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Dix-huit mois après l’arrivée de l’Italien Luca De Meo à la tête de Renault, la marque au losange semble avoir trouvé un nouvel élan, en déployant de nouvelles pistes de développement, de nouvelles sources de profit, une nouvelle image faite de créativité positive. C’est la « Renaulution ».
À son arrivée à la direction de Renault, en juillet 2020, Luca De Meo n’a pas forcément trouvé une entreprise au mieux de sa forme. L’Italien de 54 ans, dont trente ans passés à sillonner le monde pour l’industrie automobile avec un certain talent, savait évidemment à quoi s’attendre. Fin 2020, le groupe allait afficher un chiffre d’affaires en recul de 22 %, avec des pertes record de 8 milliards d’euros. Bousculé par la pandémie de Covid, Renault peinait aussi à se remettre de la crise managériale provoquée par la chute de Carlos Ghosn, puis le flop de la – courte – période Thierry Bolloré, la rupture entre Renault et Nissan… Alors, à tout cela, il fallait bien une révolution pour marquer la rupture avec l’ère précédente. Ou plus exactement une « Renaulution », comme l’a annoncé Luca De Meo, tout juste six mois après sa prise de fonction.
D’ailleurs, n’avait-il pas aussi le mot résolution à l’esprit en échafaudant son projet ? Première phase prévue jusqu’en 2023 : ressusciter la marque en redevenant compétitif, tout en réduisant les coûts et en générant du profit. Deuxième phase de rénovation, avec 2025 pour horizon : renouveler et enrichir les gammes, pour contribuer à la rentabilité des marques. Enfin, une vraie révolution assurée à partir de là, en faisant pivoter le modèle économique vers la technologie, l’énergie et la mobilité, pour positionner Renault comme précurseur dans la chaîne de valeur des nouvelles mobilités. Rien que cela !
Les chiffres de la Renaulution
• No 1 des ventes en France de véhicules électriques en 2020.
• 15 221 véhicules électriques vendus en France, au 1er semestre 2021.
• Zoe, no 1 des ventes de voitures électriques en Europe en 2020.
• 10 797 Zoe vendues en France, au 1er semestre 2021.
• 270 000 Zoe vendues depuis sa commercialisation, en 2013.
• 21 % des parts du marché des véhicules électriques en France au 1er semestre 2021.
• 7 nouveaux modèles électriques annoncés d’ici à 2025.
• Ventes mondiales de Renault S.A. en hausse de 18,7 % au 1er semestre 2021 par rapport à 2020, soit 901 500 véhicules.
• Objectif 2025 : 400 000 véhicules électriques par an.
La Renaulution électrique de Renault
Il y a un peu plus de dix ans, Renault disposait pourtant de plusieurs atouts pour réussir son pari, et notamment une certaine expertise de la transition énergétique. La marque s’était en effet affichée comme un précurseur du genre en lançant des véhicules 100 % électriques, la Zoe en tête, mais aussi la Kangoo. « Au total, nous avons vendu 400 000 voitures électriques et connectées, qui nous ont livré un bel échantillon d’usages, que ce soit d’un point de vue de la charge comme des parcours routiers. Autrement dit, nous disposons d’un recueil d’expériences qui nous positionnent mieux que quiconque pour préparer l’avenir de nos véhicules », souligne Bruno Vanel, directeur produit de Renault.
Capitaliser sur ces acquis pour créer de la valeur, technologique mais aussi émotionnelle, et le faire savoir pour vendre mieux. Aussi, la Renaulution n’hésite pas à puiser dans certaines des marques de confiance de la firme tout en les associant à de l’innovation. « À son arrivée chez Renault, Luca De Meo a vu des esquisses d’une R5 très néorétro. Immédiatement, il a été emballé par l’idée et a lancé le projet de développement d’un concept-car en vue de la production d’un véhicule correspondant à notre époque », explique Gilles Vidal, directeur du design arrivé chez Renault peu après le patron italien.
Une stratégie qui ressemblerait à celle de la Fiat 500. Sauf que De Meo n’a pas oublié de vivre avec son temps et d’envisager une R5 2.0 forcément électrique, qui arrivera à point nommé pour remplacer la Zoe, à partir de 2024. « L’électrique, aujourd’hui, c’est 13 % des ventes en Europe ; en 2030, ce sera 90 % », prévoit le directeur des ventes, Fabrice Cambolive.
Aussi, la Renaulution a pris les devants en proposant de restructurer et de regrouper les sites de Douai, Maubeuge et Ruitz au sein d’un pôle baptisé Electricity et entièrement consacré à cette technologie. Et six mois après l’annonce de Luca De Meo, la conversion a été signée avec les organisations syndicales, avec, à la clé, le recrutement de 700 personnes sur les trois ans à venir.
Megane E-TECH Électrique
Commercialisée à partir de mars 2022, la Mégane E-Tech Electric est le premier véhicule de la gamme à incarner la Renaulution. Produite au sein du pôle Electricity, à Douai, cette auto 100 % électrique bénéficie d’une plate-forme (CMF-EV) où se logent des batteries de 110 mm d’épaisseur seulement. Le modèle est en rupture avec les codes stylistiques des trois précédentes générations et tend vers une ligne de crossover dynamique monté sur des roues de 20 pouces.
L’habitacle, très spacieux, a fait l’objet d’une mise en œuvre écoresponsable avec des pièces en plastique recyclé ou encore une sellerie fabriquée à 100 % avec des matériaux recyclés. En outre, les solutions techniques adoptées pour la fabrication du moteur électrique permettent de s’affranchir de l’emploi des terres rares, de même que l’auto est recyclable à 95 %.
Enfin, le véhicule est équipé du nouveau système multimédia OpenR Link développé avec Google et basé sur Android Automotive OS, renouant plus que jamais avec le concept de voiture à vivre.
La Mégane E-Tech Electric est proposée en deux versions :
• 96 kW (130 ch) et 250 Nm pour une autonomie de 300 km.
• 160 kW (218 ch) et 300 Nm pour une autonomie de 470 km.
• Vitesse : 160 km/h.
• Accélération (0-100 km/h) : 7,4 s.
• Dimensions : 4,21 m (L) x 1,78 m (l) x 1,5 m (h).
• Empattement : 2,7 m.
• Poids : 1 624 kg.
L’esprit Nouvelle Vague
Si le patron italien ne perd pas de vue que sa stratégie doit aussi passer par des mesures drastiques – compression du temps de conception d’un modèle, réduction de la diversité de pièces, focalisation sur le segment générateur de marge… –, il semble pourtant déjà s’être distingué par un style très ouvert, en rupture avec celui, un rien autocratique, de Carlos Ghosn, qui cherchait coûte que coûte le volume.
« Luca De Meo a aimé cette analogie avec la Nouvelle Vague du cinéma français. Avoir l’esprit Nouvelle Vague chez Renault, c’est être plus humain, plus sensible, plus moderne et donc plus écologique », commente Arnaud Belloni, le patron du marketing qui, dès son arrivée, a planché sur les basiques de l’image, dont la refonte du logo de la marque. Toujours un losange, mais qui revient à la graphie posée par l’artiste Vasarely, à travers un jeu de lignes qui s’entrecroisent comme pour mieux se connecter.
« Les marques modernes sont aujourd’hui celles de la tech. Les marques automobiles déposent des dizaines de brevets chaque année, et elles ne le disent pas assez. L’un de nos objectifs est de le faire savoir. » Aussi, les véhicules porteurs de la technologie électrique arborent tous l’appellation E-Tech. Mais surtout, quoi de mieux que les 3 600 concessions du réseau pour afficher ce virage en les présentant comme des centres de mobilités ouverts capables d’offrir du service, comme la charge d’un véhicule. « En fait, ce n’est pas tant l’autonomie qui importe, coûteuse d’un point de vue des batteries, qu’un temps de recharge diminué et surtout accessible où que l’on soit », souligne Fabrice Cambolive.
La Refactory de Flins
Le complexe historique de Flins, inauguré en 1952, accueille désormais la Refactory, soit le premier site européen d’économie circulaire consacré à la mobilité. D’ici à 2024, la production de voitures neuves va peu à peu laisser la place à cette nouvelle plate-forme basée sur quatre pôles d’activités qui vont prolonger la vie du véhicule :
• Un pôle Re-Trofit chargé de reconditionner des véhicules d’occasion, voire de convertir des véhicules thermiques vers d’autres énergies moins carbonées.
• Un pôle Re-Energy, qui s’occupera de la collecte et de la réparation de batteries usagées ainsi que du développement de nouveaux usages en seconde vie.
• Un pôle Re-Cycle, qui se chargera des questions de recyclage, en visant l’accroissement de la part des matières recyclées dans la production d’un véhicule neuf.
• Un pôle Re-Start, qui a l’ambition de valoriser et de développer les savoir-faire industriels, ainsi que d’accélérer la recherche et l’innovation, en matière d’économie circulaire.
Vers davantage de recyclage
La question de la charge, et donc des batteries, représente effectivement un enjeu majeur pour la technologie électrique, auquel Renault entend répondre par un accompagnement sur le long terme. Ainsi, le site historique de Flins, rebaptisé Refactory, entend bien devenir un modèle en matière de « Re ».
Les batteries usagées y seront reconditionnées pour de nouveaux usages, les véhicules d’occasion et des matériaux pouvant être réutilisés vont aussi y être recyclés… augurant de réflexions profondes en matière d’économie circulaire. Elles vont influer sur les modèles économiques de la marque qui ne s’affichera plus tant comme un strict constructeur automobile que comme un industriel de la mobilité.
« Ce dispositif inédit va nous permettre de recalculer le prix d’un véhicule qui tiendra compte de l’usage que l’on en fait ainsi que de son potentiel de reconditionnement. Ainsi, on ne parlera plus de prix facial, mais plutôt de loyer adapté au besoin de chacun. Exactement comme votre téléphone portable », complète Fabrice Cambolive, directeur des ventes.
Car l’objectif n’est plus de faire atteindre les 200 000 km à un véhicule, mais le million, selon cette nouvelle économie. Dans son livre Da 0 a 500, paru en 2010, Luca De Meo avait finalement déjà tout écrit : « Proposer une voiture bourrée de technologie, écologique, sûre, personnalisable, et à un prix assez élevé pour la catégorie, bien qu’abordable. » Sur le papier, la Megane E-Tech et la R5 cochent en effet toutes les cases… reste juste à les découvrir sur la route.
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