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Développé par de nombreux constructeurs, le camion hydrogène bat à plate couture le camion électrique à batterie en matière d’autonomie - The Good Life
Développé par de nombreux constructeurs, le camion hydrogène bat à plate couture le camion électrique à batterie en matière d’autonomie.
Marine Mimouni

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The Good Mobility : Ça roule pour le camion à hydrogène

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Développé par de nombreux constructeurs, le camion hydrogène bat à plate couture le camion électrique à batterie en matière d’autonomie, et fait le plein d’hydrogène en un quart d’heure. Bruxelles estime que 60 000 poids lourds à hydrogène rouleront en Europe en 2030.

Le nouveau camion zéro émissionde Volvo Truck, à pile à combustible alimentée à l’hydrogène.
Le nouveau camion zéro émissionde Volvo Truck, à pile à combustible alimentée à l’hydrogène. DR

Pour la plupart des Français, l’idée selon laquelle le transport de marchandises pourrait être assuré par des camions faisant le plein d’hydrogène et propulsés par l’électricité sortant d’une pile à combustible relève de la science-fiction. Pour nos voisins suisses, c’est une réalité. Leurs chaînes de supermarché (Coop, Migros…) testent depuis 2020 une cinquantaine de 36‑tonnes Hyundai Xcient Fuel Cell, le premier poids lourd de série au monde fonctionnant à l’hydrogène. The Good Life s’est intéressé au camion à hydrogène. 

Les chauffeurs, formés en deux heures à leur nouvel engin zéro émission, sont ravis. Les transporteurs qui louent ces camions à l’année apprécient leur autonomie de 400 kilomètres et la possibilité de faire le plein en quinze minutes dans l’une des neuf stations à hydrogène ouvertes en Suisse. Surtout, l’exemption de la taxe helvétique sur les poids lourds (67 600 euros en moyenne par an pour un diesel moderne) permet au Xcient Fuel Cell d’atteindre un coût de fonctionnement proche de celui des camions Diesel, qui émettent des polluants et du dioxyde de carbone.

« Ces camions ont une autonomie de 400 à 800 kilomètres »

Bientôt un camion sans chauffeur sur les autoroutes américaines.
Bientôt un camion sans chauffeur sur les autoroutes américaines. DR

Le projet porté par Hyundai, H2 Energy, qui fabrique de l’hydrogène « vert » dans une centrale hydroélectrique, et Mobilité H2 Suisse, qui regroupe des exploitants de -stations-service, des entreprises de transport et la grande distribution, prévoit de faire rouler 1 600 camions Xcient Fuel Cell sur les routes helvétiques avant 2025. Le constructeur coréen a aussi signé des accords pour fournir 4 000 camions à hydrogène à la Chine et prévoit de produire 27 000 unités de son poids lourd en 2030. Hyundai est le premier, mais il n’est pas seul.

Des prototypes dans le monde 

La start-up américaine Hyson Motors teste, elle aussi, ses camions à hydrogène sur le port de Long Beach. Elle a engrangé d’importantes commandes en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas, et a construit deux usines aux États-Unis qui pourront livrer 12 000 camions à hydrogène par an. Et tous les constructeurs de poids lourds sont sur les rangs. Toyota s’est associé à Isuzu et à Hino Motors pour concevoir de petits camions à hydrogène. Pour sa part, Volvo Trucks a créé, avec Daimler Truck AG, le centre de développement Cellcentric.

Le nouveau camion zéro émission de Volvo Truck, à pile à combustible alimentée à l’hydrogène.
Le nouveau camion zéro émission de Volvo Truck, à pile à combustible alimentée à l’hydrogène. DR

« Nous y produirons à ­partir de 2025 des piles à combustible à hydrogène pour les camions fabriqués de manière indépendante par Volvo Trucks et Daimler, explique Jérôme Flassayer, directeur de l’électromobilité chez Volvo Trucks France. Pour notre part, nous testons déjà un prototype en Suède, qui fonctionne avec deux piles à combustible délivrant 300 kilowatts et une batterie d’appoint permettant de répondre à tout appel de puissance supplémentaire. Nous comptons commencer à proposer ce modèle en série à partir de 2026. »

Développé par de nombreux constructeurs, le camion hydrogène bat à plate couture le camion électrique à batterie en matière d’autonomie.
Développé par de nombreux constructeurs, le camion hydrogène bat à plate couture le camion électrique à batterie en matière d’autonomie. DR

Iveco n’est pas en reste et fait rouler ses prototypes à Ulm (Allemagne), où est situé son centre de R&D pour poids lourds, et en Arizona. « À partir d’octobre 2023, nous testerons en conditions réelles dans plusieurs pays européens – dont la France – 12 ­camions à hydrogène ­Nikola Tre, conçus en collaboration avec le spécialiste américain des véhicules à propulsion alternative ­Nikola Motors. Le moteur de ce modèle est alimenté par une pile à combustible de 200 kilowatts et des batteries de 150 kilowatts de capacité. Cela lui permet d’emporter une charge utile de 27,5 tonnes sans compromis de performance par rapport à nos camions ­Diesel actuels. La production en série du ­Nikola Tre hydrogène débutera à la fin 2024 », affirme Clément Chandon, directeur produit chez Iveco France. Les constructeurs VDL, Gaussin et Scania testent également des prototypes à -hydrogène. 

Les avantages de l’hydrogène

La plupart de ces industriels ont déjà à leur catalogue des camions électriques à batterie. Mais ils sont très sensibles aux trois avantages des poids lourds à hydrogène. D’abord, leur plus grande autonomie : alors que la majorité des camions électriques à batterie peuvent parcourir 200 à 300 kilomètres et visent un objectif de 500 kilomètres en 2030, les premiers modèles à hydrogène ont une autonomie de 400 à 800 kilomètres, et ceux qui sortiront vers 2027 visent à dépasser 1 000 kilomètres.

Roger Alm, président de Volvo Truck.
Roger Alm, président de Volvo Truck. DR

Ensuite, le temps de recharge, six fois inférieur à celui d’un camion à batterie, soit vingt minutes pour faire un plein d’hydrogène contre deux heures pour recharger une batterie avec une borne rapide. « Le camion à hydrogène est bien adapté à une utilisation quasi continue, par exemple pour enchaîner deux ou trois postes de conduite comme c’est souvent d’usage pour les livraisons dans les supermarchés », fait remarquer Clément Chandon.

« Un camion à hydrogène coûte cinq fois plus qu’un diesel équivalent »

Enfin, les composants propulsant le véhicule pèsent moins lourd : pour assurer une autonomie de 500 kilomètres, un tracteur semi-remorque électrique à hydrogène embarque des réservoirs pesant 750 kilos, une pile à combustible de 280 kilos, un moteur électrique de 350 kilos et une batterie électrique d’appoint pesant 780 kilos, soit 2,16 tonnes de composants. Alors qu’un poids lourd à batterie équivalent doit embarquer 4,3 tonnes de batteries plus un moteur électrique de 350 kilos, ce qui diminue sa capacité de chargement. Or, les transporteurs cherchent à maximiser le volume et le poids des marchandises qu’ils peuvent embarquer. 

Nikola : un camion alimenté en hydrogène.
Nikola : un camion alimenté en hydrogène. Nikola Motor Company

Des objectifs ambitieux

Concernant la production d’hydrogène et les stations de recharge, les spécialistes des gaz Air Liquide et Linde côtoient les pétroliers tels que Shell, Total Energies ou BP. Pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par Bruxelles (60 000 camions à hydrogène et 1 500 stations de recharge en 2030 dans l’Union européenne), plusieurs expérimentations sont en cours, afin de permettre à tous les acteurs de la filière de se coordonner.

Parmi les plus ambitieuses, HyTrucks – un partenariat entre Air Liquide, les ports de Rotterdam, Anvers et Duisbourg, les constructeurs VDL et Iveco, et plusieurs compagnies de transport – va mettre en service 25 stations de recharge et faire circuler 1 000 camions à hydrogène aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne d’ici à 2025. En France, le projet le plus avancé est Corridor H2, en Occitanie, qui vise à déployer dans la région deux unités de production d’hydrogène, huit stations de recharge, 40 camions et 15 bus d’ici à la fin 2023.

« Les pays de l’UE sont incapables de s’entendre pour instituer, comme en Suisse, une taxe carbone »

Aujourd’hui, un camion à hydrogène vaut 400 000 euros, soit cinq fois plus qu’un camion diesel équivalent.
Aujourd’hui, un camion à hydrogène vaut 400 000 euros, soit cinq fois plus qu’un camion diesel équivalent. Michell Luo / Unsplash

« Nous voulons devenir la première région européenne à énergie positive d’ici à 2050, d’où l’intérêt de diversifier notre mix énergétique en ouvrant des unités de production d’hydrogène au plan local. Le conflit dans l’est de l’Europe montre la pertinence du projet, car il va concurrencer le diesel, et donc rapprocher la date à laquelle le transport par camion à hydrogène sera compétitif », affirme Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région Occitanie.

Aujourd’hui, un camion à hydrogène vaut 400 000 euros, soit cinq fois plus qu’un camion diesel équivalent. Certes, on escompte que la production en série de dizaines de milliers de camions à hydrogène va faire baisser leur prix, ainsi que celui de la maintenance. Mais les pays de l’Union européenne sont incapables de s’entendre pour instituer, comme en Suisse, une taxe carbone qui pénaliserait les utilisateurs de camions Diesel et rendrait immédiatement rentable l’achat de poids lourds zéro émission.

Le transport routier s’apprête à entrer dans une nouvelle ère.
Le transport routier s’apprête à entrer dans une nouvelle ère. Han Chenxu / Unspash

La France, pour sa part, a renoncé à l’écotaxe pour camions depuis la fronde des « bonnets rouges », qui a conduit à abolir ce projet en 2014. Si l’absence d’une taxe carbone ralentit un peu la transition vers l’hydrogène, les aides publiques françaises et européennes sont considérables. De plus, les calculs d’experts français et étrangers montrent que le coût total de possession d’un camion à hydrogène ne dépassera pas celui d’un camion Diesel dès 2030. Le transport routier s’apprête donc à entrer dans une nouvelle ère, et c’est une excellente nouvelle…

Différents mode de stockage

Les réservoirs alimentant la pile à combustible d’un camion renferment de l’hydrogène comprimé à 350 bars, ou à 700 bars. La première solution est moins onéreuse, car les réservoirs doivent résister à une pression très inférieure, mais elle limite l’autonomie. Elle est utilisée sur des véhicules parcourant moins de 300 km par jour, tels que des petits camions effectuant des dessertes locales ou des autobus. Les réservoirs d’hydrogène comprimé à 700 bars équipent, pour leur part, les camions roulant sur de longues distances. Certains constructeurs de poids lourds, comme Daimler, ont l’intention d’adopter une troisième méthode, en stockant l’hydrogène sous forme liquide.

Certains constructeurs de poids lourds, comme Daimler, ont l’intention d’adopter une troisième méthode, en stockant l’hydrogène sous forme liquide.
Certains constructeurs de poids lourds, comme Daimler, ont l’intention d’adopter une troisième méthode, en stockant l’hydrogène sous forme liquide. Sander Yigin / Unsplash

Avantage : les réservoirs sont de dimension très réduite. Inconvénient : il faut alors refroidir l’hydrogène à – 253 °C, ce qui consomme beaucoup d’énergie. Néanmoins, cette solution, aujourd’hui utilisée pour propulser des fusées, donne lieu à de nombreuses recherches (par exemple d’Air Liquide et d’Engie, en France). Outre sur les camions parcourant de très longues distances, elle va en effet être testée sur des trains, des navires et même des avions, Airbus étudiant un projet d’appareil à hydrogène à l’horizon 2035. La présence de ces différentes formes d’hydrogène dans les réservoirs de camions complique la construction des stations de recharge, qui devront offrir aux transporteurs trois types de carburant stockés et distribués séparément. 

3 questions à Bertrand Chauvet - CEO de Seiya Consulting.

Développé par de nombreux constructeurs, le camion hydrogène bat à plate couture le camion électrique à batterie en matière d’autonomie - The Good Life

 

 

 

 

Quelle est la mission de Seiya Consulting ? 

Nous sommes la première entreprise de conseil en France à travailler exclusivement dans le domaine de l’hydrogène. Nous aidons des collectivités à établir une stratégie et à définir des solutions et des infrastructures pour décarboner les flottes de bus, de bennes à ordures ménagères, d’utilitaires… Nous les soutenons pour trouver des financements. Depuis 2019, nous avons contribué à structurer Corridor H2 en Occitanie, qui vise à décarboner le transport de passagers et de marchandises, et à sécuriser son budget. Le déploiement de 8 stations de recharge et d’une importante flotte de camions va s’effectuer grâce à un prêt de 40 M € de la Banque européenne d’investissement et à une subvention de 14,5 M € de la Commission européenne. 

Aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène utilisé est extrait des énergies fossiles. Comment peut-on passer à 100 % d’hydrogène « vert » ? 

L’hydrogène « gris » est produit pour des usages industriels, en tant que matière première pour la production d’ammoniac, la désulfuration du pétrole… Mais le gouvernement français a mis sur la table 9 Mds € pour développer la filière et les usages de l’hydrogène vert, afin de décarboner l’industrie et les transports, et la plupart des pays européens ont aussi des objectifs ambitieux. Certes, nous partons de presque zéro. Mais il paraît possible que celui-ci représente 14 % de la consommation totale d’énergie en Europe vers le milieu du siècle, comme le prévoit le plan dévoilé par Bruxelles en 2020. De plus, de nombreux pays, tels que l’Arabie saoudite, le Maroc, la Mauritanie, l’Inde, la Norvège… ont l’intention de produire de l’hydrogène vert pour l’exportation, avec un coût de transport relativement faible.

Comment voyez-vous la concurrence entre les batteries électriques et l’hydrogène ?

La grande faiblesse des batteries, c’est le temps de recharge, ou la puissance requise pour la recharge dite « ultrarapide ». Cela impose de grosses contraintes opérationnelles aux transporteurs. De plus, l’amortissement des stations de bornes de recharge est très difficile à atteindre. En revanche, une station à hydrogène peut faire des bénéfices dès qu’une vingtaine de camions y remplissent leurs réservoirs chaque jour, en quinze minutes. C’est pourquoi l’hydrogène représente une solution plus efficace, aussi bien pour le transport routier à longue distance que pour les véhicules utilitaires parcourant beaucoup de kilomètres au plan régional. Et à terme aussi pour les voitures particulières ! Le véhicule utilisant une pile à hydrogène a une motorisation électrique, et les constructeurs ajoutent souvent une petite batterie pour avoir le meilleur des deux mondes : beaucoup d’énergie dans peu de volume et de poids avec l’hydrogène, beaucoup de puissance dans la batterie « tampon ». Cette solution hybride représente sans doute l’avenir du camion zéro émission. 


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