×
À Athènes, l’émergence d’une scène artistique tient à de multiples facteurs, et sans doute pas à ceux de la stabilité et de la prospérité, 2024 - TGL
À Athènes, l’émergence d’une scène artistique tient à de multiples facteurs, et sans doute pas à ceux de la stabilité et de la prospérité, 2024 - TGL
Marine Mimouni

The Good Culture // Art

La scène artistique à Athènes est plus bouillonnante que jamais

Art

The Good Culture

À Athènes comme ailleurs, l’émergence d’une scène artistique tient à de multiples facteurs, et sans doute pas à ceux de la stabilité et de la prospérité. En ce sens, les conséquences de la crise, puis celles de la pandémie, ont attiré des artistes internationaux séduits par une vie bon marché et un cadre de vie informel, voire chaotique, stimulant à la créativité.

Tous l’affirment, la Documenta 14, en 2017, a été un accélérateur. C’était la première fois, et à ce jour la seule, que cet événement quinquennal mondialement connu se tenait à la fois à Cassel, en Allemagne, et ailleurs, en l’occurrence à Athènes.


A lire aussi : Exposition : La Galerie Magnum rend hommage à Elliott Erwitt


L’art en pleine revitalisation

« Il arrive que vous vous rendiez à un vernissage où se trouvent 90 % d’étrangers », constate Eftihia Stefanidi, directrice artistique de House Of Shila, un écosystème créatif comprenant hôtels, espaces d’exposions et résidence d’artistes. Elle-même est revenue dans sa ville natale après des années passées à Londres, dans le milieu du cinéma, alors que son partenaire américain, l’entrepreneur Shai Antebi, repère qu’il y a de bonnes affaires immobilières à Athènes.

Eftihia Stefanidi, directrice artistique de House Of Shila, un écosystème d’hôtels, d’espaces d’exposition et de résidences d’artistes.
Eftihia Stefanidi, directrice artistique de House Of Shila, un écosystème d’hôtels, d’espaces d’exposition et de résidences d’artistes. Julien Oppenheim

Leur premier projet est Shila, un petit hôtel ouvert en 2020 à Kolonaki. En 2022, c’est dans le quartier un peu déglingué de Monastiraki-Psiri qu’ils repèrent une ancienne manufacture textile des années 50, qu’ils transforment en un hôtel plus conséquent : Mona Athens. Aussi bien chez Shila que chez Mona, l’art est partout.

« Il était essentiel pour nous, de montrer de l’art hors du white cube, de démontrer qu’une œuvre peut faire partie d’un intérieur. Quand j’ai réfléchi à l’art que j’aimerais montrer chez Shila, je l’ai abordé sous l’angle de la sensualité. Il s’agissait avant tout d’un point de vue esthétique. En grandissant et parce que les artistes nous contactaient pour exposer, nous avons décidé de prendre le sujet plus au sérieux et de leur faire savoir que nous étions prêts à les accueillir en résidence. »

L’une des sculptures du Musée Archéologique de la ville d’Athènes.
L’une des sculptures du Musée Archéologique de la ville d’Athènes. Julien Oppenheim

Défricher, découvrir de nouveaux talents, telle est la mission que s’est donnée Angelo Plessas, lui-même artiste, qui, en 2019, a ouvert sa galerie dans le quartier de Kypseli. Contrairement à certains, Angelo Plassas n’est pas parti durant la crise financière. Sa réputation, il l’avait déjà construite au début des années 2000.

Ce GrécoItalien, qui a grandi au Pirée et étudié à l’université de New York, intègre dès son arrivée dans la métropole américaine une exposition collective. Une consécration pour un jeune artiste grec.

Puis il présente ses œuvres en Corée du Sud, à Chicago, au Centre Pompidou et au Jeu de paume, à Paris, et, bien sûr, à la Documenta 14, à Athènes. « Pour un artiste grec vivant ici, c’était majeur. L’héritage de Documenta 14, ce sont ces espaces indépendants comme le mien, qui tentent de créer quelque chose en dehors des institutions. »

La Fondation Niarchos.
La Fondation Niarchos. Julien Oppenheim

Son œuvre géante The Talis – man of All Beings est une installation de néons, visible, non loin de sa galerie, sur un mur de l’avenue Patision. Une œuvre d’art publique commandée par la Fonda – tion Onassis. « Vraiment – et vous pouvez l’écrire –, c’est l’institution la plus généreuse pour l’art contemporain.

La plupart des mécènes importent de grands noms, valorisent leur statut social, sans rien donner à la communauté. » Si Angelo vend davantage ses œuvres à des Italiens qu’à des Grecs, il existe bien à Athènes des acheteurs pour l’art contemporain, mais leurs collections demeurent dans l’intimité de leurs maisons.

Des galeries un peu partout

Ce sont maintenant les troisième et quatrième générations des grandes familles d’armateurs qui s’intéressent aux artistes contemporains et certainement finiront-elles, elles aussi, par ouvrir leurs propres espaces d’exposition.

Portrait de la galeriste Rebecca Camhi.
Portrait de la galeriste Rebecca Camhi. Julien Oppenheim

Quant aux galeries, elles sont disséminées dans la ville, déplore Rebecca Camhi, l’une des plus anciennes galeristes d’Athènes, qui, après avoir ouvert une première galerie dans le centre historique, s’est installée à Metaxourgeio. « On en trouve deux ici, deux à Kypseli, deux au Pirée… c’est un problème. J’aimerais qu’elles soient toutes au centre, pour attirer plus facilement les visiteurs. »

Plus qu’un lieu d’exposition, sa galerie est un lieu de vie où, lors de dîners, elle rassemble les amateurs d’art. « Le marché de l’art se porte de mieux en mieux, nous recommençons à vendre aux grands collectionneurs qui avaient l’habitude d’acheter à l’étranger », souligne-t-elle.

La galerie The Breeder, à Athènes.
La galerie The Breeder, à Athènes. Julien Oppenheim

Athènes serait-elle le nouveau Berlin ? Certes, des artistes s’y installent, attirés par des loyers encore bas, comparés à ceux des grandes villes d’Europe. Mais malgré ces quelques signes et similitudes, on en est encore loin.

« Je pense qu’Athènes ne deviendra jamais un lieu très cher et gardera toujours son côté underground, soutient Angelo Plessas. Nous demeurons un petit pays, encore pauvre de surcroît. Alors non, je ne crois pas qu’elle devienne Berlin. Et je ne le souhaite pas. » Gageons qu’Athènes continuera à cultiver sa singularité.


A lire aussi : Dakar : la Galerie du 19M tisse des liens entre Chanel et la culture sénégalaise

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture