jusqu’à 180 km/h.

The Good Life : Airbus développe cette technologie pour des vols commerciaux à l’horizon 2035.Comment se positionne Climate Impulse par rapport à cela ?

Bertrand Piccard : Il n’y a quasiment pas de demande pour l’hydrogène vert, et quasiment pas d’offre pour l’instant. L’Europe a des plans de fabrication d’électrolyseurs, mais personne ne passe à l’action. Je fais le premier pas pour montrer les possibilités de cette technologie. Il faut des pionniers. En 1903, quand les frères Wright ont effectué leur premier vol en avion, on pensait que jamais un avion ne traverserait un océan. Soixante-six ans plus tard, on allait sur la Lune.

« L’Europe a des plans de fabrication d’électrolyseurs, mais personne ne passe à l’action. Je fais le premier pas pour montrer les possibilités de cette technologie. »
« L’Europe a des plans de fabrication d’électrolyseurs, mais personne ne passe à l’action. Je fais le premier pas pour montrer les possibilités de cette technologie. » DR

Pour les premières voitures, on a dit « on ne pourra jamais mettre des stations-service partout ». On l’a fait. C’est ce qui va se passer avec l’industrie de l’hydrogène : les pétroliers, qui doivent trouver une diversification et une reconversion, savent fabriquer, transporter, distribuer et vendre du gaz ou du liquide, donc l’hydrogène, c’est parfait pour eux. Ils doivent muter pour devenir des entreprises d’énergies utilisant l’hydrogène, l’électricité, les biocarburants… J’aimerais d’ailleurs que mon hydrogène vert soit fourni par un pétrolier.

The Good Life : L’hydrogène vert serait donc « la » solution miracle…

Bertrand Piccard : Il n’y a ni solution miracle ni panacée. Pour les voitures, la mobilité légère, les batteries électriques sont beaucoup plus efficientes. Mais pour les transports lourds, l’avion, le train, le bateau, l’hydrogène est plus indiqué, c’est un rapport poids/puissance. On a aussi besoin de l’hydrogène dans la métallurgie et dans la production de fertilisants pour les dépolluer. L’économie verte rentable, c’est tout l’inverse de la décroissance !

« Le quantitatif mène l’économie à sa perte. »
« Le quantitatif mène l’économie à sa perte. » DR

Je refuse la décroissance économique, je prône la décroissance de la consommation, de la pollution, du gaspillage, de l’inefficience. Je suis pour une industrie européenne verte qui crée de la valeur en Europe, plutôt que de continuer à acheter des produits qui viennent de l’autre bout du monde, fabriqués de manière polluante et qui ne profitent pas à notre développement économique. Il faut passer du quantitatif au qualitatif. Aujourd’hui, on fait très peu de bénéfices avec beaucoup de chiffre d’affaires.

Et pour ça, on est obligés de produire beaucoup. Donc on dévore de l’énergie, on pollue, on gaspille et on paie mal les salariés, ce qui augmente les inégalités sociales. Le quantitatif mène l’économie à sa perte. Dans une économie qualitative, on remplace ce qui pollue par ce qui protège l’environnement, on produit moins, mais mieux, on n’a plus besoin d’acheter autant, on fait moins de chiffre d’affaires, mais plus de bénéfices. Passer de l’un à l’autre, c’est en grande partie faisable par la réglementation.

The Good Life : Vous rencontrez les gouvernants, les industriels… Qu’est-ce qui bloque ?

Bertrand Piccard : Je vous donne une réponse gentille ou une réponse méchante ?

The Good Life : Les deux !

Bertrand Piccard : Le narcissisme immature de beaucoup de politiciens, dans la plupart des pays, est lamentable. Comment peut-on concrétiser des visions d’avenir avec des gens dont le but unique est leur prochain mandat ?

« Dans une économie qualitative, on remplace ce qui pollue par ce qui protège l’environnement, on produit moins, mais mieux, on n’a plus besoin d’acheter autant, on fait moins de chiffre d’affaires, mais plus de bénéfices. »
« Dans une économie qualitative, on remplace ce qui pollue par ce qui protège l’environnement, on produit moins, mais mieux, on n’a plus besoin d’acheter autant, on fait moins de chiffre d’affaires, mais plus de bénéfices. » DR

Les entreprises me donnent plus d’espoir, elles ont compris que si elles veulent être plus compétitives, elles doivent être capables d’arriver à de meilleurs résultats en consommant moins de ressources.

The Good Life : Travaillez-vous avec les écoles ? Car tout part de là, non ?

Bertrand Piccard : Nous essayons surtout d’éduquer les politiques, les financiers, les industriels, les décideurs, les acteurs, tous ceux qui ont le pouvoir aujourd’hui. Il nous faudrait bien davantage de ressources pour développer un pôle éducatif. Avis aux mécènes.

The Good Life : Vos exploits pionniers servent à alerter et à convaincre. À vous faire plaisir aussi ?

Bertrand Piccard : J’ai envie d’avoir une vie à la fois excitante et utile. Si c’est seulement excitant, c’est souvent égoïste, et si c’est seulement utile, c’est souvent ennuyeux. Les projets spectaculaires décuplent l’impact des messages.

« Nous essayons surtout d’éduquer les politiques, les financiers, les industriels, les décideurs, les acteurs, tous ceux qui ont le pouvoir aujourd’hui. »
« Nous essayons surtout d’éduquer les politiques, les financiers, les industriels, les décideurs, les acteurs, tous ceux qui ont le pouvoir aujourd’hui. » DR

C’était le cas quand j’ai conversé en direct, depuis Solar Impulse, alors que je survolais le Pacifique, avec Ban Ki‑moon, secrétaire général des Nations unies, pendant une séance à l’ONU.

The Good Life : Vous aviez rêvé d’embarquer des chefs d’États dans votre avion solaire, afin que cela serve de déclic, pour leur faire comprendre. L’avez-vous fait ?

Bertrand Piccard : C’était un monoplace… L’avion à hydrogène sera un biplace. J’ai déjà ma liste de passagers. Le prince Albert II de Monaco sera le premier.

The Good Life : Vous avez une force de conviction inépuisable, mais on vous sent quand même inquiet…

Bertrand Piccard : Je ne suis pas écodéprimé, au contraire, je suis écoactif, je veux être fédérateur et pas clivant. Je parle à tous les partis politiques. Mais je suis déçu par ces gens qui devraient prendre des initiatives et qui ne bougent pas, qui sont responsables de l’avenir et qui ne regardent que leur nombril.

« Les entreprises me donnent plus d’espoir, elles ont compris que si elles veulent être plus compétitives, elles doivent être capables d’arriver à de meilleurs résultats en consommant moins de ressources. »
« Les entreprises me donnent plus d’espoir, elles ont compris que si elles veulent être plus compétitives, elles doivent être capables d’arriver à de meilleurs résultats en consommant moins de ressources. » DR

Mettre l’écologie au centre du développement économique permet de créer de nouveaux débouchés industriels, des modèles financiers et des emplois. De quoi satisfaire les écologistes préoccupés par l’environnement, la gauche, par la qualité de vie des plus modestes, le centre droit, par la croissance, et les souverainistes, par l’indépendance énergétique.

The Good Life : La France, en 2021, et la Suisse, cette année, ont été condamnées pour « inaction climatique ». Selon vous, est-ce du théâtre ou bien une occasion pour faire changer les choses ?

Bertrand Piccard : C’est une occasion fantastique pour dire à la population, « nous avons été condamnés, donc nous sommes obligés de faire plus ; par conséquent, que vous soyez d’accord ou non, on y va ! » et donc pour faire passer des mesures qui ne passeraient pas autrement.

« Mettre l’écologie au centre du développement économique permet de créer de nouveaux débouchés industriels, des modèles financiers et des emplois. »
« Mettre l’écologie au centre du développement économique permet de créer de nouveaux débouchés industriels, des modèles financiers et des emplois. » DR

Hélas, la Suisse s’est offusquée, dénonçant une « condamnation injuste ». Se justifier d’en avoir fait « un peu » quand ce n’est clairement pas assez n’est pas la bonne réaction.

The Good Life : Quelles solutions vertes appliquez-vous au quotidien, personnellement ?

Bertrand Piccard : J’ai une maison totalement isolée, une pompe à chaleur, des panneaux solaires, une voiture électrique, et pour tout le CO2 que je n’ai pas pu diminuer dans mes activités, je paie une compensation carbone à la fondation My Climate qui, par exemple, remplace des génératrices Diesel dans des écoles en Tanzanie par des panneaux solaires.

The Good Life : Que signifie « changer d’altitude » ?

Bertrand Piccard : Dans un ballon, pour trouver une meilleure direction, il faut changer d’altitude, donc lâcher du lest. Dans nos vies, c’est pareil, il faut se délester de nos certitudes, habitudes, croyances, dogmes pour se réorienter dans la bonne direction. Avec 8 milliards de terriens, maintenir notre mode de fonctionnement est suicidaire. Et polluer ne doit plus être légal.

The Good Life : D’autres exploits à venir ?

Nous ne sommes jamais à l’abri d’un nouveau rêve ! Personnellement, ça me motive qu’on me dise que c’est impossible. Cela signifie seulement qu’on n’a pas encore réussi à trouver la manière de le réaliser. Quand mon grand-père physicien a voulu faire le premier vol dans la stratosphère dans une cabine pressurisée, l’industrie aéronautique a refusé de la construire et personne n’a voulu assurer son vol. Il l’a fait, malgré tout.

Portrait  de Bertrand Piccard.
Portrait  de Bertrand Piccard. Marcel Hartmann

Quand mon père, océanographe, a plongé dans la fosse des Mariannes, à 11 000 mètres, au plus profond des océans, à bord de son bathyscaphe, les sous-marins des marines nationales ne plongeaient qu’à 300 mètres. Quand j’ai voulu faire le tour du monde en ballon sans escale, puis à bord de Solar Impulse, on m’a dit : impossible ! J’ai réalisé les deux, en trouvant les solutions pour le faire.

Nous avons besoin de leaders qui ont une vision et qui prennent les décisions nécessaires pour réaliser cette vision. Vous connaissez la théorie du piranha ? Seul, un piranha ne peut rien, mais s’ils sont mille, ils vous dévorent. Même chose avec les solutions : il faut les appliquer toutes en même temps, partout et immédiatement. Les objectifs à 2030 sont plus utiles que ceux à 2050. Il vaut mieux en réussir la moitié tout de suite que rater tout plus tard !


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